La Commission africaine des droits de l’homme et des peuples (la Commission), réunie à l’occasion de sa 64ème Session ordinaire, qui s’est tenue du 24 avril au 14 mai 2019 à Sharm el-Sheikh, en République arabe d’Égypte ;
Rappelant son mandat de promotion et de protection des droits de l'homme et des peuples en Afrique en application de la Charte africaine des droits de l'homme et des peuples (la Charte africaine) ;
Consciente des obligations de la République du Mali en tant qu’État membre de l’Union africaine (UA) et partie à la Charte africaine ;
Réaffirmant son engagement en faveur de la promotion de la démocratie en Afrique et reconnaissant que la bonne gouvernance, la transparence et le respect des droits humains sont des principes essentiels qui contribuent à la paix et au développement en Afrique ;
Considérant les dispositions de l’Accord pour la Paix et la Réconciliation de 2015 (Accord d’Alger) qui prévoit entre autres, le respect de l’unité nationale, de l’intégrité territoriale et de la souveraineté de l’Etat du Mali ; la reconnaissance et la promotion de la diversité culturelle et linguistique ; le rejet de la violence comme moyen d’expression politique et le recours au dialogue et à la concertation pour le règlement des différends ainsi que le respect des droits de l’homme, de la dignité humaine et des libertés fondamentales et religieuses;
Considérant en outre les résolutions et les rapports du Secrétaire Général des Nations Unis sur la situation au Mali, qui soulignent les problèmes rencontrés dans la mise en œuvre de l’Accord d’Alger ;
Rappelant ses précédentes résolutions sur la situation des droits de l’homme dans le nord du Mali, les décisions pertinentes du Conseil de paix et de sécurité de l’Union Africaine (UA) et de la Communauté Economique des Etats de l'Afrique de l'Ouest (CEDEAO) sur le Mali ;
Rappelant en outre ses communiqués de presse du 12 juillet 2014 et 26 mars 2019 respectivement sur la situation socio politique et sécuritaire au Mali et sur la tragédie survenue au Mali, dans la localité de Ogossagou, Cercle de Bankass, Région de Mopti;
Gardant à l’esprit l’article 23 de la Charte africaine, qui garantit le droit de tous les peuples à la paix et à la sécurité nationales et internationales ;
Réaffirmant les articles 2, 3, 4, 5, 6, 12, 16 et 18 de la Charte africaine, qui garantissent le droit d’être protégé de la discrimination, le droit à l’égale protection de la loi, le droit à la vie, le droit de ne pas être soumis à la torture et autres mauvais traitements, le droit à la liberté et à la sécurité, le droit à la liberté de circulation, le droit au meilleur état de santé physique et mentale possible et la protection des personnes vulnérables ;
Préoccupée par les différentes tueries intercommunautaires ayant eu cours, particulièrement celle de Mars 2019, de plus d’une centaine de personnes, toutes de l’ethnie Peul, comprenant des femmes enceintes tuées par éventration, des enfants et de notables âgés, exécutés à la machette, dans la localité d’Ogossagou, région de Mopti;
Interpellée, par l’accroissement du nombre des personnes déplacées internes créant une crise humanitaire, mais aussi de réfugiés maliens dans les pays limitrophes suite aux différentes tueries ;
Également préoccupée par les nombreuses grèves sectorielles, notamment des magistrats, des syndicats d’enseignants et de l’association des élèves et étudiants en vue de réclamer l’amélioration des conditions sociales et économiques depuis novembre 2018;
Profondément préoccupée par la fragilité de la situation socio-politique actuelle au Mali ;
La Commission :
1. Salue l’accord politique signé le 2 mai 2019 entre le président malien et les partis d’opposition , ainsi que la volonté affichée des autorités maliennes à mettre en œuvre l’accord de 2015 ;
2. Condamne la détérioration de la situation sécuritaire, humanitaire et socio politique au Mali;
3. Demande aux autorités maliennes de diligenter des enquêtes impartiales avec tous les moyens adéquats, en vue d’identifier les auteurs et complices de ce massacre et de toutes autres violations des droits de l’homme perpétrées sur les populations civiles, afin de les traduire devant les tribunaux et de les juger conformément aux lois en vigueur ;
4. Exhorte les autorités maliennes de mettre en œuvre la recommandation du Conseil de sécurité qui encourage le Mali à adopter une feuille de route révisée pour parachever l’application de l’Accord pour la paix et la réconciliation d’Alger de 2015 ;
5. Encourage toutes les initiatives locales, nationales et internationales visant à restaurer la sécurité, la paix, l’unité inter- ethnique ainsi que le respect du vivre ensemble dans les localités et communes éplorées; et
6. Réitère son intention d’effectuer une Mission d’Etablissement des faits au Mali et demande aux autorités compétentes de lui accorder l’autorisation nécessaire à cet effet.
Fait à Sharm el-Sheikh, République arabe d’Égypte, le 14 mai 2019