La Commission africaine des droits de l’homme et des peuples (la Commission), réunie en sa 81ème Session ordinaire tenue du 17 octobre au 6 novembre 2024 à Banjul, en Gambie ;
Rappelant son mandat de promotion et de protection des droits de l’homme et des peuples en Afrique, en vertu des paragraphes (1) et (2) de l’article 45 de la Charte africaine des droits de l’homme et des peuples (la Charte africaine) ;
Considérant qu’il incombe à la Commission d’élaborer des règles et des principes visant à résoudre les questions juridiques liées aux droits de l’homme et des peuples, qui peuvent servir de base à la législation des États ;
Rappelant par ailleurs la conférence mondiale commémorant la Journée internationale de l’accès universel à l’information (IDUAI), organisée du 1er au 02 octobre 2024 à Accra, qui a souligné le rôle indispensable des données dans la facilitation de l’accès à l’information ;
Reconnaissant en outre les progrès rapides de la technologie et la dépendance croissante à l’égard des données dans la gouvernance, le développement économique et l’interaction sociale à travers le continent africain ;
Affirmant les jalons fondamentaux de la Commission tels que la Loi type sur l’accès à l’information pour l’Afrique, les Lignes directrices sur l’accès à l’information et les élections en Afrique, et la Déclaration de principes sur la liberté d’expression et l’accès à l’information en Afrique ;
Consciente de la Convention de l’Union africaine sur la cybersécurité et la protection des données à caractère personnel et du Cadre stratégique de l’Union africaine en matière de données ;
Reconnaissant qu’en tant qu’extension de l’accès à l’information, l’accès équitable aux données, y compris les statistiques, les ensembles de données et les résultats de recherche, est essentiel pour favoriser une société juste, informée et inclusive à l’ère numérique ;
Reconnaissant que l’exploitation du pouvoir des données, en particulier à l’ère numérique, peut promouvoir la démocratie et faciliter l’exercice de divers droits de l’homme tout en garantissant la transparence et la responsabilité dans la gouvernance ;
Reconnaissant le potentiel de transformation des données pour éclairer les politiques fondées sur des données probantes, renforcer la participation du public et promouvoir l’innovation qui contribue aux Objectifs de développement durable (ODD) et à la réalisation des objectifs de l’Agenda 63 : L’Afrique que nous voulons ;
Reconnaissant les risques et les défis potentiels associés à l’utilisation abusive des données, y compris les violations de la vie privée, la discrimination et l’inégalité d’accès à l’information ;
Soulignant la nécessité d’appliquer des principes éthiques à la collecte et à l’utilisation des données, et l’importance de veiller à ce que les initiatives en matière de données soient conformes aux normes internationales relatives aux droits de l’homme ;
Affirmant la nécessité de lutter contre les préjugés dans les données et les processus de prise de décision automatisés, et de promouvoir la transparence et la responsabilité afin d’atténuer les inégalités structurelles ;
Gardant à l’esprit la nécessité d’un accès équitable aux données, en particulier pour les communautés marginalisées et vulnérables, qui sont touchées de manière disproportionnée par le manque d’accès aux données, exacerbant ainsi les divisions existantes et perpétuant l’inégalité aux niveaux social, économique et politique ;
Réaffirmant la nécessité de l’interopérabilité et de l’interconnexion des systèmes de données nationaux, régionaux et internationaux, en vue de promouvoir l’échange d’informations axé sur l’intérêt public tout en garantissant le respect de la vie privée et la sécurité ;
Notant que les restrictions de l’accès aux données ne devraient être appliquées qu’à des fins légitimes et sur la base de normes internationales, sous réserve de la primauté de l’intérêt public ;
Soulignant la nécessité d’investir dans des programmes de qualité des données, d’alphabétisation et de renforcement des capacités afin de permettre aux individus et aux parties prenantes de naviguer efficacement dans le paysage des données ;
Réaffirmant l’importance des approches multipartites pour libérer tout le potentiel des données en vue d’un changement socio-économique et politique positif ;
Préoccupée par les pratiques d’exploitation des données principalement par le secteur privé, en particulier par les grandes entités technologiques ;
La Commission africaine :
1) Exhorte les États parties à :
a) Veiller à ce que les pratiques de collecte, de traitement, de stockage et d'accès aux données soient transparentes, responsables et conformes aux normes régionales et internationales à l'ère de la numérisation et de l'utilisation croissante de l'IA ;
b) Veiller à ce que les données détenues par les institutions et organismes publics recevant des fonds publics, ainsi que celles détenues par des acteurs privés lorsqu’il existe un intérêt public supérieur à l’accès, soient rendues publiques par défaut, conformément au principe de divulgation maximale, sauf lorsque les normes régionales et internationales en matière de droits de l’homme le justifient.
2) Décide :
a) de mandater le Rapporteur spécial sur la liberté d’expression et l’accès à l’information en Afrique pour mener une large consultation sur le continent afin d’examiner et de développer des normes appropriées pour guider la collecte de données, le déploiement et les questions d’accès aux données ;
b) d’appuyer les efforts visant à promouvoir et à protéger l’accès aux données dans toute l’Afrique.