Rapporteur Spécial sur les Défenseurs des Droits de l’Homme et Point Focal sur les Représailles en Afrique - 77OS

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77ème Session Ordinaire de la Commission Africaine des Droits de l’Homme et des Peuples

RAPPORT D’INTERSESSION 
Présenté par

Honorable Commissaire Rémy Ngoy Lumbu 

Commissaire et Rapporteur Spécial sur les Défenseurs des Droits de l’Homme et Point Focal sur les Représailles en Afrique;

Membre du Groupe de travail sur les droits économiques, sociaux et culturels en Afrique et de Rapporteur pays.

Arusha, 20 octobre au 9 novembre 2023

INTRODUCTION

1.Le présent rapport est soumis conformément aux articles 25(3) et 64 du Règlement Intérieur (2020) de la Commission africaine des droits de l’homme et des peuples (la Commission) et rend compte des activités de promotion et de protection des droits de l’homme entreprises au cours de la période d’intersession, depuis la 75ème Session Ordinaire de la Commission tenue du 3 au 23 mai 2023. 

2.Ce rapport est subdivisé en quatre parties essentielles: en la première, il rend compte des activités menées en notre qualité de Commissaire membre de la Commission et membre du Groupe de travail sur les droits économiques, sociaux et culturels en Afrique et de rapporteur pays en charge du suivi de la situation des droits de l’homme en Algérie, au Cameroun, en Côte d’Ivoire, au Mali, et au Togo. 

3.En la deuxième, il indique les activités menées en vertu du mandat qui nous a été confié en notre qualité de Rapporteur Spécial sur les défenseurs des droits de l’homme et Point focal sur les représailles en Afrique. Pour rappel, ce mécanisme spécial a été créé par la Résolution CADHP/69(XXXV)04 de la Commission africaine. Son mandat a été étendu sur la question des représailles en vertu de la Résolution CADHP/Res.273 (LV)2014. Le mandat du mécanisme a été renouvelé en vertu des Résolutions CADHP/Res.83(XXXVIII)05, CADHP/Res.125(XXXXII)07, CADHP/Res.149(XLVI) 09, CADHP/Res.202(L)2011, CADHP/Res.248(LIV)2013, CADHP/Res.315(LVII)2015, CADHP/Rés.381(LXI)2017, CADHP/Rés.425 (LXV) 2019, CADHP/Rés.451 (LXVI) 2020 et CADHP/Rés.526 (LXXIII) 2022.

4.En la troisième, il présente une brève analyse de la situation des défenseurs des droits de l’homme, de la liberté d’association et de réunion ainsi que des représailles en Afrique. Il présente dans la quatrième partie, des recommandations, à l’endroit des différents acteurs qui interagissent avec le mandat du Rapporteur Spécial. 

PARTIE I
ACTIVITES AU TITRE DE COMMISSAIRE (MEMBRE DE LA COMMISSION AFRICAINE)

5.Cette partie concerne les activités menées en ma qualité de Commissaire au sein de la Commission et en tant que membre des divers mécanismes subsidiaires établis par la Commission, notamment le Groupe de travail sur les droits économiques, sociaux et culturels en Afrique. Elle concerne également les activités menées en qualité de Rapporteur en charge du suivi de la situation des droits de l’homme dans certains États parties à la Charte africaine, notamment en Algérie, au Cameroun, en Côte d’Ivoire, au Mali et au Togo. 

A.Activité menée en qualité de membre du Groupe de travail sur les droits économiques et sociaux culturels en Afrique

6.Durant la période sous examen, j’ai pris part à la réunion d'évaluation et de planification du Groupe de travail sur les droits économiques et sociaux culturels en Afrique tenue en marge de la 77ème Session Ordinaire de la Commission, le 17 octobre 2023 à Arusha (Tanzanie). L’objectif principal de la réunion était d’évaluer le plan de travail du Groupe pour 2023 et planifier ses activités pour 2024.

7.La réunion a également permis d’échanger sur les termes de référence et la feuille de route pour l'élaboration de l'étude sur "les droits économiques, sociaux et culturels et les processus nationaux de développement durable en Afrique".

8.Activités en qualité de Commissaire Rapporteur pays pour le suivi de la situation des droits de l’homme dans les Etats parties de l’Algérie, Cameroun, Côte d’Ivoire, Mali et Togo

9.En ma qualité de Commissaire rapporteur en charge du suivi de la situation des droits de l’homme, j’ai pris quelques actions et effectué quelques activités dans les différents États parties. 

10.Concernant la République du Mali, j’ai publié le 9 septembre 2023, un Communiqué de Presse suite aux attaques terroristes du 7 septembre 2023 visant le bateau Tombouctou de la compagnie malienne de navigation sur le Fleuve Niger dans le secteur de Gourma-Rharous, entre Tombouctou et Gao et l’attaque d’une position de l'armée à Bamba, dans la région de Gao, au Nord de la République du Mali.  

11.A cette occasion, j’ai déploré les pertes en vies humaines, les nombreux blessés et les dégâts matériels enregistrés. Tout en présentant les condoléances de la Commission aux familles des victimes et au Gouvernement et peuple malien, j’ai condamné fermement ces actes revendiqués par le Groupe de soutien à l'islam et aux musulmans (GSIM), affilié à Al-Qaïda. J’ai en outre invité les autorités maliennes à redoubler d’efforts dans la protection des citoyens et la sécurisation de son territoire. 

12.S’agissant de la République algérienne démocratique et populaire, j’ai publié, le 25 juillet 2023, un Communiqué de Presse sur les incendies mortels enregistrés dans la nuit du 23 au 24 juillet 2023 dans seize préfectures du nord-est du pays qui ont occasionné le décès d’une trentaine de personnes et ont détruit notamment des villages entiers, des champs et des bâtiments.

13.J’ai présenté les condoléances les plus attristées de la Commission aux familles des victimes et au Gouvernement et peuple algériens. J’ai en outre exprimé les préoccupations de la Commission concernant la fréquence grandissante des feux de forêts, spécialement en période estivale ainsi que toutes les conséquences sur les droits des populations affectées.  A cet égard, tout en appréciant les moyens mis en place par les autorités algériennes pour arrêter les incendies ainsi que les dispositions prises pour protéger et assister les populations affectées, je les ai invités à prendre des mesures idoines en vue d’identifier les causes profondes de ces incendies et de mettre en œuvre la stratégie nationale de lutte contre les feux de forêts sur l’ensemble du territoire national. 

14.S’agissant de la République du Cameroun, j’ai envoyé le 25 juillet 2023, un Communiqué de Presse suite à l’effondrement d’un immeuble de quatre étages sur un autre bâtiment résidentiel, au quartier Ange Raphaël dans la ville urbaine de Douala, et qui a causé le décès d’au moins quarante personnes et plusieurs blessés dans la nuit du 22 au 23 juillet 2023. Des condoléances ont été présentées aux familles éprouvées et au gouvernement et peuple camerounais.

15.J’ai également publié un autre communiqué de presse le 10 octobre 2023 suite au décès d’au moins trente personnes et une vingtaine de blessés en raison de l’effondrement d’un terrain causé par des pluies torrentielles dans la nuit du 8 au 9 octobre 2023 dans le quartier de Mbankolo, dans la périphérie nord-ouest de Yaoundé. 

16.Dans les deux communiqués, j’ai souligné la préoccupation de la Commission sur l’occupation anarchique des terrains ainsi que les manquements des autorités administratives compétentes dans le suivi et la mise en œuvre des règles de l’urbanisme et des lois et règlements pertinents en vigueur.  A toutes ces occasions, j’ai invité les autorités camerounaises à procéder à un contrôle général rigoureux, en vue d’un strict respect des normes de construction en vigueur et de prendre des mesures qui s’imposent en vue de prévenir et lutter contre de tels drames qui continuent d’endeuiller le pays et s’assurer qu’une surveillance des sites instables à enjeux élevés est faite régulièrement

Résultat: ces communiqués de presse constituent un signal fort à l’endroit des parties prenantes pour qu’ils fassent attention sur les situations des droits de l’homme ainsi mises en évidence. De même qu’ils alertent l’opinion internationale sur les domaines de préoccupation qui nécessitent une attention particulière.

PARTIE II
ACTIVITES AU TITRE DE RAPPORTEUR SPECIAL SUR LES DEFENSEURS DES DROITS DE L’HOMME ET POINT FOCAL SUR LES REPRESAILLES EN AFRIQUE
 

A.ACTIVITES DE PROMOTION

I.Déclaration conjointe sur la protection du droit à la liberté de réunion pacifique dans les situations d'urgence, 15 septembre 2023

17.Conjointement avec le Rapporteur spécial des Nations unies sur les droits à la liberté de réunion et d'association, le Rapporteur spécial sur la liberté d’expression à la Commission interaméricaine des droits de l'homme, le Bureau des institutions démocratiques et des droits de l'homme (BIDDH) de l’Organisation pour la Sécurité et la Coopération en Europe (OSCE)  et le représentant de l'Indonésie auprès de la Commission intergouvernementale des droits de l'homme de l'ANASE, nous avons publié le 15 septembre 2023, une déclaration conjointe sur la liberté de réunion pacifique et d'association et l'utilisation abusive des technologies numériques. La déclaration a exposé les principes généraux applicables dans l’exercice du droit à la liberté de réunion pacifique, d’association et d’expression. Elle a en outre souligné les différentes obligations des Etats, concernant notamment la censure et fermeture d'Internet ; les technologies de surveillance numérique ; la désinformation et les fausses informations ; les discours haineux en ligne et incitation à la violence ; les plateformes en ligne, y compris les entreprises des réseaux sociaux ; les systèmes d'intelligence artificielle ; l'alphabétisation numérique et la garantie des recours efficaces et la responsabilisation. La déclaration a également rappelé les Obligations des entreprises dans ce domaine.
Résultat: Sensibilisation sur les principes généraux applicables dans l’exercice du droit à la liberté de réunion pacifique, d’association et d’expression et les obligations des                    Etats y relatives dans la sphère des technologies numériques.

II.Participation au Webinaire - Sensibilisation sur la Déclaration de Marrakech de 2018 et à l'Avis Consultatif de la Cour Africaine relatif aux Défenseurs des Droits de l'Homme, tenue virtuellement le 8 septembre 2023

18.J’ai participé à un Webinaire de sensibilisation organisé le 8 septembre 2023 par le Réseau des Institutions africaines des droits de l’homme sur la Déclaration de Marrakech de 2018.
19.Le webinaire avait pour objectif principal de sensibiliser sur la Déclaration de Marrakech 2018, document final élaboré par les INDH pour la protection et la promotion des droits des défenseurs des droits de l’homme et d’échanger sur la jurisprudence émergente de la Cour Africaine sur les questions touchant l’espace civique et les droits des défenseurs des droits de l’homme jurisprudence de la Cour concernant les questions relatives aux défenseurs des droits de l’homme.

20. Les travaux ont permis également d’examiner le rôle des INDHs et des organisations de la société civile dans la mise en oeuvre des décisions de la Cour relatives aux défenseurs des droits de l’homme et l’espace civique ; évaluer l'impact à l'échelle du continent des décisions et des avis des tribunaux ainsi que les défis qui entravent leur mise en oeuvre effective.

Résultat: Sensibilisation sur le rôle indispensable des INDHs dans la promotion et la protection des défenseurs des droits de l'homme et formulation des recommandations visant l’amélioration de la mise en oeuvre des décisions relatives à la protection de l'espace civique et des droits des défenseurs des droits de l’homme en Afrique.

III.Participation au Webinaire sur les garanties du droit à la liberté de réunion pacifique et les efforts, initiatives et expériences associés, 4 septembre 2023

21.J’ai pris part à un webinaire sur les garanties du droit à la liberté de réunion pacifique et les efforts, initiatives et expériences associés organisé le 4 septembre 2023 par le Bureau régional du Haut-Commissariat des NU aux droits de l'homme pour l'Afrique du Nord et le Moyen-Orient. La réunion s’est tenue dans le cadre de la mise en œuvre de la résolution 50/21 du Conseil des droits de l'homme sur la promotion et protection de tous les droits de l’homme dans le contexte des manifestations pacifiques du 8 juillet 2022. 

22.Le webinaire avait notamment pour objectif de mener des consultations mondiales et régionales et d'élaborer des instruments techniques et opérationnels spécifiques fondés sur les normes internationales et les meilleures pratiques pour aider les agents chargés de l'application de la loi à renforcer et protéger les droits humains dans le contexte des manifestations pacifiques.

23.Les discussions ont abordé les thèmes sur les garanties du droit à la liberté de réunion pacifique en vertu du droit international et les efforts et jurisprudences des mécanismes internationaux pertinents, les lignes directrices sur la liberté d'association et de réunion en Afrique ; la surveillance de l'exercice du droit à la liberté de réunion pacifique ; les expériences internationales concernant les lois et les pratiques nationales relatives au droit à la liberté de réunion pacifique et les défis liés à l'exercice du droit à la liberté de réunion pacifique.

Résultat: Présentation et dissémination des lignes directrices de la Commission Africaine sur la liberté d'association et de réunion en Afrique

IV.Réunion du groupe de soutien sur la mise en œuvre des Lignes directrices sur la liberté d'association et de réunion en Afrique, Arusha, Tanzanie, le 19 octobre 2023.

24.J’ai pris part à la réunion du Groupe d’appui sur la mise en œuvre des Lignes directrices de la Commission sur la liberté d'association et de réunion en Afrique (les Lignes directrices), tenue le 19 octobre 2023, en marge de la 77ème Session ordinaire tenue du 20 octobre au 9 novembre 2023, à Arusha en Tanzanie. A cette occasion nous avons échangé sur la situation de la liberté d’association et de réunion en Afrique et des recommandations d'action stratégique du groupe de soutien ont été formulées. 

25.Ensemble avec les membres du Groupe, nous avons examiné l'état d'avancement du plan de travail du Groupe pour 2023, concernant notamment les activités relatives projet d’étude sur les législations nationales et leur conformité avec les lignes directrices sur les lignes directrices ; le projet du manuel relatif à l'élaboration de rapports périodiques et parallèles conformément à la Charte africaine et aux lignes directrices ; le suivi de la mise en œuvre des lignes directrices ; les initiatives en vue de la mise en œuvre de la feuille de Route d'Addis-Abeba - axée sur la liberté d’association et de réunion et la recherche et apprentissage pour soutenir la protection des FOAA. 

26.En vue d’une meilleure coordination des activités, les participants ont délibéré sur les prochaines étapes et défini les priorités. Ils se sont en outre partagé les différentes responsabilités et les délais pour leur mise en œuvre ont été fixés. 
Résultat: Mise à jour sur la situation de la liberté d’association et de réunion en Afrique et coordination des activités du Groupe de Soutien.
V.Participation aux évènements parallèles sur la situation des défenseurs des droits de l’homme organisés en prélude et en marge de la 77ème Session ordinaire de la Commission, octobre 2023 

27.Durant la période du 16 au 24 octobre 2023, j’ai pris part à différents réunions et évènements parallèles relatifs à la protection de l’espace civique et des défenseurs des droits de l’homme organisés en prélude et en marge de la 77ème Session Ordinaire de la Commission tenue du 20 octobre au 9 novembre 2023. Ces activités et évènements comprennent notamment  les session sur la  réflexion sur les 25 ans de la Déclaration des Nations Unies sur les droits de l’homme et validation de la politique-type sur les défenseurs des droits de l’homme en Tanzanie ; les lois restrictives au travail des Défenseurs des droits de l’homme ; la Gouvernance démocratique, conflits et responsabilité en Afrique ; sur la protection de l'environnement et la lutte contre les violations des droits par les entreprises en Afrique ; la table-ronde sur les entraves aux libertés d’association et de réunion pacifique et criminalisation du statut d’activistes ; la situation des  défenseurs des droits de l’homme travaillant dans le domaine des terres et environnement en Afrique ainsi que la session de lancement officiel de l’étude menée par le REDHAC intitulée : « nous sommes debout pour ceux qui défendent les DH et les libertés fondamentales »

Résultat: Mise à jour sur la situation des défenseurs des droits de l’homme et le travail du mécanisme spécial ainsi que la formulation des recommandations sur la protection et la restauration de l’espace civique en Afrique. 

I.ACTIVITES DE PROTECTION

I.Appels urgents

28.Au cours de la période sous examen, le mécanisme a reçu de plaintes portant sur des allégations de violations des droits des défenseurs des droits de l’homme, auxquelles il a donné suite selon les besoins spécifiques de chaque cas. Ainsi Certaines de ces plaintes concernent des allégations sur la situation des droits de l’homme relatives aux violations commises à l’égard des défenseurs des droits de l’homme. Ainsi, au cours de la période sous examen, sept lettres d’appel urgent ont été envoyées aux États parties de l’Angola, Egypte, Kenya, Soudan, Sénégal et Ouganda. Les allégations portaient principalement sur les meurtres des défenseurs des droits de l’homme, des cas de harcèlement judiciaire, arrestation et détention arbitraires, des cas de représailles et intimidation des défenseurs des droits de l’homme, de projet de loi de nature à restreindre l'espace civique et qui peut faire obstruction aux activités des défenseurs des droits de l’homme, une fois promulgué en l’état.  

II.Réponses des États

29.Le mécanisme n’a pas encore reçu de réponse de la part des États concernant les appels urgents sur les allégations de violations des droits de l’homme à l’égard des défenseurs des droits de l’homme envoyés au cours de l’intersession, certains parmi eux étant encore dans les délais de soumission de leurs réponses. 

PARTIE III
ANALYSE DE LA SITUATION DES DEFENSEURS DES DROITS DE L’HOMME EN AFRIQUE

30.Un cadre juridique national favorable est un élément nécessaire pour garantir un environnement sûr et propice au travail des défenseurs des droits de l'homme, comme le stipulent de nombreux instruments internationaux et régionaux, notamment l'absence de lois et de pratiques qui restreignent et criminalisent leur travail, ainsi que l'adoption et la mise en œuvre effective de lois et de mesures qui garantissent leur soutien et leur protection. 

31.La situation des défenseurs des droits de l’homme a évolué de manière positive dans certains pays tandis que dans d’autres elle ne cesse de se détériorer. Dans les lignes qui suivent, nous faisons un état des lieux de la situation des défenseurs des droits de l’homme, de la liberté d’association et de réunion, de manifestation et la question des représailles dans quelques pays.

A.LA LIBERTE DE REUNION ET DE MANIFESTATION EN AFRIQUE 

32.La liberté de réunion et de manifester pacifiquement sont des droits essentiels à l’expression collective et à la défense de l’ensemble des droits humains. 

33.En ce qui concerne les développements positifs, le mécanisme se réjouit des avancées ci-après : 

-La promulgation par la République Démocratique du Congo (la RDC), de la loi n°23/027 relative à la protection et à la responsabilité du défenseur des droits de l’homme, le 15 juin 2023. La RDC devient ainsi le cinquième pays d'Afrique à adopter un instrument juridique pour la protection des défenseurs des droits de l’homme, après la Côte d’Ivoire, le Mali, le Burkina Faso et le Niger.

-Toujours sur la protection des défenseurs des droits de l’homme par les Etats, la majorité des Etats de la sous-région ouest africaine qui ne disposent pas de loi de protection des défenseurs des droits humains se sont engagés dans le processus de domestication de la Déclaration des Nations Unies sur les défenseurs des droits de l’homme de 1998.

34.Au titre des domaines de préoccupation :

-Malgré l'engagement général des Etats parties à respecter et à garantir les droits de l'homme sans discrimination, la persistance de cadres législatifs et restrictions juridiques constantes entravent fortement le travail des associations et organisations de la société civile dans certains États, et ce malgré leurs importantes contributions ; 

-En mai 2023, le parlement angolais a voté l'approbation du projet de loi sur le statut des organisations non gouvernementales ("le projet de loi"). Le projet de loi, dans sa forme actuelle, réduit l'espace civique et peut avoir des effets négatifs indicibles sur le droit à la liberté d'association, d'expression et les droits connexes tels que le droit à la vie privée et à la non-discrimination ; 

-Au Zimbabwe, dans le cadre de la répression de l'espace civique, le parlement a récemment adopté le projet de loi sur l'amendement des organisations bénévoles privées, qui confère des pouvoirs discrétionnaires illimités à l'organe exécutif du gouvernement pour surréglementer et interférer dans la gouvernance et les opérations des organisations non gouvernementales ;

-Certains États continuent d'utiliser les mesures d’urgence sanitaire ou sécuritaire pour restreindre indûment les libertés (droits) d'association et de réunion, en particulier pour les acteurs politiques de l'opposition, la société civile et les défenseurs des droits de l’homme. 
35.La Commission rappelle ses Lignes Directrices sur la liberté d'association et de réunion en Afrique qu’elle a adoptées pour aider les États parties, y compris les décideurs politiques, les rédacteurs de lois et les législateurs, à s'assurer que la législation, les politiques et les pratiques administratives sont conformes aux meilleures pratiques et aux normes internationales et que les mesures ne portent pas atteinte de manière injustifiée aux libertés d'association et de réunion. 

36.Nous encourageons les États à utiliser ces Lignes directrices et notons en particulier le rôle important que jouent les tribunaux nationaux pour garantir les libertés d'association et de réunion. Nous appelons également les institutions nationales des droits de l'homme et les ONG à diffuser largement ces Lignes Directrices et à faire le suivi de leur mise en œuvre et à partager les informations relatives à notre mandat.

B. LA QUESTION DES REPRESAILLES SUR LE CONTINENT

37.Les actes de représailles demeurent fortement présents et manifestés sous différentes formes, notamment les meurtres, les assassinats, le harcèlement systématique, les restrictions indues de l'accès aux réunions des organes de droits de l’homme, les menaces diverses, les violences physiques et autres abus, les restrictions injustifiées des activités des organisations de la société civile, l’espionnage, le cambriolage de sièges des Organisations et associations, la diffamation, la suspension des agréments, les arrestations et détentions arbitraires et les procédures judiciaires répétitives entre autres, sont toujours d’actualité.

38.Ces cas de représailles sont pratiquement communs à l’ensemble des pays avec un degré de gravité plus ou moins avancé selon les pays. Nous citons notamment : 

-L’assassinat de cinq (5) défenseurs des droits de l’homme, notamment dans la région du Darfour, au Soudan, spécialement ceux opérant dans le camp des déplacés de El Geneina ;
-Le vandalisme, attaques physiques et autres actes d’intimidation contre le Docteur Eduardo Peres Alberto, Secrétaire Général du Syndicat des Enseignants de l'Enseignement Supérieur (SINPES) et sa famille, suite à son refus de renoncer à la grève déclarée par le syndicat qu'il dirige en Angola; 
-Les menaces et attaques accrues dont font objet les défenseur·e·s des droits humains environnementaux, en raison de leur travail qui menace de puissants intérêts économiques, notamment les agressions physiques, harcèlement, menaces personnelles contre leur vie ou contre des membres de leur famille ou organisation, ainsi que l'arrestations et les intimidations de la part d'agents du gouvernement et de sociétés multinationales ;
39.Nous invitons les États à entreprendre des enquêtes sur les menaces et les actes d'intimidation subis par les défenseurs des droits de l’homme et de veiller à ce que les titulaires de droits et les victimes obtiennent justice et réparations adéquates. 

PARTIE IV. CONCLUSIONS ET RECOMMANDATIONS

A.CONCLUSIONS

40.Le nombre de plaintes reçues par le mécanisme demeure stable, cependant certains pays plus que d’autres font l’objet de plaintes régulières dont nous nous efforçons de vérifier la véracité avant de contacter l’État concerné. 

41.A cet effet, nous voulons souligner que le suivi de nos appels urgents, tant sur la réception effective par les États ou la mise en œuvre de nos recommandations, demeure toujours un défi majeur.

42.Concernant ses activités le mandat poursuit sa collaboration avec les États sur ces différentes questions :
-La bonne application des normes et des standards des droits de l’homme relatifs aux défenseurs des droits de l’homme notamment par le biais de recommandations sur les rapports des États, de visites de pays, des missions d'enquête, d’appels urgents et autres moyens.
- L’adoption des lois sur la protection des défenseurs des droits de l’homme et à ce propos il réitère sa disponibilité à les accompagner dans les différentes étapes de l’adoption de ces lois.

43.Le mandat va poursuivre l’examen des législations et des politiques qui imposent des restrictions aux libertés publiques et réduisent le rôle et l'espace opérationnel des acteurs de la société civile ainsi que le renforcement de la collaboration avec tous les défenseurs des droits de l'homme et à poursuivre le dialogue avec les États et les autres parties prenantes.

B.RECOMMANDATIONS 

44.Les recommandations formulées dans nos précédents rapports restent d’actualité. Le mandat souhaiterait que les États parties et les différents acteurs y compris ceux de la société civile se les approprient et s’attellent à leur mise en œuvre effective.

Aux États Parties:

i.Elaborer, adopter et mettre en œuvre des lois, des politiques et programmes nationaux plus solides et adéquats en matière de protection des défenseur.es des droits de l'homme ;
ii.Vulgariser la loi sur les défenseur.es auprès des autorités administratives, judiciaires et sécuritaires afin de lever toute forme de restrictions limitant le travail des défenseur.es des droits humains ;
iii.S’assurer que les mécanismes mis en place pour la protection des défenseurs des droits de l’homme soient inclusifs et comportent des représentants de la société civile, dans leur composition ;  
iv.S’assurer que les projets de loi sur la protection des défenseurs des droits de l’homme soient conformes aux normes juridiques internationales afin de créer un environnement juridique favorable à leur travail ;
v.S’abstenir d’adopter des lois liberticides tendant à restreindre l’espace civique et les activités légitimes de promotion et de défense des droits de l’homme des défenseurs ;
vi.Adopter des lois spéciales pour prendre en charge la question de la protection des défenseurs des droits de l’homme environnementaux ou en situation de crise sanitaire et sécuritaire ou d’autres crises continentales ou mondiales ;
vii.Sensibiliser et renforcer les capacités des différents acteurs y compris les défenseurs sur les lois et règlements régissant la promotion et la protection des droits de l’homme ;
viii.Prendre toutes les mesures idoines afin d’assurer que les défenseurs mènent leurs activités dans des conditions de sécurité exempt de toutes menaces pour leur intégrité physique et morale ;
ix.Apporter une attention particulière à la situation des femmes défenseures des droits de l’homme qui reste une préoccupation constante pour le mécanisme du Rapporteur spécial ;
x.S’abstenir de radier les ONGs et organisations de la société qui opèrent dans le domaine de la promotion et la protection des droits de l’homme et renforcer l’espace civique et démocratique en favorisant la liberté d’expression, d’association et de réunion pacifique pour tous les défenseur.es des droits humains ;
xi.S’assurer que les mesures prises par les États pour combattre le terrorisme sont en conformité avec la Déclaration de principes sur la liberté d’expression en Afrique de la Commission Africaine et les Principes et directives sur les droits de l’homme et des peuples dans la lutte contre le terrorisme en Afrique ;
xii.Mettre en place des mécanismes adéquats en vue de la réparation des préjudices subis par les défenseurs des droits de l’homme dans le cadre de leur travail ;
xiii.S'engager dans le dialogue et la consultation avec les défenseurs des droits de l'homme, reconnaître publiquement et soutenir leur travail au moyen de campagnes de communication et d'information ;
x.Encourager et promouvoir l’organisation du travail des défenseurs en réseaux associatifs au niveau national, sous régional et continental ;
xi.Être plus proactifs dans les réponses apportées à leur attention concernant les allégations de violations des droits de défenseurs par mon mécanisme et les autres mécanismes de la Commission.

A l’Union Africaine et autres organismes régionaux et sous régionaux:

i.Reconnaître le rôle essentiel des défenseurs des droits de l'homme dans la mise en œuvre effective des principes démocratiques, de l'État de droit, de bonne gouvernance et de développement durable en Afrique ;
ii.Encourager les États membres et les organes de l'Union africaine à mener des campagnes de sensibilisation sur le rôle fondamental joué par les défenseurs des droits de l'homme ;
iii.Créer un espace de dialogue entre les États, les défenseurs des droits de l'homme et d'autres acteurs clés sur les défis, les bonnes pratiques et les progrès en matière de protection des défenseurs des droits de l'homme ;
iv.Encourager et soutenir une pleine collaboration entre les mécanismes nationaux, régionaux et internationaux de défense des droits de l'homme.

Aux institutions nationales des droits de l’homme:

i.Exercer pleinement leurs mandats de promotion et de protection afin de tenir les États responsables des violations commises contre les défenseurs des droits de l'homme et intervenir à l'appui des défenseurs victimes de violations des droits de l'homme ;
ii.Établir des mécanismes internes sur la protection des défenseurs des droits de l'homme au sein de l'institution et veiller à ce qu'ils disposent de ressources suffisantes et collaborent activement avec tous les défenseurs des droits de l'homme ;
iii.Pérenniser les initiatives relatives à la tenue régulière du Forum des INDH en prélude aux Sessions de la Commission.

Aux organisations de la société civile: 

i.Continuer à collaborer avec les mécanismes nationaux, régionaux et onusiens pour la promotion et la protection des droits de l'homme, afin de prévenir et de répondre aux violations des droits de l'homme commises contre les populations et les défenseurs des droits de l'homme ;
ii.Ne pas se focaliser uniquement sur la satisfaction de certains droits de l’homme (droit à la liberté et de réunion par exemple) au détriment d’autres droits (droit à la vie ; droits économiques, sociaux et culturels et les droits collectifs) et de rechercher à maintenir des équilibres nécessaires pour que la satisfaction de certains droits n’aboutisse à la destruction d’autres ;
iii.Mettre en place et renforcer les réseaux de défenseurs nationaux et régionaux afin de promouvoir la collaboration et les approches intersectorielles qui permettent l’établissement d’alliances avec des groupes divers ;
iv.Développer des approches novatrices pour impliquer le grand public, les acteurs politiques et d'autres leaders d'opinion, y compris les médias, dans le travail des défenseurs des droits de l'homme ;
iv.Respecter les lois et les règlements en place et mener leurs activités dans le respect des textes internationaux, régionaux et nationaux consacrés à cet effet ;
iv.Éviter l’instrumentalisation politique de leurs activités et contribuer mutuellement au renforcement des capacités des uns et des autres ;
v.Poursuivre leurs activités de promotion et de défense des droits de l’homme et engager un dialogue constructif avec les différents acteurs. 

Aux médias
i.S'engager dans le dialogue avec tous les défenseurs des droits de l'homme et soutenir leurs efforts pour faire progresser les droits de l'homme, l’état de droit, le changement social et le développement ;
ii.Travailler solidairement au côté des défenseurs des droits de l’homme en vue de leur permettre de s’informer et d’informer les populations à bon escient.

Aux leaders religieux et traditionnels
i.Œuvrer à l’élimination des obstacles contre le travail des défenseurs des droits de l'homme et des organisations de la société civile, en particulier l'accès aux communautés ;
ii.Travailler pour prévenir les pratiques négatives qui sont sources de discrimination à l'égard des femmes défenseurs et des défenseurs des droits de l'homme travaillant avec des personnes qui sont criminalisées et/ou discriminées, comme les travailleur.es du sexe, les personnes vivant avec le VIH et les personnes aux diverses orientations et identités sexuelles.

Aux partenaires techniques et financiers
i. Tout en les remerciant de leur appui constant, je les encourage à poursuivre leur soutien au mécanisme, aux États parties, aux institutions nationales et à la société civile, dans leurs actions en vue d’une meilleure promotion et protection des droits des défenseurs des droits de l’homme.