77ème SESSION ORDINAIRE PUBLIQUE
DE LA
COMMISSION AFRICAINE DES DROITS DE L’HOMME ET DES PEUPLES
20 Octobre - 9 Novembre 2023
Rapport d'intersession
Comité pour la Prévention de la Torture en Afrique
Honorable Commissaire Hatem ESSAIEM
Président du Comité
INTRODUCTION
1.Le présent rapport est soumis conformément aux Règles 25 (3) et 64 du Règlement Intérieur (2020) de la Commission Africaine des Droits de l’Homme et des Peuples (la Commission) qui invitent chaque mécanisme subsidiaire et chaque membre de la Commission à présenter, à chaque Session Ordinaire de la Commission, un rapport écrit sur les activités entreprises entre deux sessions ordinaires.
2.Ce rapport sur la situation de la torture et autres mauvais traitements en Afrique est préparé conformément les termes de référence du Comité pour la Prévention de la Torture en Afrique (le Comité ou CPTA) qui donne mandat au Comité de veiller à la mise en œuvre des Lignes directrices et mesures d'interdiction et de prévention de la torture, des peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants en Afrique (les Lignes directrices de Robben Island). Les Lignes directrices de Robben Island fournissent des orientations concrètes aux acteurs étatiques et non étatiques sur la manière de mettre en œuvre l'Article 5 de la Charte Africaine des Droits de l'Homme et des Peuples (la Charte Africaine) qui dispose que : « Tout individu a droit au respect de la dignité inhérente à la personne humaine et à la reconnaissance de sa personnalité juridique. Toutes formes d’exploitation et d’avilissement de l’homme notamment l’esclavage, la traite des personnes, la torture physique ou morale, et les peines ou les traitements cruels inhumains ou dégradants sont interdites »[ Article 5 of the African Commission on Human and Peoples’ Rights’ <https://www.achpr.org/legalinstruments/detail?id=49>.].
3.Je soumets donc le présent rapport en ma qualité de Président du Comité, de membre de la Commission et en ma qualité de Rapporteur-Pays de la République du Djibouti, la République de Guinée, de la République de Maurice, de la République de Madagascar et de la République du Soudan.
4.Ce Rapport est présenté à l’occasion de la 77ème Session Ordinaire de la Commission. Il fait le résumé des activités d’intersession menées dans le cadre des différents mandats qui m’ont été confiés. Le présent Rapport d’intersession couvre la période entre la fin de la 75ème à la 77ème Session Ordinaire de la Commission, c’est-à-dire la période allant du 24 Mai 2023 au 19 Octobre 2023.
5.Sur la période couverte par le présent rapport, j’ai participé à toutes les activités prévues par le Plan de Travail de la Commission.
6.Avec la levée des restrictions des voyages par l’Union Africaine et grâce à la collaboration avec nos partenaires, nous avons pu organiser et participer à des activités en présentiel. Les autres activités ont été menées à travers des webinaires.
7.Le récit détaillé de ces activités est contenu dans ce rapport structuré en quatre parties à savoir la présente introduction, les activités menées pendant l’intersession, le rapport de la situation de la torture et autres mauvais traitements en Afrique et les recommandations.
I.ACTIVITÉS MENÉES PENDANT L’INTERSESSION
8.Lors de la période intersession, j’ai participé aux activités suivantes d’une part en ma qualité de Président et/ou membre de mécanisme subsidiaire (A) et en ma qualité de membre de la Commission (B) et d’autre part.
A.ACTIVITÉS MENÉES DANS LE CADRE DES MÉCANISMES SPÉCIAUX
1.PRÉSIDENT DU COMITE POUR LA PREVENTION DE LA TORTURE EN AFRIQUE
Discussion publique générale sur le projet d’Observation Générale sur l'article 4 du Protocole facultatif à la Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants (OPCAT)
9.J’ai participé au webinaire organisé le 8 juin 2023 par le Sous-comité pour la Prévention de la Torture (SPT) sur le projet d’observation générale sur l’article 4 du Protocole facultatif de la Convention sur la Torture. Les participants ont mis l’accent sur l’utilité de l’adoption de cette observation qui sera de nature à encourager les Etats parties à l’UNCAT à faciliter les visites des lieux de détention. J’ai assuré pour ma part le SPT du soutien de la CADHP et du CPTA dans cette démarche.
Webinaire de dissémination des règles d’Abidjan à l’endroit des pays arabophones d’Afrique
10.Le Comité pour la Prévention de la Torture en Afrique a organisé le 14 juin 2023 une réunion virtuelle pour la dissémination des règles d’Abidjan dans les pays africains arabophones. La réunion a regroupé 16 participants des différents Etats parties à la Charte ainsi que les membres du CPTA et les experts du comité de rédaction. Il y a lieu de signaler que cette réunion devait se dérouler en présentiel, mais la cessation des financements de notre partenaire nous a obligé à la tenir en mode virtuel.
Participation à la Conférence Africaine sur les pratiques des Mécanismes nationaux de Prévention de la torture (MNP) en Afrique
11.Sur invitation du Conseil pour les Droits de l’Homme du Maroc, j’ai participé, avec le Président de notre Commission, les 23 et 24 juin 2023 à Marrakech à la Conférence africaine sur les pratiques des mécanismes nationaux de prévention de la torture en Afrique. La réunion a regroupé les représentants de nombreuses instances de prévention de la torture des cinq sous-régions du continent qui ont exposé leurs expériences et les pratiques en usage dans leurs pays respectifs. Elle m’a donné l’opportunité de présenter les règles d’Abidjan et de souligner la lutte de notre Commission contre la torture. Les participants ont, en fin de réunion, lancé l’initiative de création d’un réseau africain des instances de lutte contre la torture.
ACTIVITES DE PROTECTION
12.Dans le cadre de la mise en œuvre du mandat de protection qui m’est dévolue en tant que Président du Comité pour la prévention de la Torture, de membre de la Commission et en ma qualité de Rapporteur-Pays, j’ai mené les actions suivantes:
-Déclaration à l’occasion de la journée internationale de commémoration du soutien aux victimes de torture
Etude sur l’impact de l’application de lois sur les migrants
13.Le groupe chargé de l’examen du projet d’étude de »l’impact de l’application de loi sur les droits de l’homme des demandeurs d’asile, des réfugiés et des migrants en Afrique » s’est réuni virtuellement le 7 août 2023, en présence de Mme la Vice-Présidente et de Mme la Commissaire Maria Teresa Manuela et des experts membres du groupe. J’ai souligné à cette occasion l’importance de cette étude et relevé l’absence du rôle des Gouvernements des pays d’origine et de la communauté internationale dans le développement des pays dont sont originaires les migrants. Nous avons, par ailleurs, mis en relief les erreurs remarquées dans la partie relative à l’Afrique du Nord et demandé la suppression des qualificatifs inacceptables utilisés pour certains Gouvernements. La mouture remise en circulation mi-septembre ne reflète pas la réalité des migrations dans le nord de notre continent.
Réunion avec l’Association pour la Prévention de la Torture (APT) et African Policing Civilian Oversight (l’APCOF)
14.Sur proposition de l’APT, j’ai eu le 25 août 2023 une réunion virtuelle avec Mme Barbara Bernath Présidente de l’APT accompagnée de M. Juvenal Babona et des représentants de l’APCOF pour discuter de notre coopération et des activités futures.
15.Suite à une passation en revue des activités réalisées en 2022 et durant le premier semestre de cette année, nous avons convenu d’organiser une réunion parallèle en marge de la 77èmesession consacré à la dissémination des principes Mendez. Nous avons également retenu les dates des 24 et 25 mars 2023 pour une réunion en Afrique du Sud autour des principes Mendez et des règles d’Abidjan. Une correspondance du CPTA a été déjà adressée à la SADC en ce sens.
Webinaire de dissémination des règles d’Abidjan à l’endroit des pays francophones et lusophones d’Afrique
16.Le programme de travail du CPTA avait prévu un webinaire de dissémination des règles d’Abidjan pour les pays francophones et lusophones. Les documents étaient quasi-prêts et les experts rodés à cet exercice. Toutefois, le départ définitif ou en congé des juristes en charge du CPTA ne nous a pas permis d’organiser cette activité à la date convenue. Elle sera reportée à une date avant la fin de l’année.
2.PRÉSIDENT DU COMITE CONSULTATIF CHARGE DES AFFAIRES RELATIVES AU BUDGET ET AU PERSONNEL
17.Le rapport relatif aux activités de ce Comité sera présenté en Session Privée.
3.ACTIVITÉS MENÉES EN TANT QUE RAPPORTEUR-PAYS
i.RÉPUBLIQUE DU SOUDAN
Première Réunion sur le Soudan
18.En ma qualité de Rapporteurs-Pays de la République du Soudan en vertu de la Résolution ACHPR/Res.540 (LXXIII) 2022, J’ai eu le 16 juin 2023 une réunion virtuelle avec le Représentant du Haut- Commissariat aux Droits de l’Homme au Soudan M. Radhouane Nouicer ainsi que des représentants d’organisations civiles et humanitaires soudanaises. Cette réunion nous a permis de nous rendre compte des souffrances de la population civile et des blocages diplomatiques de la situation. Il a été préconisé à la fin de la réunion de diligenter une mission d’enquête mixte HCDH/CADHP au Soudan dès que les conditions sécuritaires la permettront.
Deuxième Réunion sur le Soudan
19.Face à la dégradation de la situation des droits de l’homme au Soudan depuis le conflit déclenché le 15 avril 2023 et en concertation avec la FIDH, nous avons convenu de tenir une réunion virtuelle pour être éclairés sur la vie des populations soudanaises. Mme la Vice-Présidente de la Commission, deux représentants de la FIDH et dix organisations de la société civile soudanaise ont pris part à la réunion. Les représentants des organisations soudanaises nous ont fait part des violences subis par les civils, des viols, des spoliations de leurs biens et du manque des médicaments. Elles ont souligné que la situation au Darfour était catastrophique et s’apparentait à un génocide. Elles ont pointé du doigt les forces de réaction rapide dans cette région où l’ethnie Massalit est particulièrement visée par ces forces et leurs affidés des tribus arabes.
Troisième réunion sur le Soudan
20.M. Radhouane Nouicer, Représentant du Haut-Commissariat pour les Droits de l’Homme au Soudan a bien voulu tenir une réunion virtuelle le samedi 26 août 2023 pour nous faire part de son évaluation de la situation des droits de l’homme dans ce pays en guerre civile depuis 4 mois et demi.
21.M. Nouicer et les participants ont fait l’état des lieux et souligné les souffrances des populations civiles aussi bien à Khartoum qu’au Darfour et l’augmentation continue du nombre des victimes civiles et des déplacés. M. le Représentant du HCDH a souligné les blocages diplomatiques qui empêchent la prise de décisions efficaces par l’ONU. Les participants sont arrivés à la conclusion que seule une force internationale importante et efficiente pourrait mettre fin à ce conflit fratricide.
Résolution sur La situation au Soudan
22.En ma qualité de Rapporteurs-Pays de la République du Soudan j'avais proposé l'adoption de la résolution sur la situation des Droits de l’Homme en République du Soudan. - ADHP/Res.555 (LXXV) 2023 qui a été adoptée par la Commission lors de sa 75e session ordinaire virtuelle en Juin 2023. Cette résolution prévoit, entre autres, la condamnation des conflits en cours au Soudan, exhortant les parties à respecter les engagements signés et à favoriser des résolutions pacifiques. Elle appelle les autorités soudanaises à restaurer la paix, à protéger les civils, à enquêter sur les violations des droits de l'homme et à fournir des réparations adéquates aux victimes.
B.ACTIVITÉS MENÉES EN TANT QUE MEMBRE DE LA COMMISSION
Atelier sur l’établissement de rapports d’Etats
23.Le Center for Human Rights de l’Université de Pretoria et l’ONG tunisienne Kadirat ont organisé à Tunis du 15 au 17 juin 2023 un atelier sur l’établissement de rapports d’Etat en vertu de la Charte africaine et du Protocole de Maputo. L’atelier a vu la participation de députés, magistrats, avocats, étudiants et des fonctionnaires chargés de l’élaboration des rapports étatiques sur l’application des instruments internationaux. J’ai animé avec la Professeure Hajer Gueldich, Présidente de la Commission africaine de droit international l’atelier qui a permis aux participants de se familiariser avec les instruments africains et d’élaborer le projet d’un rapport au titre du Protocole de Maputo.
Webinaire sur l’usage de la force par les agents de l’ordre
24.La Commissaire Maria Teresa Manuela a convoqué le 11 juillet 2023 une réunion virtuelle pour valider l’étude sur l’usage de la force par les responsables de l’application des lois en Afrique. Suite à la présentation de la dernière version de l’étude par l’expert chargé du pilotage de ce projet, les participants ont fait part de leurs dernières remarques et ont préconisé l’adoption de ladite étude.
Participation à la 76ème Session Ordinaire
25.À l’instar de tous mes collègues Commissaires, j’ai pris part du 19 Juillet au 02 Aout 2023 aux travaux de la 76ème Session Ordinaire Privée de la Commission. Cette session s’est déroulée virtuellement. Le communiqué final de la Session a rendu compte des résultats de cette session.
II.RAPPORT SUR LA SITUATION DE LA TORTURE ET AUTRES MAUVAIS TRAITEMENTS EN AFRIQUE
26.Le terme « torture » désigne tout acte par lequel une douleur ou des souffrances aiguës, physiques ou mentales, sont intentionnellement infligées à une personne aux fins notamment d'obtenir d'elle ou d'une tierce personne des renseignements ou des aveux, de la punir d'un acte qu'elle ou une tierce personne a commis ou est soupçonnée d'avoir commis, de l'intimider ou de faire pression sur elle ou d'intimider ou de faire pression sur une tierce personne, ou pour tout autre motif fondé sur une forme de discrimination quelle qu'elle soit, lorsqu'une telle douleur ou de telles souffrances sont infligées par ou à l'instigation de ou avec le consentement ou l'acquiescement d’un agent de la fonction publique ou toute autre personne agissant à titre officiel ».[ Article 1 de la Convention des Nations unies contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants (UNCAT), <https://www.ohchr.org/en/professionalinterest/pages/cat.aspx>.]
27.Le Comité promeut la mise en œuvre des Lignes directrices de Robben Island et d'autres instruments importants dans la prévention et l'interdiction de la torture et autres mauvais traitements, notamment la Convention des Nations Unies contre la Torture (UNCAT) et le Protocole facultatif à l'UNCAT (OPCAT). Il s'efforce également de mettre en place des Mécanismes Nationaux de Prévention (MNP) efficaces dans les États africains, conformément à l'OPCAT.
A.Développements positifs
1.UNCAT
28.L'UNCAT appelle principalement les États à criminaliser la torture. À ce jour, les cinquante-deux (52) États africains suivants ont ratifié l'UNCAT : Afrique du Sud, Algérie, Angola, Bénin, Botswana, Burkina Faso, Burundi, Cabo Verde, Cameroun, Comores, Congo, Côte d'Ivoire, Djibouti, Égypte, Érythrée, Éthiopie, Gabon, Gambie, Ghana, Guinée, Guinée-Bissau, Guinée Équatoriale, Kenya, Lesotho, Liberia, Libye, Madagascar, Malawi, Mali, Maroc, Maurice, Mauritanie, Mozambique, Namibie, Niger, Nigeria, Ouganda, République Centrafricaine, République Démocratique du Congo, Rwanda, Sao Tomé-et-Principe, Sénégal, Seychelles, Sierra Leone, Somalie, Soudan, Soudan du Sud, Swaziland, Tchad, Togo, Tunisie et Zambie[ OHCHR, Status of Ratification Interactive Dashboard: Convention Against Torture and Other, Cruel, Inhuman, or Degrading Treatment or Punishment, <https://indicators.ohchr.org/> last accessed 31 March 2023.].
29.Deux (2) États africains seulement n’ont pas encore ratifié l’UNCAT : la République- Unie de Tanzanie et le Zimbabwe[ Ibid.].
30.En avril-mai 2023, le Comité des Nations unies contre la torture a examiné le rapport périodique de l'Éthiopie.
2.OPCAT
31.L'OPCAT est conçu pour aider les États à s'acquitter de leurs obligations existantes en matière de prévention de la torture et d'autres formes de mauvais traitements en créant un système de visites régulières dans les lieux où les personnes sont ou peuvent être privées de liberté.
32.À ce jour, les vingt-quatre (24) États africains suivants ont ratifié l'OPCAT : Afrique du Sud, Bénin, Burkina Faso, Burundi, Cabo Verde, Cote d’Ivoire (Mars 2023), Gabon, Ghana, Liberia, Madagascar, Mali, Maroc, Maurice, Mauritanie, Mozambique, Niger, Nigeria, République Centrafricaine, République Démocratique du Congo, Rwanda, Sénégal, Soudan du Sud, Togo et Tunisie[ OHCHR, Status of Ratification Interactive Dashboard: Convention Against Torture and Other, Cruel, Inhuman, or Degrading Treatment or Punishment, <https://indicators.ohchr.org/> last accessed 31 March 2023.].
33.Huit (8) autres États africains sont signataires de l’OPCAT : Angola, Cameroun, Congo, Guinée, Guinée-Bissau, Sierra Leone, Tchad et Zambie[ ibid.].
34.Le sous-comité des Nations unies pour la prévention de la torture s'est rendu en Madagascar entre le 16 et le 27 Avril 2023 et devra se rendre au Gabon au premier semestre 2024[ https://www.ohchr.org/en/press-releases/2023/07/un-torture-prevention-b… (last accessed 21 September 2023)..].
3.AUTRES DÉVELOPPEMENTS POSITIFS
35.En juin 2023, le Comité des droits de l'homme des Nations unies, lors de l'examen du rapport périodique de l'Éthiopie, a salué l'adoption de diverses lois au cours des dernières années, ainsi que l'adoption d'une stratégie nationale visant à prévenir les crimes de traite des personnes et d'une politique visant à prévenir et à combattre la maltraitance, l'exploitation et la traite des enfants, entre autres[ Committee Against Torture, Concluding Observations on the second periodic report of Ethiopia, CAT/C/ETH/CO/2, 7 June 2023].
36.La FIACAT a signalé en juin 2023 que le Sénat de Côte d'Ivoire avait voté en faveur d'un projet de loi sur l'abolition de la peine de mort qui autorisait la ratification du deuxième protocole facultatif se rapportant au Pacte international relatif aux droits civils et politiques.
37.En juillet 2023, le parlement ghanéen a voté en faveur de la suppression de la peine de mort dans la législation[ Amnesty International, Ghana: Landmark vote to remove death penalty from laws is a major step forward, 25 July 2023, https://www.amnesty.org/en/latest/news/2023/07/ghana-landmark-vote-to-r… (last accessed 21 September 2023).].
B.Développements négatifs dans l’interdiction de la prévention de la torture et autres peines ou mauvais traitements en Afrique
1.COMITE CONTRE LA TORTURE
38.En juin 2023, le Comité des Nations unies contre la torture a adopté des observations finales sur le deuxième rapport périodique de l'Éthiopie[ Committee Against Torture, Concluding Observations on the second periodic report of Ethiopia, CAT/C/ETH/CO/2, 7 June 2023.]. Il s'est inquiété du fait que la manière dont la torture est érigée en infraction pénale ne correspond pas à la définition de l'article 1 de la Convention des Nations Unies contre la torture et qu'elle n'énonce pas clairement la nature absolue de la torture et n'impose pas non plus de peines qui reflètent la gravité du crime. Elle a également constaté que la violence fondée sur le sexe était très répandue, citant notamment l'absence d'une loi globale, le faible nombre de poursuites et de condamnations et l'insuffisance des réparations pour les victimes.
39.Le Comité des Nations unies contre la torture a adopté, en juin 2023, la liste des points à traiter concernant le troisième rapport périodique du Burundi[ Committee Against Torture, List of Issues relating to the third periodic report of Burundi, CAT/C/BDI/Q/3, 5 June 2023.]. Il a pris note de ses observations finales sur le deuxième rapport périodique et a demandé que des informations sur le suivi soient fournies, bien que l'État ne l'ait pas fait.
2.CONFORMITÉ AVEC L'OPCAT
40.Conformément à l'article 17 de l'OPCAT, les États parties doivent mettre en place, désigner ou maintenir un " Mécanisme National de Prévention " dans un délai d'un an à compter de la ratification ou de l'adhésion au traité.
41.Le Sous-comité des Nations Unies pour la prévention de la torture signale que les neufs (9) États africains suivants ne se conforment pas à l'article 17 : le Bénin, le Burundi, la République Centrafricaine, la République Démocratique du Congo, le Gabon, le Ghana, le Libéria, le Nigéria et le Sud Soudan[ UN Subcommittee on Prevention of Torture, https://www.ohchr.org/en/treaty-bodies/spt/non-compliance-article-17, (last accessed 21 September 2023).].
3.MESURES DE SÉCURITÉ, TERRORISME ET TORTURE
42.Les Lignes directrices de Robben Island prévoient que «l'ordre public», une «urgence nationale»[ Guideline 10 of the Robben Island Guidelines.] ou « les ordres d'un supérieur »[ Guideline 11 of the Robben Island Guidelines.] ne doivent pas servir de justification ou d'excuse aux actes de torture et autres mauvais traitements. La torture a été utilisée contre des personnes soupçonnées de terrorisme ou contre des personnes prétendument associées à des personnes soupçonnées de terrorisme, afin d'obtenir des informations et de les punir pour leur rôle présumé dans l'acte terroriste. Les groupes terroristes ont également utilisé des moyens proches de la torture sur des populations.
43.En août 2023, plusieurs experts des Nations unies, dont le rapporteur spécial sur la torture, ont exprimé leur inquiétude concernant les viols et les violences sexuelles perpétrés par les forces de soutien rapide pendant le conflit armé au Soudan[ UN experts alarmed by reported widespread use of rape and sexual violence against women and girls by RSF in Sudan, 17 August 2023, https://www.ohchr.org/en/press-releases/2023/08/un-experts-alarmed-repo… (last accessed 21 September 2023).].
44.Le 26 juin 2023, la Commission africaine des droits de l'homme et des peuples, à l'occasion de la Journée internationale pour le soutien aux victimes de la torture, s'est inquiétée de la montée de la violence dans le contexte des conflits et des menaces à la sécurité[ African Commission on Human and Peoples’ Rights, Statement on the occasion of the International Day in Support of Victims of Torture, 26 June 2023, https://achpr.au.int/en/news/press-releases/2023-06-26/statement-occasi… (last accessed 21 September 2023).].
45.En juin 2023, le Comité contre la torture s'est inquiété du fait que les personnes détenues en Éthiopie pour des infractions liées au terrorisme ou pendant l'état d'urgence dans les conflits du Tigré, de l'Afar, de l'Amhara et de l'Ommia ne bénéficiaient pas des garanties juridiques fondamentales, et a pris note des nombreuses violations commises dans le cadre de ces conflits, y compris les violences sexuelles liées aux conflits[ Committee Against Torture, Concluding Observations on the second periodic report of Ethiopia, CAT/C/ETH/CO/2, 7 June 2023, para 12.].
46.Toujours en juin 2023, Human Rights Watch a fait état d'un nettoyage ethnique dans la zone du Tigré occidental en Éthiopie à l'encontre des Tigréens, ainsi que de leur détention dans des lieux officiels et non officiels dans de mauvaises conditions[ Human Rights Watch, Ethiopia: Ethnic Cleansing Persists Under Tigray Truce, 1 June 2023, https://www.hrw.org/news/2023/06/01/ethiopia-ethnic-cleansing-persists-…, (last accessed 21 September 2023).].
47.Dans un rapport publié en juillet 2023, Amnesty International a demandé aux autorités camerounaises d'enquêter sur les violations généralisées, y compris la torture, commises par des séparatistes armés, des milices et des membres des forces de défense et de sécurité dans les régions anglophones du pays[ Amnesty International, With or against us: the population caught between the army, armed separatists and militias in north-west Cameroon, 4 July 2023, https://www.amnesty.org/en/latest/news/2023/07/cameroon-rampant-atrocit… (last accessed 21 September 2023).].
48. En juin 2023, des civils ont été signalés comme risquant de subir des crimes de guerre et des crimes contre l'humanité, notamment des meurtres à motivation ethnique et des violences sexuelles, dans le cadre du conflit dans l'ouest du Darfour, au Soudan[ Amnesty International, Sudan: Civilians at grave risk amid escalating violence in West Darfur, 19 June 2023, https://www.amnesty.org/en/latest/news/2023/06/sudan-civilians-at-grave… (last accessed 21 September 2023).].
4.EXÉCUTIONS EXTRAJUDICIAIRES, ARBITRAIRES ET DISPARITIONS FORCÉES
49.Le droit à la vie est expressément garanti par l'article 4 de la Charte africaine qui consacre l'interdiction absolue de la privation arbitraire de la vie. Dans sa jurisprudence, la Commission africaine a également estimé que les exécutions pouvaient constituer des peines ou traitements cruels, inhumains et dégradants[ Communication 277/03: Spilg and Mack & Ditshwanelo (Kobedi) v Botswana (ACHPR 2011) para 167. ]. Les disparitions forcées placent les personnes hors de la protection de la loi, ce qui les rend vulnérables à la torture et à d'autres violations des droits. La disparition forcée est une violation continue qui peut porter atteinte à toute une série de droits interdépendants, notamment le droit à la vie, à la liberté, à la sécurité de la personne et à l'intégrité personnelle.
50.En ce qui concerne l'Éthiopie, le Comité des Nations unies contre la torture a relevé des exécutions sommaires dans le cadre de conflits dans différentes régions[ Committee Against Torture, Concluding Observations on the second periodic report of Ethiopia, CAT/C/ETH/CO/2, 7 June 2023.].
51.Amnesty International a demandé que la peine de mort prononcée par la Haute Cour de Harare au Zimbabwe à l'encontre de deux personnes en juillet 2023 soit commuée en peine d'emprisonnement[ Amnesty International, Zimbabwe: Commute death sentence to prison terms in Tapiwa Makore murder case, 13 July 2023, https://www.amnesty.org/en/latest/news/2023/07/zimbabwe-commute-death-s… (last accessed 21 September 2023).].
52.Plusieurs personnes, dont des enfants, ont été tuées lors de manifestations en juin 2023 au Sénégal[ Amnesty International, Senegal: Amnesty International calls for independent enquiry into deadly crackdown on protests, 29 June 2023, https://www.amnesty.org/en/latest/news/2023/06/senegal-amnesty-internat… (last accessed 21 September 2023).].
53.Le 20 avril 2023, plus de 140 civils auraient été tués dans un village du nord du Burkina Faso[ Amnesty International, Burkina Faso: Responsibility of the army indicated in Karma massacre, 3 May 2023, https://www.amnesty.org/en/latest/news/2023/05/burkina-faso-la-responsa… (last accessed 21 September 2023).]. La Commission africaine des droits de l'homme et des peuples, dans un communiqué de presse du 30 avril 2023, a exprimé son indignation face aux massacres récurrents de civils et à la spirale de la violence[ African Commission on Human and Peoples’ Rights, Press release on the situation of human rights in Burkina Faso, 30 April 2023, https://achpr.au.int/en/news/press-releases/2023-04-30/press-release-si… (last accessed 21 September 2023).].
5.TORTURE DANS LES LIEUX DE DÉTENTION, MAUVAISES CONDITIONS DE DÉTENTION ET DÉTENTION ARBITRAIRE
54.Les Lignes directrices de Robben Island reconnaissent que les personnes privées de liberté sont vulnérables à la torture et à d'autres mauvais traitements et établissent des garanties fondamentales pour prévenir ces formes d'abus. Elles encouragent également les États à améliorer les conditions dans les lieux de détention[ Guideline 34 of the Robben Island Guidelines.] et à réduire la surpopulation[ Guideline 37 of the Robben Island Guidelines.]. De mauvaises conditions de détention peuvent être assimilées à de la torture et à d'autres mauvais traitements.
55.En août 2023, la Haute Cour d'Afrique du Sud, appliquant pour la première fois la loi 13 de 2013 sur la prévention et la lutte contre la torture des personnes (loi sur la torture), a déclaré le ministre de la Justice et des Services correctionnels responsable des actes de torture commis par des agents pénitentiaires sur cinq prisonniers au centre correctionnel maximal de Leeuwkop, dans le Gauteng, en août 2014[ Redress, South African Court Decides in Favor of Torture Victims in First Case to Apply the South African Torture Act, 1 September 2023, https://redress.org/news/south-african-court-decides-in-favor-of-tortur… (last accessed 21 September 2023).].
56.En juin 2023, le Comité des Nations unies contre la torture a fait état de préoccupations en Éthiopie concernant la surpopulation persistante dans certaines prisons et les mauvaises conditions de détention, les soins de santé limités et les niveaux élevés de violence, soulignant également les restrictions imposées aux personnes autorisées à visiter ces lieux[ Committee Against Torture, Concluding Observations on the second periodic report of Ethiopia, CAT/C/ETH/CO/2, 7 June 2023.].
57.- Amnesty International a publié un rapport en mai 2023 appelant le gouvernement du Lesotho à rendre des comptes sur l'augmentation du nombre de décès en détention sous l'administration précédente[ Amnesty International, Turn the chapter: Human Rights Agenda for the New Government of Lesotho, May 2023, https://www.amnesty.org/en/documents/afr33/6771/2023/en/ (last accessed 21 September 2023).].
58.- Après une visite de promotion en Namibie en juin 2023, la Commission africaine des droits de l'homme et des peuples a noté l'absence d'un mécanisme de contrôle indépendant pour les lieux de détention afin de prévenir la torture et d'autres formes de mauvais traitements[ African Commission on Human and Peoples’ Rights, Press Statement at the Conclusion of the Promotion Mission of the African Commission on Human and Peoples’ Rights to The Republic Of Namibia, 17 June 2023, https://achpr.au.int/en/news/press-releases/2023-06-17/press-statement-… (last accessed 21 September 2023).].
6.USAGE EXCESSIF DE LA FORCE CONTRE DES MANIFESTANTS
59.Conformément à la Résolution 474 de la Commission sur l'interdiction de l'usage excessif de la force par les forces de l'ordre dans les États africains, l'usage de la force par les forces de l'ordre et de sécurité publique doit être conforme aux principes de légalité, de nécessité, de proportionnalité et de responsabilité et ne pas mettre en danger la vie humaine[ African Commission on Human and Peoples’ Rights, ACHPR/Res. 474 (EXT.OS/ XXXI) 2021, ˂https://www.achpr.org/sessions/resolutions?id=505˃ last accessed 4 April 2023.].
60.En septembre 2023, la Commission africaine a condamné le massacre de manifestants civils en RDC[ African Commission on Human and Peoples’ Rights, Press release on the massacre of civilian demonstrators against MONUSCO in the Democratic Republic of Congo, 1 September 2023, https://achpr.au.int/en/news/press-releases/2023-09-01/press-release-ma… (last accessed 21 September 2023).].
61.Le 26 août 2023, au Zimbabwe, il a été signalé que l'activiste politique Nelson Mukwenha, après avoir participé à une manifestation visant à empêcher des personnes soupçonnées d'être des agents de sécurité d'enlever un autre activiste, a lui-même été enlevé, torturé et son corps a été retrouvé dans une forêt à la périphérie de la capitale, Harare[ Amnesty International, Zimbabwe: Authorities must investigate the disappearance and torture of political activist, 29 August 2023, https://www.amnesty.org/en/latest/news/2023/08/zimbabwe-authorities-mus… (last accessed 21 September 2023).].
62.En juin 2023, des gaz lacrymogènes et des balles réelles auraient été utilisés pour disperser des manifestants en Angola[ Amnesty International, Angola: Police must exercise restraint during nationwide protests, 9 June 2023, https://www.amnesty.org/en/latest/news/2023/06/angolan-police-must-exer… (last accessed 21 September 2023).].
63.En juillet 2023, la Commission africaine des droits de l'homme et des peuples a condamné les actes de violence et l'usage excessif de la force par la police dans le cadre de manifestations au Kenya, y compris les informations selon lesquelles des grenades lacrymogènes ont été lancées par la police dans une école primaire, blessant des enfants[ African Commission on Human and Peoples’ Rights, African Commission calls for respect for the right to peaceful protests in Kenya, 21 July 2023, https://achpr.au.int/en/news/press-releases/2023-07-21/african-commissi… (last accessed 21 September 2023).]. Elle a également condamné l'usage de la force contre les protestataires dans le cadre des manifestations qui ont eu lieu dans le pays en mars 2023[ African Commission on Human and Peoples’ Rights, The African Commission on Human and Peoples’ Rights expresses concern over the excessive use of force against protesters in Kenya, 2 April 2023, https://achpr.au.int/en/news/press-releases/2023-04-02/african-commissi… (last accessed 21 September 2023).].
7.AGRESSIONS DE PERSONNES LGBTQIA+
64.En Afrique, les personnes lesbiennes, gays, bisexuelles, transgenres, queer ou en questionnement, intersexuées, asexuées et autres (LGBTQIA+) sont constamment confrontées à des défis en matière de droits de l'homme, ainsi qu'à la violence institutionnelle. Dans sa Résolution 275, la Commission a condamné l'incidence croissante de la violence et d'autres violations des droits de l'homme, notamment les meurtres, les viols, les agressions, les emprisonnements arbitraires et d'autres formes de persécution de personnes sur la base de leur orientation sexuelle ou de leur identité de genre supposée ou réelle. La Commission a appelé les États à mettre fin à tous les actes de violence et d'abus, qu'ils soient commis par des acteurs étatiques ou non étatiques, notamment en promulguant et en appliquant effectivement des lois appropriées interdisant et punissant toutes les formes de violence, y compris celles visant des personnes sur la base de leur orientation sexuelle ou identité de genre, imputée ou réelle, en veillant à ce que les auteurs de ces actes fassent l'objet d'enquêtes appropriées et de poursuites diligentes, et en établissant des procédures judiciaires répondant aux besoins des victimes[ African Commission on Human and Peoples’ Rights Resolution 275 https://achpr.au.int/en/adopted-resolutions/275-resolution-protection-a…, accessed 3 April 2023.].
65.En outre, dans l'affaire Zimbabwe Human Rights NGO Forum contre Zimbabwe, la Commission africaine a réaffirmé que l'objectif de l'article 2 de la Charte africaine est de "garantir l'égalité de traitement des individus sans distinction de nationalité, de sexe, d'origine raciale ou ethnique, d'opinion politique, de religion ou de croyance, de handicap, d'âge ou d'orientation sexuelle"[ African Commission on Human and Peoples’ Rights, Zimbabwe Human Rights NGO Forum v Zimbabwe {Communication No. 245/2002], 25 May 2006, paras.168-170, <http://caselaw.ihrda.org/doc/245.02/>, (last accessed 21 September 2023).]. En conséquence, les États ont l'obligation de protéger les personnes LGBTQIA+ contre les préjudices et la discrimination et de fournir une réparation aux victimes.
66.Au moment de la rédaction du présent rapport, 32 États africains disposaient de lois criminalisant l'homosexualité, et trois États appliquaient la peine de mort en réponse aux relations homosexuelles (Mauritanie, Nigeria, Somalie)[ Human Dignity Trust, https://www.humandignitytrust.org/lgbt-the-law/map-of-criminalisation/, (last accessed 21 September 2023).].
67.Le 26 juin 2023, la Commission africaine des droits de l'homme et des peuples, à l'occasion de la Journée internationale de soutien aux victimes de la torture, a appelé les États à prendre des mesures pour mettre fin à toutes les violations, en particulier à l'encontre des personnes vulnérables, telles que les personnes LGBTQI+[ African Commission on Human and Peoples’ Rights, Statement on the occasion of the International Day in Support of Victims of Torture, 26 June 2023, https://achpr.au.int/en/news/press-releases/2023-06-26/statement-occasi… (last accessed 21 September 2023).].
68.En mai 2023, le président de l'Ouganda a approuvé le projet de loi anti-homosexualité 2023, qui criminalise les actes sexuels entre adultes consentants de même sexe[ Amnesty International, Uganda: President’s approval of anti-LGBTI Bill is a grave assault on human rights, 29 May 2023, https://www.amnesty.org/en/latest/news/2023/05/presidents-musevenis-app… (last accessed 21 September 2023).].
69.En mai 2023, un rapport de la Commission nationale des droits de l'homme des gays et lesbiennes (NGLHRC) et d'Amnesty International a fait état de violences, de viols et d'autres violations à l'encontre de réfugiés et de demandeurs d'asile LGBTI dans le camp de Kakuma, au Kenya[ NGLHRC and Amnesty International, Kenya: “Justice like any other person” – Hate crimes and discrimination against LGBTI refugees, 29 May 2023, AFR 32/6578/2023, https://www.amnesty.org/en/documents/afr32/6578/2023/en/ (last accessed 21 September 2023).].
8.DEMANDEURS D'ASILE, REFUGIES, MIGRANTS ET TORTURE
70.Les droits des migrants sont protégés par la Charte africaine des droits de l'homme et des peuples, la Convention de l'Union africaine sur la protection et l'assistance aux personnes déplacées en Afrique, la Convention internationale sur la protection des droits de tous les travailleurs migrants et des membres de leur famille (1990), ainsi que d'autres instruments internationaux et régionaux. Cependant, pendant l'intersession, les demandeurs d'asile, les réfugiés et les migrants ont continué à être exposés à une série de violations des droits de l'homme, y compris la torture et d'autres mauvais traitements. Conformément au droit international, les personnes ne doivent pas être renvoyées ou envoyées dans des pays (refoulées) où elles risquent d'être torturées ou maltraitées.
71.En juillet 2023, les experts des Nations unies ont mis en évidence la torture, la détention dans des lieux inconnus et les disparitions forcées de migrants et de réfugiés en Libye[ Libya: UN experts alarmed at reports of trafficking in persons, arbitrary detention, enforced disappearances and torture of migrants and refugees, 21 July 2023, https://www.ohchr.org/en/press-releases/2023/07/libya-un-experts-alarme… (last accessed 21 September 2023).].
72.En ce qui concerne l'Éthiopie, le Comité des Nations unies contre la torture a fait part, en juin 2023, de ses préoccupations concernant l'impact du conflit armé sur les ressortissants érythréens, somaliens et soudanais et sur les réfugiés, y compris la violence ciblée sur les Érythréens en particulier[ Committee Against Torture, Concluding Observations on the second periodic report of Ethiopia, CAT/C/ETH/CO/2, 7 June 2023.]. Les experts des Nations unies ont également condamné, en juillet 2023, l'expulsion massive d'Érythréens d'Éthiopie et la détention arbitraire[ UN experts urge Ethiopia to halt mass deportation of Eritreans, 13 July 2023, https://www.ohchr.org/en/press-releases/2023/07/un-experts-urge-ethiopi… (last accessed 21 September 2023).].
III.RECOMMANDATIONS
73.Au vu de ce qui précède, les recommandations suivantes sont formulées, notamment en ce qui concerne le mandat du CPTA consistant à prévenir et à interdire la torture et d’autres mauvais traitements :
i.Les États qui ne l'ont pas encore fait devraient ratifier l'UNCAT.
ii.Les États qui ne l'ont pas encore fait devraient ratifier l'OPCAT, et établir des Mécanismes Nationaux de Prévention pour surveiller les lieux de détention.
iii.Tous les États devraient criminaliser la torture et les autres mauvais traitements conformément à l'UNCAT.
iv.Tous les États devraient veiller à ce qu'aucune déclaration obtenue par la torture ne soit admise comme élément de preuve dans une procédure, si ce n'est à l'encontre d'une personne accusée de torture pour prouver que la déclaration a été faite.
v.Tous les États devraient veiller à ce que toutes les mesures et restrictions imposées pendant la pandémie de COVID-19 qui pourraient avoir facilité ou constitué des actes de torture ou des mauvais traitements soient intégralement supprimées.
vi.Les États devraient prendre des mesures pour éviter l'utilisation de lois générales telles que la législation antiterroriste, les lois sur l'état d'urgence et d'autres lois sur la sécurité de l'État pour procéder à des arrestations, des fouilles et des détentions arbitraires contraires aux normes internationales et régionales.
vii.Les États devraient prendre des mesures pour améliorer les conditions de détention conformément aux Lignes directrices sur les conditions d'arrestation, de garde à vue et de détention provisoire en Afrique (Lignes directrices de Luanda).
viii.Les États devraient réviser leur législation nationale afin de protéger les individus contre les disparitions forcées, la torture et d’autres mauvais traitements en interdisant la détention au secret, l'isolement prolongé et en criminalisant l'utilisation de centres de détention secrets ou non autorisés, conformément aux Lignes directrices de Robben Island, UNCAT et à l'OPCAT.
ix.Les États devraient mettre en place des mécanismes habilités à recevoir des plaintes pour torture et autres mauvais traitements.
x.Les États devraient ouvrir sans délai des enquêtes approfondies, indépendantes et impartiales sur toutes les allégations de torture et autres mauvais traitements et veiller à ce que les auteurs de ces actes soient tenus responsables et fassent l'objet de sanctions appropriées reflétant la gravité des infractions, conformément aux normes internationales et régionales pertinentes.
xi.Les États devraient veiller à ce que le personnel de sécurité ne fasse pas un usage excessif de la force contre les civils et qu'il réponde aux manifestations conformément aux Directives pour le maintien de l'ordre lors des rassemblements par les responsables de l'application des lois en Afrique.
xii.Les États devraient respecter et protéger les droits des personnes ou des groupes les plus exposés aux actes de torture et autres mauvais traitements, notamment les personnes souffrant de handicaps intellectuels ou psychosociaux, les sans-abris, les femmes et les enfants, les personnes atteintes d’albinisme, la communauté LGBTQIA+, les migrants, les réfugiés et les personnes déplacées à l'intérieur de leur propre pays, et veiller à ce que les auteurs de ces actes en soient tenus responsables.
xiii.Les États devraient veiller à ce que les victimes de torture et d'autres mauvais traitements aient droit à toutes les formes de réparation, y compris la restitution, l'indemnisation, la réadaptation, la satisfaction et les garanties de non-répétition, conformément à l'Observation générale n° 4 de la Charte africaine des droits de l'homme et des peuples : Droit de réparation pour les victimes de la torture et d’autres et peines et traitements cruels, inhumains ou dégradants (Article 5).
xiv.Toutes les parties à des conflits doivent respecter le droit international humanitaire énoncé dans les Conventions de Genève, dans leur traitement des civils et des biens civils.
xv.Les États devraient veiller à mettre en œuvre les recommandations formulées par la Commission africaine des droits de l'homme et des peuples et les organes des Nations Unies afin d'interdire et de prévenir la torture et les autres mauvais traitements.
xvi.Toute personne disposant d'informations concernant des allégations de torture et autres mauvais traitements devraient porter ces allégations à l'attention du CPTA.