Sur invitation du Gouvernement de la République du Tchad, une délégation de la Commission africaine des droits de l’homme et des peuples (la Commission) a effectué une mission conjointe de promotion des droits de l’homme en République du Tchad du 11 au 19 mars 2013. Cette mission s’inscrit dans le cadre de la mise en œuvre du mandat de promotion de la Commission tel que prévu par l’article 45 de la Charte africaine des droits de I ‘homme et des peuples (la Charte africaine).
La délégation de la Commission était composée de :
- L’Honorable Commissaire Béchir Khalfallah, Président du Groupe de travail sur les droits économiques, sociaux et culturels, Commissaire en charge de la promotion des droits de l’homme au Tchad et Chef de la délégation ;
- L’Honorable Commissaire Reine Alapini-Gansou, Rapporteure Spéciale sur les Défenseurs des Droits de l’Homme en Afrique;
- L’Honorable Commissaire Med Kaggwa, Rapporteur Spécial sur les prisons et les conditions de détention en Afrique et de ;
- L’Honorable Commissaire Maya Sahli-Fadel, Rapporteure Spéciale sur les réfugiés, les demandeurs d’asile, les personnes déplacées et les Migrants en Afrique.
Les membres de la Commission étaient accompagnés par Mme Anita Bagona et M. Charles Beautrel Nguena, Juristes au Secrétariat de la Commission.
Les objectifs de la mission étaient principalement de:
- Faire un état de la situation des droits de l’homme au Tchad et relever les avancées faites et identifier les défis qui restent à relever ;
- Renforcer les relations entre la Commission et le Gouvernement de la République du Tchad en matière de promotion et de protection des droits garantis par la Charte africaine et les autres instruments juridiques régionaux et internationaux pertinents ;
- Engager le dialogue avec le Gouvernement tchadien et d’autres parties prenantes sur toutes les mesures législatives et autres décisions prises pour donner plein effet aux dispositions de la Charte africaine, des Protocoles y afférent et d’autres instruments ratifiés par la République du Tchad ;
- Promouvoir la Charte africaine et tous les autres instruments juridiques régionaux et internationaux relatifs aux droits de l’homme ;
- Visiter les prisons et les centres de détention afin de prendre connaissance des conditions carcérales au Tchad ;
- Rendre visite aux réfugiés et personnes déplacées internes résidants dans des camps afin de recueillir des informations sur leur situation.
Au cours de cette mission, la délégation a eu des échanges fructueux avec les membres du Gouvernement tchadien, au premier rang desquels le Premier Ministre, S.E.M. Joseph Djimrangar Dadnadji, le Président et les Représentants des Groupes Parlementaires de l’Assemblée Nationale. Elle a également rencontré les représentants de certaines Agences du Système des Nations Unies (le Programme des Nations Unies pour le Développement et le Haut Commissariat des Nations Unies pour les Réfugiés). Elle a en outre eu des rencontres avec les membres de la Commission nationale des droits de l’homme, les représentants des organisations de la société civile et le Comité International de la Croix Rouge.
La délégation a également effectué une visite à l’intérieur du pays où elle s’est rendue dans les prisons de Kelo et de Doba.
La Commission présentera un rapport circonstancié sur le déroulement de la mission, ainsi que les échanges qui en ont résulté. Elle formulera à cette occasion des recommandations subséquentes à l’endroit de tous les acteurs rencontrés.
Mais d’ores et déjà, les membres de la délégation remercient les autorités tchadiennes pour avoir invité la Commission à effectuer cette visite de promotion des droits de l’homme. Ils les félicitent pour leur volonté politique d’instaurer une culture de promotion et de protection des droits de l’homme au Tchad.
Ainsi, la délégation salue la création par les autorités tchadiennes d’un ministère exclusivement chargé des questions des droits de l’homme.
La délégation prend note des mesures prises pour renforcer le secteur de la santé notamment la prise en charge gratuite des soins de santé pour les enfants de moins de 5 ans et les femmes enceintes.
La délégation se réjouit de la ratification par la République du Tchad d’un nombre important d’instruments juridiques régionaux et internationaux relatifs aux droits de l’homme.
La délégation salue également la bonne collaboration qui existe entre les autorités tchadiennes et le HCR concernant la protection et l’assistance des réfugiés résidant au Tchad.
La délégation se félicite des actions entreprises par les autorités tchadiennes afin d’éradiquer l’enrôlement des enfants dans les forces et groupes armés.
La délégation salue le dynamisme et la motivation des organisations de la société civile tchadienne qui, malgré les difficultés dont elles font face, souhaitent avoir un dialogue constructif avec les autorités compétentes.
La délégation prend acte des différentes réformes en cours en vue d’améliorer le système judiciaire tchadien. Elle souhaite que le Pouvoir exécutif accélère le dépôt de ces projets auprès du législateur.
La délégation relève cependant quelques préoccupations notamment :
- le taux élevé d’analphabétisme et de sous-scolarisation de la population notamment celle des filles et femmes dans le pays.
- la faible implication des femmes tchadiennes à la gestion des affaires publiques et la persistance des coutumes et pratiques religieuses portant atteinte aux droits de ces dernières.
- la situation des prisonniers de N’Djamena qui ont été transférés loin de leurs familles à Kelo et à Moussoro, limitant ainsi leur contact avec leurs familles.
- les conditions de travail de la Commission nationale des droits de l’homme et les lenteurs accusées par le Gouvernement pour la rendre conforme aux Principes de Paris.
- le retard qu’accuse la République du Tchad dans la soumission de ses rapports périodiques à la Commission conformément à l’article 62 de la Charte africaine.
En conséquence, la délégation encourage les autorités tchadiennes à prendre davantage de mesures incitatives pour faciliter la scolarisation de la population et lutter contre l’analphabétisme.
La délégation exhorte le Gouvernement tchadien à appliquer la politique des quotas afin de faciliter l’intégration des femmes dans la gestion des affaires publiques.
La délégation invite le Gouvernement tchadien à prendre, dans les meilleurs délais, des mesures fortes en vue de résoudre le problème d’infrastructures carcérales qui se pose dans la ville de N’Djamena.
La délégation encourage le Gouvernement tchadien à accélérer le processus de réforme de la législation et adopter rapidement les projets de codes et lois en cours pour une meilleure promotion et protection des droits de l’homme au Tchad.
La délégation exhorte en outre le Gouvernement tchadien à réformer la Commission nationale des droits de l’homme et à la doter des moyens matériels et financiers en vue de garantir son indépendance et lui permettre de mener à bien sa mission conformément aux Principes de Paris.
La Délégation invite le Gouvernement tchadien à se conformer à l’article 62 de la Charte africaine en soumettant son rapport périodique sur les mesures prises en vue de mettre en œuvre les droits et libertés garantis par la Charte africaine.
La délégation exhorte le Gouvernement Tchadien à prendre les mesures nécessaires en vue de la promotion et de la protection des défenseurs des droits de l’homme, et à engager un processus d’adoption d’une loi sur la protection des défenseurs des droits de l’homme.
A la Communauté internationale, la délégation recommande de continuer d’apporter son soutien aux efforts du Gouvernement Tchadien et de la société civile dans la promotion et la protection des droits humains.
Fait à N’Djamena, le 19 mars 2013