Résolution sur l'Interdiction de l’usage excessif de la force par les responsables de l'application des lois dans les États africains - CADHP/Rés.474(XXXI) 2021

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La Commission africaine des droits de l'homme et des peuples (la Commission) réunie en sa 31ème Session Extraordinaire, tenue virtuellement du 19 au 25 février 2021 :

Rappelant son mandat de promotion et de protection des droits de l’homme en Afrique en vertu de l’article 45 de la Charte africaine des droits de l’homme et des peuples (la Charte africaine) ;

Reconnaissant le rôle central des responsables de l'application des lois dans le maintien de l'ordre public et l'application des lois, la promotion de la sécurité des citoyens et le respect des droits de l'homme ;

Rappelant la Résolution CADHP/Res.259(LIV)2013 sur la police et les droits de l'homme en Afrique, les Lignes directrices pour le maintien de l’ordre par les agents chargés de l’application des lois lors des réunions en Afrique et les Lignes directrices et mesures d'interdiction et de prévention de la torture et des peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants en Afrique (Lignes directrices de Robben Island) ;

Rappelant ses Communiqués de presse du 28 février 2020 sur la crise du coronavirus;, du 24 mars 2020 sur une réponse efficace basée sur les droits de l'homme face au nouveau coronavirus COVID-19 en Afrique, du 17 avril 2020 sur les rapports faisant état d’un recours excessif de la force par la police pendant la pandémie de COVID-19, des 12 et 22 octobre 2020 respectivement sur les Violations des droits humains par les institutions chargées de l’application des lois au Nigeria et du 23 novembre 2020 sur la situation sociopolitique en République d'Ouganda, ;

Préoccupée par le fait que la pandémie de COVID-19 et les situations d'état d'urgence qui ont suivi ont également conduit à des violations, par  les responsables de l'application des lois, des normes fondamentales en matière de droits de l'homme dans l'exercice de leurs fonctions, notamment des cas signalés de recours excessif et disproportionné à la force, d'exécutions extrajudiciaires et sommaires, d'arrestations arbitraires et illégales, de torture et de mauvais traitements ;

Préoccupée en outre par les informations faisant état d'un usage excessif de la force par les responsables de l'application des lois contre des manifestants pacifiques dans certains États africains, notamment l'utilisation de munitions réelles, de gaz lacrymogènes et de canons à eau par les autorités chargées de l'application des lois pour réprimer et disperser les manifestants, entrainant la mort de nombreuses personnes ; 

Notant l'importance de la formation aux droits de l'homme pour les responsables de l'application des lois, mais aussi de l’existence de mécanismes efficaces de suivi du respect des droits de l'homme par la police ; et la nécessité de veiller à ce que les responsables de l'application des lois reçoivent des directives claires et strictes concernant les opérations à mener, en particulier dans les situations d'urgence ;

Notant en outre l'importance d'un mécanisme indépendant de surveillance de la police auquel les civils peuvent librement recourir et auprès duquel ils peuvent porter plainte contre les responsables de l'application des lois en cas de faute présumée ;

Reconnaissant la nécessité d'offrir à ceux dont les droits ont été violés par les responsables de l'application des lois, l'accès à des mesures correctives, y compris une assistance juridique, des réparations et une indemnisation;

Rappelant aux États parties qu'il existe des principes régionaux et internationaux des droits de l'homme qui guident l’usage de la force et des armes à feu, en mettant l'accent sur les principes de légalité, de nécessité, de proportionnalité et de responsabilité ;

Rappelant également aux États parties que le droit à la vie, la protection contre la torture, les traitements cruels et dégradants sont des droits absolus et irrévocables, même en cas d'état d'urgence ;

La Commission engage les États parties à la Charte africaine à :

1. Veiller à ce que l’usage de la force par les responsables de l’application des lois et de la sécurité publique soit conforme aux principes de légalité, de nécessité, de proportionnalité et de responsabilité et ne mette pas en danger la vie humaine ;

2. Assurer l'interdiction absolue de la torture et des autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants, et déclarer que : toutes les "options telles que la "nécessité", l'"urgence nationale", l'"ordre public" ... ne doivent pas être invoquées pour justifier la torture ou les peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants;

3. S’assurer à ce que les mesures adoptées par les États parties répondent aux normes minimales de protection des droits de l'homme et sont accompagnées de mesures politiques adaptées afin d'atténuer les effets négatifs, en particulier dans les secteurs les plus vulnérables de la société ;

4. Veiller à ce que les responsables de l'application des lois reçoivent des directives strictes concernant les opérations à mener dans les situations d'urgence et que les allégations de violations fassent l'objet d'une enquête et que les auteurs de tels actes soient traduits en justice ; 

5. S’assurer que les responsables de l'application des lois sont dotés d’un équipement approprié pour leur propre protection et de matériel non létal à utiliser et que la force raisonnable ne soit utilisée uniquement que pour faire cesser une menace imminente;

6. Assurer à ceux dont les droits ont été violés par les responsables de l'application des lois, l'accès à des mesures correctives, y compris l’assistance juridique, les réparations et les indemnisations ; et

7. Garantir les droits fondamentaux de leurs citoyens, y compris les droits à la vie et à l'intégrité physique, à la liberté, à l'accès à la justice et à un procès équitable, ainsi que les libertés d'expression, d'association et de réunion, comme indiqué dans les dispositions des articles 4, 6, 7, 9, 10 et 11 de la Charte africaine et d'autres instruments régionaux et internationaux pertinents relatifs aux droits de l'homme.

Fait virtuellement, le 25 février 2021