Rapporteure spéciale sur les prisons, les conditions de détention et l'action policière en Afrique - 81OS

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RAPPORT SUR LES ACTIVITÉS ENTRE SESSIONS 
81ème SESSION ORDINAIRE, 17 octobre au 6 novembre 2023, Banjul, Gambie
COMMISSAIRE MARIA TERESA MANUELA
SOMMAIRE

SECTION I: Introduction

SECTION II : Activités menées au cours de la période entre sessions en tant que : 
I.    Membre de la Commission africaine des droits de l'homme et des peuples et rapporteure pour les pays lusophones;
II.    Rapporteure spéciale sur les prisons, les conditions de détention et l'action policière en Afrique ; 
III.    Membre du groupe de travail sur les communications;
IV.    Membre du Comité pour la prévention de la torture en Afrique
SECTION III: Défis 
SECTION IV : Recommandations et conclusions

SECTION I - INTRODUCTION
1.    Le présent rapport est présenté conformément aux articles 25(3) et 64 du Règlement intérieur de 2020 de la Commission africaine des droits de l'homme et des peuples (la Commission) et couvre les activités menées au cours de la période comprise entre les 79ème et 81ème sessions ordinaires, conformément aux objectifs prévus dans la matrice de mise en œuvre du plan annuel, qui découle du Plan stratégique 2021-2025. 
2.    Il comprend les activités que j'ai entreprises en tant que membre de la Commission africaine des droits de l'homme et des peuples (la Commission), Rapporteure spéciale sur les prisons, les conditions de détention et l'action policière en Afrique (Rapporteure spéciale), membre du Groupe de travail sur la peine de mort et membre du Groupe de travail sur les communications. Cela inclut également les activités menées en tant que rapporteure pour cinq (5) pays lusophones d'Afrique.
3.    Le rapport est divisé en quatre (4) parties : Introduction; Activités de la période entre sessions; Défis rencontrés dans l'exercice du mandat de rapporteure spéciale et de membre de la CADHP et Recommandations et Conclusions.

SECTION II - ACTIVITÉS ENTRE SESSIONS

I - Activités en tant que membre de la Commission africaine
Réunions statutaires
4.    J'ai pris part à la 80ème session ordinaire qui s'est tenue du 24 juillet au 2 août de cette année et qui a été consacrée à l'examen de questions liées au fonctionnement de la Commission africaine, à l'appréciation des communications, rapports et études en cours, ainsi qu'à l'approbation de diverses résolutions qui guident la vie interne et au-delà. Les résultats sont présentés dans le communiqué final publié à l'issue de la conférence.
5.    J'ai participé à la visite de promotion en République d'Angola du 3 au 6 septembre dernier. La délégation était dirigée par le président de la CADHP, Hon. Commissaire Remy Ngoy Lumbo et composée par l'Honorable Marie Louise Abomo, Rapporteure pour la mise en œuvre des droits de l'homme dans ce pays ; moi-même, en tant que Commissaire résidente et deux juristes du Secrétariat. Les détails se trouvent dans les rapports et les observations qui seront présentés en temps voulu.
6.    J'ai présidé la visite de promotion en République du Cap Vert du 16 au 21 septembre, avec une délégation composée de l'Honorable Commissaire Essaiem Hatem et d'un juriste du Secrétariat.
7.    Cette visite a été définie en 2018/2019, avec l'interrègne imposé par la pandémie de Covid-19, et les préparatifs se sont poursuivis en 2022. Après quelques mésaventures liées à la météo, il a finalement été possible de réaliser la visite. Elle s'est déroulée dans un esprit de cordialité, de sécurité et d'ouverture, où il a été possible d'établir des contacts avec les autorités gouvernementales cap-verdiennes, les organismes indépendants et les homologues des Nations unies, ainsi qu'avec la société civile, y compris la presse.
8.    Un séminaire de présentation de la Commission africaine des droits de l'homme, de sa constitution et de son fonctionnement, réunissant des organismes publics et la société civile, a également pu être organisé dans l'une des salles de la Faculté de droit de l'Université. Le rapport et les observations finales seront communiqués en temps utile.  

II - En tant que rapporteure spéciale sur les prisons, les conditions de détention et l'action policière en Afrique

9.    En tant que rapporteure spéciale sur les prisons, les conditions de détention et l'action policière en Afrique, j'ai participé à la deuxième conférence africaine sur le réseau des mécanismes nationaux de prévention, qui s'est tenue du 26 au 28 juin de cette année. J'ai été invitée par des partenaires tels que le sous-comité des Nations unies pour la prévention de la torture, le comité des Nations unies pour la prévention de la torture (CPT), le HCDH, l'APCOF et l'APT.
10.    Cette activité a été divisée en deux, la première concernant la formalisation du réseau, avec l'adoption des statuts et la création du secrétariat permanent, le Maroc assurant la présidence et le secrétariat étant réparti entre cinq pays, dont le Mozambique et le Cap Vert. 
11.    A cet égard, il convient de souligner que les institutions nationales des droits de l'homme de ces deux pays ont également été désignées comme mécanismes nationaux de prévention de la torture et font donc partie du secrétariat du réseau.
12.    La deuxième activité était la commémoration de la Journée internationale pour le soutien aux victimes de la torture et du 40e anniversaire de la Convention contre la torture des Nations unies. Dans ce contexte, et en tant que membre du Comité pour la prévention de la torture en Afrique (CPTA), j'ai participé au Séminaire de sensibilisation et de formation sur le mécanisme d'alerte et de signalement des situations de torture à la Commission - Règles d'Abdjan, organisé à l'Institut Omar Dullah.
13.    Du 29 septembre au 4 octobre, j'ai participé au IVème atelier AIPA sur les infrastructures pénitentiaires, qui s'est tenu à Antananrivo, Madagascar, à l'invitation du Comité international de la Croix-Rouge basé à Dakar. Ce forum a conclu le 1er cycle qui se déroule depuis 2017 à Dakar ; 2018 à Addis Abeba ; 2019 à Tunis ; 2020 à Kigali ; 2022 à Nairobi et aussi à Abidjan et 2023 à Kampala, concernant la planification et la construction de prisons en Afrique, en tenant compte de l'amélioration des conditions de détention pour le bien-être des détenus et le respect des droits de l'homme.
14.    Lors de cet atelier, j'ai fait partie des débats d'ouverture et de clôture, où j'ai prononcé des discours sur la situation analysée, et j'ai remis des certificats de participation.
15.    Des visites d'information ont été effectuées dans une prison appelée Maison centrale située à Antananarivo Avaradrano, afin de désengorger la prison actuelle. À environ 5 kilomètres de là, un palais de justice a été construit pour permettre des procès rapides.
16.    Un autre bâtiment de haute sécurité a été construit à Fanandrana, qui a également été visité. 
17.    Les prochains cycles ont été planifiés pour cet atelier : le 2ème, qui couvrira la période 2025/2026, sera consacré au thème Planification et stratégie pour l'entretien des nouvelles prisons, et le 3ème, qui couvrira la période 2027/2028, le thème sera consacré à l'architecture. 
18.    J'ai également rencontré le président de l'Association des services correctionnels d'Afrique (ACSA) et nous avons discuté de diverses questions qui pourraient servir de base à une coopération indispensable entre les deux organismes.
19.    Enfin, j'ai eu une audience avec M. le Ministre de la Justice, pendant laquelle j'ai remercié le pays de m'avoir invité et nous avons profité de l'occasion pour vérifier certains des aspects qui concernent la Commission des Prisons dans ce pays.
20.    C'est également à ce titre que j'ai présidé, entre la 79e session et la présente, plusieurs réunions de travail avec les partenaires impliqués dans l'étude sur l'état des prisons en Afrique.

III - En tant que membre du groupe de travail sur la communication

21.    J'ai participé à toutes les réunions et autres travaux menés par ce mécanisme. Rapport déjà présenté par Mme Présidente du groupe.

IV - En tant que membre du Comité pour la prévention de la torture en Afrique (CPTA)

22.    Activité décrite au paragraphe 7 du présent rapport

V - En tant que rapporteure pour la mise en œuvre des droits de l'homme dans les pays de langue portugaise - PALOP

23.    Récemment, l'interaction des pays PALOP avec le CADHP a progressé, grâce à la présentation du rapport de la République du Mozambique lors de la dernière session et à la visite de promotion au Cap-Vert.
24.    Toutefois, le suivi qui leur a été réservé a permis de faire la synthèse suivante:

Mozambique
25.    Le Mozambique a réalisé des progrès significatifs dans la promotion de certains droits de l'homme au cours des dernières années, en particulier dans les domaines de la liberté de l'internet, de la liberté de circulation et de la protection des réfugiés. Toutefois, le pays reste confronté à des défis liés à l'industrie extractive, au recrutement d'enfants soldats par des groupes extrémistes et à de graves problèmes humanitaires dans les régions touchées par le conflit, telles que Cabo Delgado. Ce rapport met en lumière les principales évolutions positives et les sujets de préoccupation persistants dans le paysage des droits de l'homme au Mozambique en 2024.

Développements positifs
26.    Liberté de l'internet: le Mozambique a fait des progrès remarquables pour garantir la liberté de l'internet. Les autorités ont maintenu le principe de l'accès illimité à l'internet, permettant aux particuliers de surfer, de communiquer et de partager des informations sans ingérence indue. Aucune interruption ou censure intentionnelle n'a été signalée, ce qui est essentiel pour favoriser un environnement numérique ouvert et inclusif. Cet engagement a amélioré l'accès à la connaissance et a permis aux Mozambicains de participer aux conversations mondiales et aux réseaux sociaux, contribuant ainsi à une population mieux informée et plus engagée.
27.    Respect de la liberté de circulation: le gouvernement mozambicain a toujours respecté le droit des citoyens à la liberté de circulation, y compris le droit de voyager au niveau national et international. Aucune interdiction ou restriction arbitraire de voyage n'a été imposée aux personnes cherchant à quitter le pays pour des raisons professionnelles, d'études ou personnelles. Ce respect des droits de circulation soutient la liberté individuelle, favorise les opportunités économiques et améliore l'engagement international du Mozambique.
28.    Engagement en faveur de la protection des réfugiés: le Mozambique a fait preuve d'un engagement ferme en faveur de la protection des réfugiés, en collaborant avec des organisations internationales pour fournir des services essentiels, tels que la santé et l'éducation, aux demandeurs d'asile. Les réfugiés sont protégés contre le rapatriement forcé vers des pays où ils risquent d'être persécutés, ce qui met les pratiques du Mozambique en conformité avec les normes internationales en matière de droits de l'homme. Cette approche humanitaire souligne la volonté du pays de respecter les droits des populations vulnérables.

Domaines de préoccupation
29.    Violations des droits de l'homme dans l'industrie extractive: le projet d'extraction de graphite de DH Mining à Nipepe, au Mozambique, a soulevé de graves préoccupations en matière de droits de l'homme, notamment en ce qui concerne la réinstallation des communautés, la transparence et les mesures de protection de l'environnement. La réinstallation de 125 familles du village de Mwichi a été controversée, la communauté concernée exprimant sa méfiance à l'égard de l'entreprise et du gouvernement en raison de l'inadéquation des logements et des promesses non tenues en matière d'emploi et de développement local. Malgré les tentatives de répondre à ces griefs, notamment en révisant les normes de logement, les tensions sous-jacentes persistent. La communauté reste sceptique quant à l'engagement de l'entreprise en matière de transparence et de rémunération équitable. En outre, les préoccupations environnementales telles que la pollution par les poussières demeurent, malgré les assurances officielles selon lesquelles des mesures d'atténuation sont en place.
30.    Enfants soldats et violations du droit humanitaire: En mai 2024, le groupe armé Al-Shabab, affilié à ISIS, a utilisé des enfants âgés de 13 ans comme soldats lors d'une attaque contre la ville de Macomia à Cabo Delgado. Les témoignages de Human Rights Watch confirment la présence d'enfants dans les rangs des combattants, dont certains ont été identifiés par des membres de leur famille comme étant des garçons de la région qui ont disparu lors d'attaques précédentes. Cette grave violation du droit humanitaire international a exacerbé la crise humanitaire à Cabo Delgado, où la violence a déjà entraîné le déplacement de milliers de familles. L'utilisation d'enfants soldats est non seulement contraire au droit international, mais elle cause également des dommages psychologiques et sociaux à long terme à ces enfants.
31.    Le droit à la vie au milieu du conflit à Cabo Delgado: L'insurrection à Cabo Delgado continue de dévaster les communautés locales. Selon Dom António Juliasse, évêque de Pemba, le conflit a laissé de nombreuses personnes sans accès aux nécessités de base telles que la nourriture, la santé et l'éducation. Les activités agricoles ont été gravement perturbées, plongeant les communautés dans des cycles de famine et de maladie. Le conflit prolongé a engendré l'une des crises humanitaires les plus urgentes au Mozambique.
32.    Les allégations de violations des droits de l'homme par les forces armées mozambicaines, y compris les rapports de torture, d'exécutions extrajudiciaires et de violence sexuelle, ont encore exacerbé la crise. Malgré l'ouverture du ministère de la défense à des enquêtes transparentes, le manque de responsabilité et les rapports persistants d'abus soulignent le décalage entre les affirmations officielles et les réalités sur le terrain. Il est urgent que les forces de sécurité rendent davantage de comptes et respectent davantage les droits de l'homme afin de rétablir la confiance et de protéger les civils dans les zones de conflit.

Recommandations
i.    Renforcer l'engagement communautaire dans l'industrie extractive: le Mozambique doit améliorer la surveillance de l'industrie extractive, en veillant à ce que les entreprises s'engagent de manière significative auprès des communautés locales; 
ii.    Une communication transparente, une indemnisation équitable et le respect en temps voulu des promesses liées au développement local et à l'emploi sont essentiels pour rétablir la confiance. En outre, le gouvernement doit imposer des mesures de protection de l'environnement plus strictes afin d'atténuer les effets négatifs des opérations minières sur la santé et le bien-être des populations locales.
iii.    Lutte contre le recrutement d'enfants soldats: le gouvernement mozambicain, en collaboration avec ses partenaires internationaux, doit agir d'urgence pour empêcher le recrutement d'enfants soldats et garantir la libération immédiate de ceux qui sont actuellement impliqués dans des conflits. Les programmes de réinsertion qui offrent un soutien psychologique, une éducation et une formation professionnelle aux anciens enfants soldats sont essentiels pour les aider à reconstruire leur vie. L'application plus stricte des lois interdisant le recrutement d'enfants doit être une priorité pour prévenir de nouvelles violations;
iv.    Répondre à la crise humanitaire à Cabo Delgado: Le gouvernement mozambicain, avec le soutien de la communauté internationale, devrait intensifier ses efforts pour répondre aux besoins humanitaires des populations déplacées et touchées par le conflit à Cabo Delgado. Il s'agit notamment de rétablir l'accès à la nourriture, à la santé et à l'éducation, ainsi que de faciliter la reprise de l'agriculture. En outre, le gouvernement doit veiller à ce que les forces de sécurité respectent scrupuleusement le droit humanitaire international et à ce que des mécanismes de responsabilisation soient mis en place pour enquêter sur les violations présumées des droits de l'homme commises par des acteurs étatiques et non étatiques et pour en poursuivre les auteurs.

Cap Vert
33.    Le Cap Vert a réalisé des progrès substantiels dans la promotion des droits de l'homme, caractérisés par une ratification proactive des traités internationaux et régionaux, une gouvernance solide et un engagement en faveur des groupes vulnérables. Toutefois, des défis subsistent dans des domaines tels que les cadres juridiques pour les droits des réfugiés, la protection des personnes âgées et des personnes handicapées, et la nécessité de poursuivre le développement social. Ce rapport met en lumière à la fois les développements positifs et les sujets de préoccupation concernant les droits de l'homme au Cap Vert.
34.    À l'invitation du gouvernement de la République du Cap Vert, j'ai participé à une mission de promotion des droits de l'homme du 16 au 20 septembre 2024, conformément à l'article 45, paragraphe 1, de la Charte africaine des droits de l'homme et des peuples. Au sein de la délégation de la Commission africaine des droits de l'homme et des peuples, j'étais accompagnée de l'honorable commissaire Hatem Essaiem, président du Comité pour la prévention de la torture en Afrique, et du juriste Maulo Mfinda Dombaxi. 
35.    Au cours de la mission, notre principal objectif était d'engager un dialogue avec diverses parties prenantes, en renforçant les relations entre la Commission africaine et le Cap Vert dans le domaine de la promotion et de la protection des droits de l'homme. Nous avons également fait la promotion de la Charte africaine, du Protocole de Maputo et d'autres instruments régionaux et universels. Nous avons également organisé des réunions avec des acteurs clés, tant étatiques que non étatiques, afin d'échanger des points de vue sur la situation des droits de l'homme dans le pays.

Développements positifs
36.    Engagement en faveur des normes internationales en matière de droits de l'homme: le Cap Vert a fait preuve d'un engagement fort en faveur du respect des droits de l'homme en ratifiant de nombreux instruments internationaux et régionaux dans ce domaine. Il s'agit notamment de traités clés portant sur les libertés civiles, les libertés politiques et les droits sociaux, ce qui témoigne de la volonté du gouvernement de promouvoir une société fondée sur les droits. La mise en œuvre effective de la Constitution du pays, qui consacre les libertés et les droits fondamentaux, renforce encore cet engagement.
37.    Sécurité sociale et santé des populations vulnérables: le Cap Vert a accompli des progrès impressionnants dans le renforcement de son réseau de protection sociale, en particulier pour les populations non contributives. Il s'agit notamment d'un système de sécurité sociale complet qui offre un soutien essentiel aux personnes les plus vulnérables. En outre, le pays a veillé à ce que les prisonniers aient accès à des soins de santé adéquats, un domaine dans lequel de nombreux pays éprouvent des difficultés. La création de services bancaires pour les détenus représente une initiative pionnière, permettant aux personnes incarcérées de disposer d'outils de gestion financière et facilitant leur réintégration dans la société après leur libération.
38.    Égalité des sexes dans la gouvernance: La promotion de l'égalité des sexes, en particulier dans les postes de direction, est une réussite majeure pour le Cap Vert. Les femmes occupent des rôles clés au sein du gouvernement, ce qui témoigne de l'engagement du pays en faveur d'une gouvernance inclusive. Ce niveau de représentation favorise la diversité des points de vue dans les processus de prise de décision et renforce les principes démocratiques du pays. La création d'un comité interministériel spécial chargé de préparer des rapports sur les droits de l'homme témoigne également d'un engagement clair en faveur de la transparence et de la responsabilité en matière de gouvernance.
39.    Engagement de la société civile: le Cap Vert bénéficie d'une société civile dynamique, où les organisations non gouvernementales (ONG) sont activement impliquées dans la défense des droits de l'homme et le soutien aux groupes marginalisés. La nature dynamique de la société civile renforce le dialogue public et la coopération, favorisant un environnement de collaboration entre le gouvernement et les acteurs non étatiques afin d'améliorer la protection des droits de l'homme.

Points de préoccupation
40.    Lacunes dans la ratification d'instruments internationaux clés: malgré des progrès significatifs dans la ratification des traités internationaux relatifs aux droits de l'homme, le Cap Vert doit encore adopter plusieurs instruments cruciaux. Il s'agit notamment de la Convention relative au statut des réfugiés, qui offrirait un cadre juridique solide pour la protection des réfugiés, du Protocole portant création de la Cour africaine des droits de l'homme et des peuples, mécanisme régional essentiel pour l'application des droits de l'homme, et des protocoles relatifs aux droits des personnes âgées et des personnes handicapées. L'absence de ces ratifications limite la capacité du pays à protéger pleinement ces populations vulnérables en vertu du droit international.
41.    Lutte contre les vulnérabilités socio-économiques: Bien que le Cap Vert ait déployé des efforts concertés pour réduire la pauvreté et lutter contre les vulnérabilités sociales, ces initiatives doivent être intensifiées pour que leur impact soit ressenti par tous les citoyens. Les inégalités économiques et l'accès aux services de base tels que l'éducation, la santé et l'emploi restent des sujets de préoccupation, en particulier pour les populations rurales et les communautés marginalisées. Une approche plus inclusive du développement économique, avec des stratégies ciblées pour améliorer la situation des plus défavorisés, est essentielle pour continuer à progresser.
42.    Amélioration du dialogue entre le gouvernement et la société civile: Bien que les relations entre le gouvernement et la société civile aient été généralement positives, il est nécessaire d'instaurer un dialogue plus soutenu et plus structuré. Le renforcement de cette coopération permettrait de répondre plus efficacement aux préoccupations urgentes en matière de droits de l'homme. Les organisations de la société civile jouent un rôle essentiel dans l'identification des domaines de préoccupation et la promotion de solutions, et une plateforme formalisée pour l'engagement du gouvernement et de la société civile pourrait améliorer les résultats politiques et la protection des droits.
43.    Soutien international et mobilisation des ressources : Les progrès du Cap Vert en matière de droits de l'homme nécessitent un soutien international soutenu. En tant que petit État insulaire en développement, il doit relever des défis pour mobiliser les ressources nécessaires à la mise en œuvre complète des initiatives en matière de droits de l'homme. La communauté internationale est invitée à continuer à fournir une assistance financière et technique pour renforcer les efforts du Cap Vert, en particulier dans des domaines tels que la réduction de la pauvreté, l'expansion des soins de santé et la réforme de l'éducation.

Recommandations
i.    Ratification des instruments internationaux en suspens: Le Cap-Vert devrait donner la priorité à la ratification des instruments relatifs aux droits de l'homme en suspens, notamment la Convention sur les réfugiés et les protocoles relatifs aux populations vulnérables, afin de garantir une protection complète en vertu du droit international.
ii.    Programmes de développement socio-économique ciblés: Le gouvernement devrait intensifier ses efforts pour réduire la pauvreté et lutter contre les inégalités, en particulier dans les zones rurales, grâce à des programmes de développement social et économique ciblés qui accordent la priorité aux groupes marginalisés.
iii.    Renforcement du dialogue entre le gouvernement et la société civile: la mise en place de mécanismes formels pour un dialogue régulier entre le gouvernement et les organisations de la société civile améliorera la coopération et la protection des droits de l'homme.
iv.    Soutien international accru: la communauté internationale devrait continuer à fournir une assistance financière et technique pour soutenir le Cap-Vert dans ses initiatives en matière de droits de l'homme, en particulier dans les domaines qui nécessitent des ressources substantielles, tels que la santé, l'éducation et les services sociaux.

Guinée-Bissau
44.    La Guinée-Bissau, pays d'Afrique de l'Ouest marqué par une histoire d'instabilité politique, avance progressivement vers l'amélioration de sa situation en matière de droits de l'homme. Toutefois, des défis importants subsistent dans des domaines tels que la gouvernance, la justice et les droits socio-économiques. Le présent rapport met en lumière trois évolutions positives et trois préoccupations majeures dans le contexte actuel des droits de l'homme.
Développements positifs
45.    Stabilité politique: après des années de troubles politiques et militaires, la Guinée-Bissau a récemment vu sa stabilité politique s'améliorer, le dernier coup d'État ayant été enregistré en 2012. La transition pacifique du pouvoir après les élections législatives de 2023, malgré quelques tensions, marque une étape importante vers une gouvernance plus cohérente et le respect des principes démocratiques. Cette stabilité est fondamentale pour la promotion et la protection des droits de l'homme dans le pays, car elle crée un environnement favorable au dialogue et à la participation des citoyens.
46.    Progrès dans l'infrastructure routière: Ces dernières années, la Guinée-Bissau a investi dans l'amélioration de l'infrastructure routière, en particulier dans la capitale, Bissau. Ces investissements ont contribué au développement urbain et à la connectivité, en facilitant les transports et l'accès aux services de base. La modernisation des routes ne stimule pas seulement l'économie locale, mais améliore également la qualité de vie de la population, en favorisant l'inclusion sociale et économique.
47.    L'indépendance judiciaire renforcée par l'élection des dirigeants de la Cour suprême: Malgré les difficultés persistantes du système judiciaire, la Guinée-Bissau maintient un élément essentiel de l'indépendance judiciaire : l'élection du président et du vice-président de la Cour suprême de justice par les juges conseillers et juges de mainlevée. Ce processus garantit que les dirigeants du pouvoir judiciaire sont sélectionnés par leurs pairs, ce qui renforce l'autonomie et l'impartialité du pouvoir judiciaire. Cette pratique sert de garde-fou au maintien d'un système judiciaire équitable et indépendant, à l'abri de toute influence politique extérieure.

Points de préoccupation
48.    Violations persistantes des droits de l'homme par les forces de sécurité: les rapports faisant état d'abus, notamment de détentions arbitraires, d'usage excessif de la force et de mauvais traitements par les forces de sécurité, restent une préoccupation majeure. Malgré les réformes en cours, l'impunité pour ces violations persiste, ce qui mine la confiance dans les secteurs de la sécurité et de la justice. Il est essentiel que des mesures concrètes soient prises pour que les auteurs d'abus répondent de leurs actes et pour rétablir la confiance du public dans les institutions de sécurité.
49.    Liberté d'expression et liberté de la presse limitées: les journalistes et les médias en Guinée-Bissau continuent de faire l'objet de harcèlement, d'intimidation et de menaces. Les médias sont soumis à une forte pression, certaines voix critiques étant réduites au silence ou censurées, ce qui limite l'espace pour des reportages indépendants et le débat public. La protection de la liberté d'expression est fondamentale pour la santé d'une société démocratique, et des efforts doivent être faits pour garantir un environnement sûr aux journalistes et aux militants.
50.    Pauvreté généralisée et inégalités économiques: la Guinée-Bissau reste l'un des pays les plus pauvres du monde, la majorité de sa population vivant dans la pauvreté. L'accès limité aux services de base tels que la santé et l'éducation exacerbe les inégalités socio-économiques, affectant de manière disproportionnée les femmes, les enfants et les communautés rurales. La mise en œuvre de politiques efficaces de lutte contre la pauvreté et de promotion de l'équité est essentielle pour que tous les citoyens puissent jouir pleinement de leurs droits humains.

Recommandations
i.    Renforcer les mécanismes de responsabilisation des forces de sécurité: il est essentiel de mettre en œuvre des politiques et des pratiques qui garantissent la responsabilisation en cas d'abus commis par des membres des forces de sécurité, y compris une formation aux droits de l'homme et des mécanismes de signalement accessibles au public.
ii.    Protéger la liberté de la presse et garantir la sécurité des journalistes: Le gouvernement doit garantir la protection des journalistes et des médias, en favorisant un environnement où la liberté d'expression peut être exercée sans crainte de représailles.
iii.    Donner la priorité aux stratégies de réduction de la pauvreté: la mise en œuvre de politiques visant la santé, l'éducation et le développement rural doit être une priorité pour le gouvernement, dans le but d'améliorer la qualité de vie et de réduire les inégalités socio-économiques.

São Tomé et Príncipe
51.    São Tomé et Príncipe, une petite nation insulaire au large de la côte de l'Afrique centrale, est connue pour sa stabilité politique et sa gouvernance démocratique. Toutefois, comme de nombreux pays en développement, elle est confrontée à des défis en matière de protection des droits de l'homme, en particulier dans les domaines des droits socio-économiques, de la gouvernance et des réformes judiciaires. Ce rapport met en lumière trois évolutions positives et trois points de préoccupation pour 2024.

Développements positifs
52.    Stabilité démocratique et élections pacifiques: São Tomé et Príncipe a conservé sa réputation d'une des démocraties les plus stables politiquement en Afrique. Les élections présidentielles et législatives de 2023 se sont déroulées pacifiquement, avec une forte participation des électeurs et dans le respect des principes démocratiques. Cette stabilité favorise un environnement propice à la protection des droits de l'homme, permettant aux citoyens d'exercer leurs libertés et de participer activement à la vie politique du pays.
53.    Progrès en matière d'égalité des sexes: des progrès notables ont été accomplis dans la promotion de l'égalité des sexes, notamment grâce à des programmes gouvernementaux visant à accroître la représentation des femmes aux postes de direction. La législation récente a encouragé une plus grande participation des femmes à la vie politique et économique, ce qui a conduit à une société plus inclusive. Ce changement ne favorise pas seulement l'égalité, mais enrichit également le processus de prise de décision, en reflétant une variété de perspectives dans la gouvernance.
54.    Amélioration des services de santé : Le gouvernement a réalisé des progrès significatifs dans l'accès aux soins de santé, en particulier dans le domaine de la santé maternelle et infantile. Avec le soutien de partenaires internationaux, São Tomé et Príncipe a réduit les taux de mortalité infantile et amélioré la couverture vaccinale, favorisant ainsi le bien-être général de ses citoyens. Ces efforts témoignent d'un engagement en faveur des droits à la santé et à la vie, qui sont fondamentaux pour le développement humain.

Points de préoccupation
55.    Niveaux élevés de pauvreté et d'inégalité économique : Malgré des améliorations dans les services sociaux, São Tomé et Príncipe reste confronté à une pauvreté généralisée et à une inégalité économique importante. De nombreux citoyens n'ont pas accès aux nécessités de base telles que l'eau potable, un logement adéquat et un emploi stable, en particulier dans les zones rurales. La persistance de la pauvreté et des inégalités constitue un obstacle à la pleine jouissance des droits de l'homme, affectant le bien-être et la dignité de la population.
56.    Inefficacité du système judiciaire: le système judiciaire est confronté à de graves inefficacités, avec de longs retards dans les procédures judiciaires, un accès limité à la justice pour les plus pauvres et un manque de ressources pour le personnel judiciaire. Ces problèmes minent la confiance du public dans le système et entravent l'administration équitable de la justice. Le manque d'efficacité peut entraîner des injustices et des violations des droits des citoyens, ce qui nécessite des réformes urgentes.
57.    Vulnérabilité environnementale et droits de l'homme: la vulnérabilité de São Tomé et Príncipe au changement climatique représente une menace croissante pour la jouissance des droits socio-économiques. L'élévation du niveau des mers, la déforestation et les conditions météorologiques extrêmes affectent la productivité agricole et les moyens de subsistance, ce qui a un impact disproportionné sur les plus pauvres et menace la sécurité alimentaire. Les questions environnementales ont un impact direct sur les droits de l'homme, notamment en ce qui concerne le droit à la vie et aux moyens de subsistance.

Recommandations
i.    Renforcement des programmes de réduction de la pauvreté: le gouvernement devrait intensifier ses efforts pour développer des programmes axés sur le développement rural et la création d'emplois, dans le but d'améliorer les conditions de vie de la population la plus vulnérable.
ii.    Accroître les ressources et les efforts de renforcement des capacités dans le secteur judiciaire: il est essentiel d'investir dans la formation et les ressources du système judiciaire pour garantir que tous les citoyens ont accès à la justice de manière équitable et efficace.
iii.    Mettre en œuvre des stratégies solides d'adaptation au climat: le gouvernement doit élaborer et mettre en œuvre des politiques qui protègent les communautés vulnérables des effets du changement climatique, en veillant à ce que les droits socio-économiques des citoyens soient respectés et promus.

Recommandations générales

À PROPOS DES PRISONS

58.    Appeler les États parties, les INDH et les autres acteurs principaux (partenaires, société civile) qui œuvrent pour le respect des droits des prisonniers:
i.    à participer et collaborer activement à l'étude en cours, afin de connaître l'ampleur réelle du problème et de concevoir les meilleures solutions aux problèmes identifiés;
ii.    à ce que les Etats autorisent les visites du Mécanisme pour permettre un contact direct avec les situations et un dialogue qui se veut constructif, afin de tester les solutions les plus fiables et les plus compatibles avec chaque situation; 
iii.    à ce que les lignes directrices de Luanda et tous les instruments connexes fassent l'objet d'une diffusion plus intense, afin de permettre une meilleure maîtrise de ces questions;
iv.    à ce que les séminaires sur les infrastructures soient étendus aux pays lusophones, afin que tous les pays africains aient la même connaissance de ces questions.

EN CE QUI CONCERNE LA POLICE

59.    Veiller à ce que les États parties et entités responsables des forces de l'ordre et de la sécurité publique :
i.    autorisent, encouragent et participent à des programmes de diffusion et de formation sur les principaux instruments de la CADHP à cet égard, en particulier l'étude sur le recours (excessif) à la force par les responsables de l'application des lois;
ii.    incluent des instruments régionaux élaborés par la Commission dans les programmes de formation initiale et continue des agents chargés de l'application de la loi;
iii.    entament le processus d'harmonisation des lois nationales avec les instruments régionaux et internationaux.

CONCLUSION:

60.    En conclusion, je tiens à remercier mes prédécesseurs pour les efforts qu'ils ont déployés afin de faire de ce mécanisme un succès.
61.    Je voudrais profiter de cette occasion pour remercier le soutien que j'ai reçu de certains États parties pour poursuivre cette mission épineuse, car si les droits de l'homme sont déjà un dilemme, les droits de l'homme pour les prisonniers, qui sont invisibles parce qu'ils sont derrière des murs, sont encore plus délicats à traiter. Mais il faut du courage pour lever le voile et parler de ce qui se passe réellement dans les prisons et les centres de détention.
62.    Ma gratitude va également à nos partenaires dans cette aventure, que je n'ai pas besoin d'énumérer car notre travail est vaste et remonte à loin. J'espère que nous resterons fidèles à notre objectif: faire des prisons un lieu où les droits de l'homme peuvent être promus et respectés, à la fois pour les détenus et pour le personnel qui y travaille. 
63.    Merci à ceux qui ont rejoint le projet d'étude sur l'état des prisons en Afrique, en espérant que nos efforts ne seront pas vains.
64.    Ensemble, les États parties, l'INDH et d'autres institutions, y compris des partenaires universitaires, religieux, des ONG et autres, nous nous efforcerons d'organiser des formations physiques pour diffuser les publications de la Commission sur le respect des droits de l'homme, en particulier celles liées à ce mécanisme.

Luanda, le 23 octobre 2024.

Maria Teresa Manuela,
Commissaire