Rapporteure spéciale sur la liberté d'expression et l'accès à l'information en Afrique - 77OS

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RAPPORT D’ACTIVITÉS INTERSESSION
DE LA 

COMMISSAIRE OURVEENA GEEREESHA TOPSY-SONOO

Présenté lors de la 77ème Session ordinaire de la Commission africaine des droits de l’homme et des peuples

Arusha, Tanzanie 
20 octobre - 09 novembre 2023

INTRODUCTION

1.Le présent rapport est présenté conformément aux règles 25(3) et 64 du Règlement intérieur (2020) de la Commission africaine des droits de l’homme et des peuples (la Commission) et couvre les activités menées pendant la période d’intersession allant de mai à octobre 2023.

2.Le rapport est organisé comme suit: 

 1ère Partie : Activités entreprises en ma qualité de membre de la Commission et de membre du Groupe de travail sur la peine de mort, les exécutions extrajudiciaires, sommaires ou arbitraires et les disparitions forcées en Afrique (le Groupe de travail sur la peine de mort) ;

 2ème Partie : Activités entreprises en ma qualité de Rapporteure spéciale sur la liberté d’expression et l’accès à l’information en Afrique (Rapporteure spéciale) ;

 3ème Partie : Rapport sur les actions menées en réponse aux violations des droits de l’homme ; 

 4ème Partie : Commémoration du 10ème anniversaire de la Loi type pour l’Afrique sur l’accès à l’information;

 5ème Partie : Conclusion et recommandations.

1ère Partie : Activités entreprises en ma qualité de membre de la Commission

Participation à la 76ème Session ordinaire privée 

3.Du 19 juillet au 2 août 2023, j’ai participé à la 76ème Session ordinaire privée de la Commission qui s’est tenue virtuellement et qui a essentiellement porté sur l’examen des communications, l’adoption des observations finales sur les rapports périodiques des États, l’examen à mi-parcours du Plan stratégique 2021-2025 de la CADHP, l’adoption des résolutions spécifiques aux pays et thématiques, en plus d’examiner un certain nombre de rapports. 

Activités entreprises en qualité de membre du Groupe de travail sur la peine de mort 

 Atelier de planification et d’initiation à l’endroit des nouveaux membres experts du Groupe de travail sur la peine de mort, les exécutions extrajudiciaires, sommaires ou arbitraires et les disparitions forcées en Afrique 

4.Le 15 juin 2023, en ma qualité de membre du Groupe de travail sur la peine de mort, j’ai participé à un atelier virtuel d’initiation pour les nouveaux membres experts du Groupe de travail qui ont été nommés lors de la 73ème Session ordinaire tenue en novembre 2022. Cet atelier a permis de présenter aux nouveaux membres le travail, les méthodes et priorités de la Commission afin de leur permettre de remplir leur mandat.

5.L’objectif global de l’atelier était de discuter des priorités à court et moyen terme du groupe de travail, en plus d’examiner et d’adopter son Plan de travail annuel 2023.

2ème Partie : Activités entreprises en ma qualité de rapporteure spéciale

Conférence sur les droits à l’information et à la communication en Afrique

6.Du 31 mai au 2 juin 2023, j’ai assisté à une Conférence sur les droits à l’information et à la communication en Afrique qui s’est tenue à Windhoek, en Namibie. La Conférence était organisée par Fesmedia Africa.

7.La Conférence a vu la participation des activistes en matière d’accès à l’information, des droits numériques et des droits de l’homme; et des travailleurs dans le domaine des médias, entre autres, en provenance de toute l’Afrique afin de discuter de l’état de la liberté d’expression et de l’accès à l’information en Afrique. La réunion a également été l’occasion de vulgariser les instruments non contraignants adoptés par la Commission pour donner effet à l’article 9 de la Charte africaine, notamment la Déclaration de principes sur la liberté d’expression et l’accès à l’information en Afrique.

Lancement de Media Associations for Self-Regulation (MASR)

8.Le 18 août 2023, j’ai été invitée à prononcer une allocution lors du lancement de Media Associations for Self-Regulation (MASR), une initiative de la Fraternité des médias zambiens. J’ai prononcé mon allocution virtuellement faute de pouvoir assister à l’événement en personne. 

9.Dans mon allocution, j’ai présenté mes félicitations aux organisateurs pour la création de Media Associations for Self-Regulation (MASR) ainsi que pour la mise en place de la Commission des plaintes sur l’éthique des médias (MECC) et l’élaboration d’un Code de déontologie des médias. J’ai mis l’accent sur la mise en place de ces mécanismes qui constitue la réalisation de l’un des objectifs du document final adopté à Windhoek et préparé lors de la Conférence régionale sur les droits à l’information et à la communication dans lequel les participants se sont engagés à « élaborer et renforcer les mécanismes d’autorégulation qui respectent les normes professionnelles et servent d’outils pour traiter des questions de la responsabilité et transparence des médias. »

Forum régional sur la gouvernance et table ronde sur la Journée de la démocratie en Afrique orientale et australe

10.Le 15 septembre 2023, j’ai participé virtuellement au Forum régional sur la gouvernance en Afrique orientale et australe et à la Table ronde sur la Journée de la démocratie. Lors de ce Forum, j’ai participé à un panel qui discutait du thème « Repenser la démocratisation à l’ère du numérique », et mon intervention s’est concentrée sur les points suivants : la cartographie des opportunités versus les risques du numérique pour la démocratie en Afrique ; l’intelligence artificielle et l’avenir de la démocratie en Afrique ; établir l’équilibre entre la sécurité nationale et les droits numériques des citoyens ; et enfin, la manière dont les États africains peuvent tirer parti des opportunités du numérique pour renforcer la participation et la représentation significatives des jeunes dans la politique tout en se protégeant contre les risques.

Interview pour une publication sur la régulation des médias numériques en Afrique 

11.Le 22 septembre 2023, j’ai participé à un entretien virtuel avec l’Université de Birmingham en vue de contribuer à une publication sur la régulation des médias numériques en Afrique. Dans mon intervention j’ai brossée un aperçu du paysage réglementaire des médias en ligne en Afrique, des politiques de censure, du rôle de l’UA dans les politiques de régulation, et j’ai partagé mon point de vue sur l’approche continentale et la mise en œuvre de ces politiques.

Webinaire sur le lancement des rapports sur la diffusion proactive d'informations et les élections en Afrique 

12.Le 26 septembre 2023, j’ai prononcé un discours et participé à un webinaire sur le lancement des rapports sur la divulgation proactive de l’information et les élections en Afrique, organisé par Center for Human Rights de l’Université de Pretoria. Les rapports lancés ont évalué le respect par des États parties à savoir le Ghana, le Kenya, l’Ouganda et la Gambie, avec les Lignes directrices de la Commission africaine sur l’accès à l’information et les élections en Afrique pendant les périodes électorales.

13.Les rapports examinent la dissémination proactive d’informations crédibles liées aux élections par les organes de régulation des élections, les autorités de nomination/désignation, les forces de l’ordre, les partis politiques et les candidats, les médias et les organes de régulation, les observateurs électoraux et la société civile comme le prévoient les Lignes directrices. 

Forum National sur l’accès à l’information
 
14.Le 28 septembre 2023, en commémoration de la Journée internationale de l’accès universel à l’information, j’ai prononcé un discours enregistré au Forum national sur l’accès à l'information. Cette commémoration s’est tenue à Mogadiscio, en Somalie, et a été organisée par l’Union nationale des journalistes somaliens. Cette commémoration a été l’occasion de plaider en faveur de l’adoption d’une loi sur l’accès à l’information en Somalie et de faciliter un dialogue constructif sur la manière de promouvoir et de protéger effectivement ce droit.  

Séminaire sur l'accès à l'information

15.Le 28 septembre 2023, j'ai participé virtuellement et prononcé le discours d'ouverture au séminaire sur l'accès à l'information organisé par le Centre des droits de l'homme de l'Université de Pretoria. En plus de commémorer la "Journée Internationale de l'Accès Universel à l'Information", mon discours a souligné le 10ème anniversaire de l'adoption de la Loi Modèle sur l'Accès à l'Information pour l'Afrique.

Enregistrement d'un "podcast" sur les 10 ans de la loi type sur l'accès à l'information pour l'Afrique

16.Le 29 septembre 2023, j'ai participé à l'enregistrement d'un podcast sur les 10 ans de la loi type sur l'Accès à l'Information en Afrique. Le podcast a été enregistré par le Centre pour les Droits de l'Homme, et s'est concentré sur les succès obtenus depuis l'adoption de la loi type, les défis pour assurer l'accès à l'information en Afrique, ainsi que les recommandations sur la voie à suivre pour réaliser le droit d'accès à l'information.

Garantir la sécurité des journalistes et lutter contre l'impunité des crimes contre la presse

17.Le 4 octobre 2023, j'ai participé virtuellement et présenté une déclaration lors d'un événement parallèle organisé en marge de la 54e session du Conseil des droits de l'homme des Nations unies sur le thème "Garantir la sécurité des journalistes et lutter contre l'impunité pour les crimes contre la presse". Compte tenu du fait que les attaques contre les journalistes persistent sans relâche, à la fois en ligne et hors ligne, et que l'impunité pour ces crimes reste inacceptable, ma déclaration a fait état des principaux défis à relever pour s'assurer que les États respectent leurs engagements à garantir la sécurité des journalistes, des mesures qui ont été prises par la Commission sur cette question clé, en plus d'appeler toutes les parties prenantes à soumettre continuellement des plaintes et des rapports sur les attaques contre les journalistes à la Commission et au mandat sur la liberté d'expression et l'accès à l'information en Afrique.

Activités en marge de la 77e Session Ordinaire 

18.En marge de la 77ème session ordinaire de la Commission, j'ai participé aux activités suivantes :
-Réunion avec des représentants de la Fédération internationale des droits de l'homme (FIDH), samedi 21 octobre 2023 ;
-Réunion avec des représentants d'Amnesty International, dimanche 22 octobre 2023 ;
-Réunion avec l'ambassadeur par intérim de la République du Botswana auprès de l'Union africaine, mercredi 25 octobre 2023 ;
-Réunion avec des représentants de Paradigm Initiative, mercredi 25 octobre 2023;
-Réunions avec des représentants de Reports Without Borders, samedi 28 octobre 2023.

3ème Partie : Rapport sur les actions menées en réponse aux violations des droits de l’homme

-Lettres

Lettre conjointe félicitant la République de Zambie pour l’adoption du Projet de loi sur le mariage (Loi révisée)

19.Le 2 août 2023, en ma qualité de Commissaire rapporteure pour la situation des droits de l’homme en République de Zambie, j’ai participé à l’élaboration d’une lettre de félicitation conjointe avec la Rapporteure spéciale sur les droits des femmes en Afrique, adressée à S.E. le Président de la République de Zambie, suite à la publication et présentation du Projet de loi sur le mariage (Loi révisée) 2023 par le gouvernement au parlement. 

20.La lettre félicite le gouvernement, entre autres, pour avoir revu à la hausse l’âge du mariage de 16 à 19 ans, contribuant ainsi à l’éradication du mariage des enfants. Cette révision de la loi sur le mariage, qui porte l’âge minimum à 19 ans, donne effet à l’article 3 de la Charte africaine des droits de l’homme et des peuples ainsi qu’aux articles 5 et 6 du Protocole à la Charte africaine des droits de l’homme et des peuples relatif aux droits de la femme en Afrique. 

Lettre conjointe d’appel urgent à la République de Zambie sur la situation de M. Joseph Moyo

21.Le 16 août 2023, en ma qualité de Commissaire rapporteure pour la situation des droits de l’homme en République de Zambie, j’ai participé à l’élaboration d’une lettre conjointe d’appel urgent avec le Président du Groupe de travail sur les droits des personnes âgées et des personnes handicapées en Afrique et le Président du Comité pour la prévention de la torture en Afrique, qui a été transmise à S.E. le Président de la République de Zambie concernant la situation de M. Joseph Moyo.

22.La lettre indique les allégations de M. Moyo concernant son statut de personne handicapée depuis 2016 ainsi que sa mauvaise santé chronique qui l’exposent aux violations constantes de ses droits à la dignité, à la protection contre la discrimination, à la liberté de mouvement et à de nombreux autres droits tels que le droit d’accès à la justice, à l’égalité d’accès aux services publics et à d’autres droits économiques, sociaux et culturels. Les violations alléguées et dont M. Moyo a été victime trouveraient leur origine dans le fait que le gouvernement n’aurait pas donné suite aux nombreux appels qu’il a adressés aux autorités au plus haut niveau, notamment au Président de la République et aux ministères de l’administration locale, de la justice et des infrastructures, demandant au gouvernement de trouver des moyens, comme prévu par la Constitution zambienne, d’empêcher les violations en question.

Lettre conjointe d'appel urgent à la République arabe d'Égypte

23. Le 18 octobre 2023, j'ai rédigé une lettre conjointe d'appel urgent, en collaboration avec le Rapporteur Spécial sur les Défenseurs des Droits de l'Homme et le Point Focal sur les Représailles en Afrique, en réponse à des rapports indiquant que le Dr. Ayman Nour, personnalité politique égyptienne en sa qualité de dirigeant du parti politique libéral Ghad al-Thawra et ancien membre du Parlement égyptien, ainsi que d'autres membres de la société civile égyptienne, notamment des journalistes d'Al-Sharq TV, des membres du parti Ghad al-Thawra et des femmes membres de l'Alliance nationale égyptienne, auraient été inscrits sur cette même liste de terroristes, sans possibilité d'appel, pour avoir défendu des idéologies libérales et laïques et le rejet de la violence. La lettre demandait des éclaircissements sur les rapports et demandait l'ouverture d'une enquête adéquate, indépendante et impartiale sur les faits rapportés, le cas échéant.

Lettre conjointe d'appel urgent à la République du Sénégal concernant l'arrestation et la détention arbitraires du défenseur des droits de l'homme et journaliste Aliou Sané

24.  Le 23 octobre 2023, j'ai participé à une lettre conjointe d'appel urgent, en collaboration avec le Rapporteur Spécial sur les Défenseurs des Droits de l'Homme et le Point Focal sur les Représailles en Afrique, en réponse aux rapports reçus concernant l'arrestation de M. Aliou Sané le 5 octobre 2023. Les rapports indiquent que M. Sané, défenseur des droits de l'homme, journaliste, co-fondateur du mouvement "Y'en a marre" et coordinateur adjoint de la plateforme F24, milite pour le droit à la liberté d'expression et d'information, ainsi que pour le droit de réunion pacifique et d'association pour la pleine jouissance des droits civils et politiques au Sénégal.

-Communiqué de presse 

Déclaration commémorant la Journée internationale de l’accès universel à l’information, le 28 septembre 2023

25.Le 28 septembre 2023, j’ai fait une déclaration à l’occasion de la Journée internationale de l’accès universel à l’information pour se joindre à la communauté internationale afin de reconnaître l’importance du droit d’accès à l’information. La déclaration relève que l’accès à l’information est un droit fondamental, étroitement lié à la liberté d’expression et est généralement considéré comme un élément clé de la démocratie. La déclaration fait observer que le droit à l’information n’est pas seulement un droit de l’homme, mais aussi un outil indispensable qui permet aux citoyens de demander des comptes aux gouvernements et de participer à la vie publique.

26. La déclaration félicite les États parties qui ont adopté des lois nationales pour assurer la promotion et la protection du droit d’accès à l’information et appelle en outre les États parties à mettre en place et à mandater des mécanismes de contrôle efficaces, ainsi qu’à vulgariser les lois pour assurer la sensibilisation au droit d’accès à l’information.

Déclaration commémorant la Journée internationale de la fin de l'impunité pour les crimes commis contre les journalistes, le 2 novembre 2023

27.Le 02 novembre 2023, j'ai publié une déclaration de presse en commémoration de la Journée internationale de la fin de l'impunité pour les crimes commis contre les journalistes, qui a noté avec préoccupation la complicité croissante exponentielle des États parties dans les attaques contre les journalistes à l'échelle du continent, en plus des rapports concernant diverses attaques contre les journalistes, y compris des actes de violence, des enlèvements, des détentions arbitraires et des exécutions extrajudiciaires. La déclaration a pris note du principe 20(4) de la Déclaration de principes sur la liberté d'expression et l'accès à l'information en Afrique (2019), qui enjoint les États parties à prendre des mesures juridiques et autres efficaces pour enquêter, poursuivre et punir les auteurs d'attaques contre les journalistes et autres professionnels des médias, et à veiller à ce que les victimes aient accès à des voies de recours effectives.

4ème Partie : Commémoration du 10ème anniversaire de la Loi type pour l’Afrique sur l’accès à l’information  

28.Cette partie du rapport concerne la Loi type pour l’Afrique sur l’accès à l’information (la Loi type), un instrument non contraignant adopté par la Commission en 2013 et 2023 marque le 10ème anniversaire de son adoption. Comme il s’agit d’une étape importante, nous revenons, dans les lignes qui suivent, sur le processus d’élaboration de la Loi type avant d’évoquer sa contribution au paysage d’accès à l’information sur le continent.

29.Le droit à l’information, consacré par l’article 9(1) de la Charte africaine, est un droit humain fondamental nécessaire à la jouissance du reste des droits humains. Le droit de rechercher et de recevoir des informations est essentiel pour un gouvernement transparent et responsable.

30.Avant la mise en place d’un mécanisme spécial sur la liberté d’expression et l’accès à l’information, la Commission a adopté la Déclaration de principes sur la liberté d’expression en Afrique lors de sa 32ème Session ordinaire en octobre 2002. L’adoption de la Déclaration a été un événement marquant dans la mesure où la déclaration a permis à l’Afrique de disposer désormais d’une norme régionale spécifiant le contenu déjà limité du droit à la liberté d’expression tel que garanti par l’article 9 de la Charte africaine. Alors que la Déclaration se concentrait sur les principes liés à la liberté d’expression, y compris les principes applicables aux médias, le Principe IV intitulé Liberté d’information, détaillait six principes sur l’accès à l’information qui, dix ans après, ont donné naissance à la norme régionale pour la promotion et la protection du droit à l’accès à l’information en Afrique.

31.Suite à l’adoption de la Déclaration, la Commission a décidé de créer un mécanisme pour superviser la mise en œuvre de la Déclaration et, par extension, de l’article 9 de la Charte africaine. Ce mécanisme a pris la forme « Point focal » au sein de la Commission. En 2004, le « Point focal » sur la liberté d’expression est devenue le « Rapporteur spécial » sur la liberté d’expression.

32.Le mandat du Rapporteur spécial a été élargi pour inclure le droit d’accès à l’information, par le biais d’une résolution adoptée lors de la 42ème Session ordinaire tenue en novembre 2007. Cette extension de mandat a permis de galvaniser les efforts pour traiter les questions d’accès à l’information comme un droit à part entière, séparé et distinct du droit à la liberté d’expression en Afrique. Dans le rapport d’activité présenté lors de la 44ème Session ordinaire tenue en novembre 2008, le Rapporteur spécial de l’époque a noté qu’« il était urgent de d’élaborer une loi type ou des lignes directrices sur l’accès à l’information sur le continent afin d’aider les Etats membres à rédiger des lois conformes aux normes internationales et régionales qui soient à la fois simples, accessibles et faciles à mettre en œuvre.»

33.En conséquence, en réponse au besoin criant d’élaborer des normes standards pour guider les États membres dans l’élaboration et l’adoption de lois sur l’accès à l’information afin de remplir leurs obligations en vertu de la Charte africaine, la Commission a décidé d’entamer le processus de rédaction d’une Loi type pour l’Afrique sur l’accès à l’information sur base de la Résolution sur la réalisation effective de l’accès à l’information en Afrique adoptée au cours de la 48ème Session ordinaire tenue en novembre 2010. Cette résolution a marqué le début d’un processus d’élaboration de la Loi type qui a duré près de deux ans et demi et qui a impliqué de nombreux experts sur le continent. En outre, des consultations à l’échelle du continent avec les parties prenantes ont eu lieu pour chaque sous-région entre juin 2011 et juin 2012, en plus d’un appel public à commentaires sur le Projet de Loi type publié par la Commission. 

34.La Loi type a ensuite été adoptée lors de la 13ème Session extraordinaire de la Commission et lancée lors de la 53ème Session ordinaire de la Commission en avril 2013.

35.Comme indiqué dans sa préface, la loi type vise à atteindre les objectifs suivants :
-Aider les législateurs et les décideurs politiques à aborder toutes les questions qui se posent dans le contexte africain en rapport avec l’adoption ou la révision de textes de loi sur l’accès à l’information et servir de référence pour l’évaluation des textes au regard des normes sous régionales, régionales et internationales sur l’accès à l’information. 
-Servir d’outil de plaidoyer en faveur de lois sur l’accès à l’information à travers l’Afrique afin de favoriser le débat public sur ce sujet au niveau national mais aussi la compréhension du droit à l’information comme question transversale s’en trouvera ainsi améliorée, de même que celle de son potentiel pour ce qui est de surmonter des problèmes tels que la faiblesse des services publics, le sous-développement ou l’inefficacité du système judiciaire
-Recueillir des bonnes pratiques en termes d’adoption de nouvelles lois et de la révision ou de la modification et de la mise en œuvre des lois existantes en Afrique et à travers le monde ; et
-Enfin, promouvoir une approche commune et harmoniser des lois sur l’accès à l’information en Afrique tout en laissant la faculté à chaque État partie d’ajuster son contenu à son système juridique et à son cadre constitutionnel.

36.A mon avis, il va sans dire qu’il existe une corrélation directe entre l’adoption de la Loi type et l’augmentation des législations nationales sur l’accès à l’information. Lorsque le Projet de loi type a été lancé, seuls cinq (5) pays du continent avaient déjà adopté des lois sur l’accès à l’information. Cependant, depuis l’élaboration de la Loi type, de plus en plus de pays ont adopté des lois sur l’accès à l’information de façon que jusqu’en octobre 2023, vingt-sept (27) pays avaient adopté de telles lois, dont l’ Afrique du Sud, l’Angola, le Bénin, le Burkina Faso, la Côte d’Ivoire, l’Éthiopie, la Gambie, le Ghana, la Guinée, le Kenya, le Libéria, le Malawi, le Maroc, la Mozambique, la Namibie, le Nigéria, le Niger, l’Ouganda, le Rwanda, Seychelles, le Soudan du Sud, la Sierra Leone, le Soudan, la Tanzanie, le Togo, la Tunisie et le Zimbabwe. Cela représente environ la moitié des cinquante-cinq (55) pays africains.

37.L’influence de la Loi type peut être constatée dans le fait que plusieurs États ont activement collaboré avec le mécanisme spécial sur la liberté d’expression et l’accès à l’information au cours de l’élaboration de leurs lois en la matière. En outre, le mécanisme spécial a constamment félicité les États parties pour l’adoption d’une législation nationale sur l’accès à l’information qui adhère aux normes internationales et régionales conformément à la Loi type.

38.L’importance d’une législation nationale prévoyant spécifiquement le droit d’accès à l’information a été récemment soulignée par une décision du Tribunal de grande instance du Botswana, rendue le 26 septembre 2023. Dans l’affaire « News Company (Pty) Ltd. V. Water Utilities Corporation », le Tribunal de grande instance du Botswana a rejeté une requête en examen du refus de Water Utilities Corporation (WUC) de publier un rapport sur le déversement des eaux dans le barrage de Gaborone. Le requérant soutenait qu’il était irrationnel de ne pas disséminer le rapport et que l’article 12 de la Constitution relatif au droit à la liberté d’expression prévoyait le droit d’accès à l’information. Cependant, le tribunal a donné raison à la WUC en constatant que le rapport était destiné aux opérations de la compagnie et non à l’usage public. Le tribunal a conclu que « le Botswana n’a pas de loi sur la liberté d’information et que le Parlement devrait adopter une telle loi. »[ https://www.southernafricalitigationcentre.org/2023/09/26/botswana-high… ]

39.En conséquence, je saisis cette occasion pour appeler une fois de plus les États parties, qui ne l’ont pas encore fait, d’adopter une législation sur l’accès à l’information conforme aux normes régionales et internationales élaborées dans la Loi type sur l’accès à l’information en Afrique, et de mettre en place des mécanismes pour garantir la mise en œuvre effective de la législation en la matière.

40.En outre, une bonne initiative a récemment vu le jour. En 2019, un groupe de pays africains a reconnu la nécessité d’un réseau axé sur l’accès à l’information sur le continent africain et a créé le African Network of Information Commissions (ANIC) qui se propose de créer une plateforme pour l’accès à l'information sur le continent africain. L’ANIC constitue un réseau de commissaires à l’information, de médiateurs et d’autres autorités de régulation qui sont chargés de protéger, de promouvoir et d’assurer le respect du droit d’accès à l’information sur le territoire de leur ressort. 

41.Compte tenu de notre objectif commun de réalisation du droit d’accès à l’information, je souhaite travailler en étroite collaboration avec l’ANIC, car cette initiative a le potentiel d’être un collaborateur utile dans le suivi de la mise en œuvre des diverses législations nationales sur l’accès à l’information.

42.En définitive, au moment où nous commémorons le 10ème anniversaire de l’adoption de la Loi type, je saisis cette occasion pour féliciter mes prédécesseurs pour le travail accompli afin de garantir la promotion et la protection du droit d’accès à l’information. En outre, j’exprime ma sincère gratitude à toutes les parties prenantes qui ont toujours collaboré avec le mécanisme spécial.

5ème Partie : Conclusion et recommandations du rapport    

43.En conclusion et dans le cadre du 10ème anniversaire de l’adoption de la Loi type, je souhaite formuler les recommandations suivantes : 

Aux États parties :
-Veiller à ce que le droit d’accès à l’information soit garanti par la loi, conformément aux principes énoncés dans la Déclaration de principes sur la liberté d’expression et l’accès à l’information en Afrique (2019) et à la Loi type pour l’Afrique sur l’accès à l'information ;
-Veiller à ce que les lois sur l’accès à l’information priment sur toutes les autres lois qui interdisent ou restreignent la divulgation d’informations ;
-Veiller à la mise en place des mécanismes de contrôle indépendants et impartiaux, établis conformément à la loi et dotés d’un mandat de surveiller, promouvoir et protéger le droit d’accès à l'information ;
-Veiller à ce que les mécanismes de contrôle bénéficient d’un financement adéquat en vue de garantir leur fonctionnement efficace ;
-Veiller à la documentation régulière des mesures législatives et autres prises pour donner effet au droit d’accès à l’information et incorporer une telle documentation dans les Rapports périodiques soumis conformément à l’article 62 de la Charte africaine ; et
-Répondre aux lettres d’appel urgent émises par les mécanismes spéciaux afin de fournir des éclaircissements et des informations sur les questions relatives aux droits de l’homme qui y sont soulevées. 

Aux INDH et ONG :

-Continuer à collaborer avec la Commission et le mécanisme spécial sur la liberté d’expression et l’accès à l’information en Afrique en vue de vulgariser la Loi type et d’autres instruments non contraignants qui se rapportent à l’article 9 de la Charte africaine ; et
-Plaider pour l’adoption d’une législation nationale sur l’accès à l’information au sein des États qui ne l’ont pas encore fait.
 
44.Je vous remercie pour votre attention.