Communiqué de presse sur l’expulsion de migrants africains et non-africains par les Etats-Unis d’Amérique vers des Etats africains

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Communiqué de presse sur l’expulsion de migrants africains et non-africains par les Etats-Unis d’Amérique vers des Etats africains

 

La Commission africaine des droits de l’homme et des peuples (la Commission) suit avec préoccupation les informations relatives à la conclusion d’accords bilatéraux ou la négociation d’autres entre le gouvernement des États-Unis d’Amérique et certains États africains. Ces accords auraient pour objet l’expulsion de migrants en situation irrégulière, de diverses nationalités, du territoire américain vers des pays africains, dont certains sont qualifiés de « non sûrs » car incapables d’assurer une protection adéquate aux personnes concernées.

La Commission a notamment été informée de l’expulsion, sur le fondement de l’Alien Enemies Act, de migrants africains et non africains vers la République du Soudan du Sud[1] et le Royaume d’Eswatini[2], en vertu d’accords bilatéraux conclus avec les États-Unis, à la suite du refus de leurs pays d’origine de les réadmettre. Ces migrants seraient actuellement détenus dans ces deux États, en transit, dans l’attente de leur rapatriement vers leurs pays d’origine en coopération avec l’Organisation internationale pour les migrations (OIM), mais sans calendrier défini.

La Commission africaine exprime son inquiétude quant aux conséquences de tels accords, qui reviennent à une “délégation de la détention”, et à leurs impacts sur les droits fondamentaux des migrants. Elle note en particulier que nombre d’entre eux n’auraient pas été informés de leur expulsion vers un pays tiers et n’auraient pas eu accès à une procédure judiciaire leur permettant d’assurer leur défense.

La Commission relève également le manque de transparence entourant ces accords qui ne sont pas publiés. Ce déficit d’information empêche d’évaluer les conditions d’accueil et de détention des migrants dans les États africains concernés, ainsi que les garanties réelles de protection contre la persécution, la torture, les mauvais traitements ou encore l’accès effectif à un procès équitable.

Tout en reconnaissant et en respectant la souveraineté des États africains dans la gestion de l’accès et du séjour des étrangers sur leurs territoires, la Commission africaine rappelle que ces accords doivent être conformes à la Charte africaine des droits de l’homme et des peuples (Charte africaine), ainsi qu’aux standards internationaux applicables en la matière.

La Commission est en effet préoccupée par les sérieuses interrogations que soulèvent ces accord au regard notamment de leur respect du droit d’asile, du  principe de non-refoulement,de l’interdiction des expulsions collectives, tels que garantis par l’article 12 de la Charte africaine, ainsi que des garanties de conditions de détention respectueuses de la dignité humaine.

La Commission rappelle en outre aux États africains leurs engagements internationaux et régionaux en matière de protection des droits des migrants, quels que soient leur origine et leur statut migratoire, qui découlent notamment de la Charte africaine et des “Principes directeurs africains relatifs aux droits de l’homme de tous les migrants, réfugiés et demandeurs d’asile”[3].

En conséquence, la Commission souligne que les droits fondamentaux des migrants doivent être garantis en toutes circonstances, y compris dans le cadre d’accords conclus avec des États non africains, et invite les gouvernements concernés à veiller à ce que de tels accords ne créent aucun risque de violation des droits des personnes expulsées.

Honorable Commissaire Selma SASSI-SAFER

Rapporteure spéciale sur les Réfugiés, les Demandeurs d’asile, les Personnes Déplacées Internes et les Migrants en Afrique

 

Fait à Banjul, le 31 juillet 2025.