La Rapporteure Spéciale sur les défenseurs des droits de l’homme en Afrique, Madame Reine Alapini-Gansou, la Rapporteure Spéciale sur la liberté d’expression et l’accès à l’information en Afrique, Madame Faith Pansy Tlakula de la Commission africaine des droits de l’homme et des peuples, et le Rapporteur Spécial des Nations Unies sur la situation des défenseurs des droits de l’homme, M. Michel Forst expriment leur profonde préoccupation suite aux lourdes peines prononcées contre les défenseures des droits de l’homme Sanaa Seif, Yara Sallam et 21 co-accusés, cedimanche 26 octobre 2014 par le Tribunal Correctionnel de Héliopolis en Egypte. Ils auraient fait appel de cette décision.
Le verdict rendu par ce Tribunal condamnant les 23 activistes à trois ans de prison ferme, une peine additionnelle de trois années de libération conditionnelle et une amende de plus de 10.000 livres égyptiens pour leur participation à une manifestation le 21 juin 2014, fait entorse aux dispositions de l’article 12 de la Déclaration des Nations Unies sur les Défenseurs des Droits de l’Homme de 1998 qui dispose que : « …chacun a le droit, individuellement ou en association avec d'autres, d'être efficacement protégé par la législation nationale quand il réagit par des moyens pacifiques contre des activités et actes, y compris ceux résultant d'omissions, imputables à l'État et ayant entraîné des violations des droits de l'homme et des libertés fondamentales .»
En effet, cette manifestation avait pour but de soutenir une demande citoyenne pour l’abrogation de la loi 107 de 2013 sur les manifestations et la libération des personnes détenues en vertu de cette loi. De sources fiables, ont fait état de graves vices de procédure dans la conduite de ce procès et lors de l’arrestation de certains manifestants qui exerçaient leur droit légitime à manifester reconnu par la Constitution de la République Arabe d’Egypte.
En plus d’une détention préventive prolongée au-delà des délais prévus par la loi. Il a été également rapporté que des lacunes flagrantes dans les rapports de police auraient été ignorées par les juges. Ces rapports ainsi que les images audiovisuelles présentés par le procureur, n’auraient fournies aucunes preuves concrètes pouvant incriminer les défenseures et leurs co-accusés; de même ces images ne soutiendraient pas le rapport de police faisant état de l’utilisation d’armes par les manifestants. En outre, l’accès aux salles d’audience, auraient été refusé à plusieurs reprises aux membres des familles des accusés.
Les Rapporteurs notent à cet égard que la République Arabe d’Egypte a fortement manqué à ses obligations à garantir les libertés fondamentales de ses citoyens, découlant de sa nouvelle Constitution de 2014 et de ses engagements régionaux et internationaux en matière des droits de l’homme.
Les Rapporteurs déplorent la défaillance de la République Arabe d’Egypte à adopter des mesures adéquates pour se conformer aux normes et standards internationaux et les instruments régionaux tels que prévu par l’Article 1 de la Charte africaine des droits de l’homme et des peuples ( la Charte africaine).
Les Rapporteurs dénoncent la répression contre les défenseurs des droits de l’homme, ainsi que l’emprisonnement des leaders du Mouvement du 6 avril en Egypte et rappellent aux autorités égyptiennes que les faits ci-dessus cités violent la Charte africaine des droits de l'homme et des peuples en ses dispositions pertinentes notamment en en ses articles 6 , 7 , 9 et 11. À cet égard, les Rapporteurs tiennent aussi à réitérer les dispositions du Principe II (1) de la Déclaration de Principes sur la Liberté d'Expression en Afrique (la Déclaration) qui stipule que «nul ne peut faire l'objet d'immixtions arbitraires dans sa la liberté d'expression »
Les Rapporteurs demandent aux autorités égyptiennes de prendre toutes les mesures idoines pour se conformer aux dispositions de la Déclaration des Nations Unies sur les défenseurs des droits de l’homme, des Déclarations de Kigali et de Grand Bay et de la Déclaration de principes sur la liberté d’expression en Afrique.
Les Rapporteurs demandent aux autorités égyptiennes de libérer toutes les personnes arrêtées dans le cadre de ces manifestations pacifiques et de respecter les droits garantis par les instruments internationaux et la Charte africaine des droits de l’homme et des peuples, notamment en ce qui concerne le droit à tout individu à un procès juste et équitable.
Les Rapporteurs encouragent toutes mesures qui seront prises par les autorités égyptiennes afin de promouvoir et protéger les droits de l’homme en Egypte.
Enfin, les Rapporteurs restent disposées à accompagner des autorités égyptiennes dans leur quête des solutions adéquates et rassurantes pour l’exercice des activités de défense des droits de l’homme dans un environnement sain, sécurisé et exempt de toute forme de représailles.
Fait à
Banjul,
Genève, le 03 novembre 2014