JOURNÉE MONDIALE DE LA LIBERTÉ DE LA PRESSE

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JOURNÉE MONDIALE DE LA LIBERTÉ DE LA PRESSE
03 mai 2025

La Commission africaine des droits de l'homme et des peuples (la Commission) se joint à la communauté internationale pour commémorer la Journée mondiale de la liberté de la presse 2025.

La liberté de la presse est considérée comme un pilier essentiel de la démocratie, la presse étant souvent qualifiée de chien de garde de l'intérêt public. Cela est fortement reconnu dans la Déclaration de Windhoek de 1991, qui a convaincu les Nations Unies de consacrer cette journée à la défense et à l'approfondissement de la liberté de la presse. 

Pour étayer ce point, la Cour constitutionnelle sud-africaine a souligné l’importance cruciale des médias et a statué comme suit:

« Dans une société démocratique, les médias de masse jouent un rôle indéniablement essentiel. Ils ont la responsabilité de fournir aux citoyens non seulement des informations, mais aussi une plateforme d'échange d'idées, éléments cruciaux pour le développement d'une culture démocratique. En tant qu'acteurs principaux dans la diffusion de l'information et des idées, ils se révèlent être des institutions extrêmement puissantes au sein d'une démocratie, et ont le devoir constitutionnel d'agir avec détermination, courage, intégrité et responsabilité. Les échanges d'idées concernant les questions publiques et politiques entre citoyens, candidats et élus sont fondamentaux. Cela nécessite l'existence d'une presse libre et d'autres médias capables d'aborder les enjeux publics sans censure ni restriction, afin d'informer efficacement l'opinion publique. De plus, le public a le droit d'accéder à des productions médiatiques diversifiées et de qualité. [ Liberté d'expression : plaider en cas de limitations à l'exercice de la liberté de parole et d'opinion », Centre de contentieux d'Afrique australe et Media Legal Defence Initiative, 2016 ]

C'est dans cet esprit que le 3 mai est célébré chaque année, rappelant les principes fondamentaux de la liberté de la presse. Cette journée est l'occasion d'évaluer dans quelle mesure cette liberté est promue, protégée et garantie, tout en condamnant les attaques visant les médias,  en ligne et hors ligne.

C'est dans cet esprit que le 3 mai est célébré chaque année, en mettant en lumière les principes fondamentaux de la liberté de la presse. Cette journée offre l'opportunité d'évaluer dans quelle mesure cette liberté est promue, protégée et garantie, tout en condamnant les attaques dirigées contre les médias, tant en ligne qu'hors ligne.

De plus, la Commission a à plusieurs reprises dénoncé les violations perpétrées à l'encontre des médias, notamment le harcèlement et les menaces, tant en ligne qu’hors ligne. Elle a particulièrement souligné les atteintes subies par les journalistes, en particulier les femmes, ainsi que les arrestations de journalistes sans justification appropriée, souvent sans accusations valables ou sous le prétexte de fausses accusations. Les restrictions et la fermeture des maisons de presse font également partie des préoccupations soulevées, entre autres.  [ La Charte africaine des droits de l'homme et des peuples : un commentaire », Rachel Murray, Oxford University Press, 2019, p. 267, 268 ]

La Commission a également souligné le rôle essentiel des médias dans la promotion de la libre circulation de l'information et des idées, aidant ainsi les populations à prendre des décisions éclairées et à renforcer la démocratie, notamment dans les contextes de conflit et durant les périodes électorales. Elle a pris conscience de l'importance des médias audiovisuels, en raison de leur capacité à atteindre un large public grâce au faible coût de la réception des transmissions et à leur aptitude à surmonter les obstacles liés à l'analphabétisme». [  Id ]

La Commission déplore les récentes informations faisant état de violations de la liberté de la presse, notamment l'arrestation, la détention et la condamnation de journalistes sur la base de lois peu défendables dans un État démocratique, qui ne respectent pas le droit international relatif aux droits de l'homme et les normes internationales. Elle condamne également l'interdiction ou le retrait des licences d'exploitation des organes de presse et des associations de journalistes. De plus, on observe une augmentation extrêmement préoccupante des cas d'enlèvements et de disparitions forcées de journalistes et de professionnels des médias, souvent attribués à des membres de l'armée ou des services de renseignement. Ces violations laissent les familles et les proches des victimes dans l'incertitude totale, sans aucune information sur l'état ou le lieu où se trouve la personne enlevée. 

En cette journée, la Commission saisit l'occasion pour condamner toutes ces attaques et d'autres violations dirigées contre les médias, qui constituent des violations de l'article 9 de la Charte africaine des droits de l'homme et des peuples. Elle réitère la responsabilité des États parties de « prendre des mesures juridiques et autres efficaces pour enquêter, poursuivre et punir les auteurs d'attaques contre des journalistes et d'autres professionnels des médias », tout en veillant à garantir que les victimes aient accès à des recours effectifs ». 

Cette année, la Journée mondiale de la liberté de la presse est axée sur le thème : « Informer dans un monde complexe : l'impact de l'intelligence artificielle sur la liberté de la presse et les médias ». Ce thème prend en considération la prolifération des systèmes d'intelligence artificielle (IA), qui a sans aucun doute joué un rôle transformateur dans le journalisme et les médias, ainsi que dans les communications numériques en général. 

Comme indiqué dans la Stratégie continentale de l'Union africaine en matière d'intelligence artificielle, adoptée par le Conseil exécutif de l'UA en juillet 2024, « l'intelligence artificielle a un grand potentiel pour la transformation socio-économique et la renaissance culturelle de l'Afrique. […] Cependant, ces avantages s'accompagnent de risques et de préjudices liés à l'IA, allant des biais dus à la manière dont les données ont été collectées et formées sur les applications de l'IA, à la discrimination potentielle des femmes et des personnes vulnérables (migrants, enfants, personnes handicapées), au déplacement d'emplois, à l'effet sur les connaissances autochtones et aux problèmes de responsabilité dus au dépassement de certaines opérations humaines par l'IA. Les risques sont aggravés par l'IA générative, qui comprend la désinformation, la violation de la confidentialité des données, la surveillance et les violations des droits d'auteur.  [ Stratégie continentale en matière d'intelligence artificielle - Exploiter l'IA pour le développement et la prospérité de l'Afrique », Union africaine, juillet 2024 ]

La Stratégie continentale en matière d'IA note en outre ce qui suit : « Alors que l'Afrique adopte cette technologie révolutionnaire et très perturbatrice, il est nécessaire de garantir l'intégrité de l'information et de maintenir la confiance dans l'utilisation des systèmes et des plateformes d'IA. L'utilisation responsable et éthique de l'IA devrait également couvrir l'éducation aux médias et à l'information qui stimule la pensée critique, l'apprentissage tout au long de la vie, la citoyenneté mondiale, la liberté et l'autonomie, ainsi que les compétences culturelles. [ Paragraphe 2.4.3.4 Intégrité de l'information, médias et éducation à l'information (MLI), Stratégie continentale d'intelligence artificielle de l'UA ]

Il est également utile d'examiner la Déclaration de principes sur la liberté d'expression et l'accès à l'information en Afrique (2019), adoptée par la Commission en novembre 2019 pour donner effet à l'article 9 de la Charte africaine, qui « reconnaît le rôle des nouvelles technologies numériques dans la réalisation des droits à la liberté d'expression et à l'accès à l'information, » et « reconnaît en outre que l'exercice des droits à la liberté d'expression et à l'accès à l'information par l'intermédiaire de l'internet est essentiel à la jouissance d'autres droits et essentiel à la réduction de la fracture numérique ».

À l'occasion de la célébration de la Journée mondiale de la liberté de la presse cette année, la Commission saisit l'occasion pour souligner l'importance cruciale de la liberté de la presse, compte tenu du rôle essentiel que jouent les médias dans la société. Tout en reconnaissant l'influence potentielle de l'intelligence artificielle (IA) sur le travail des médias et sa capacité à permettre aux journalistes de traiter efficacement de grandes quantités de données et de créer du contenu de manière plus productive, la Commission encourage les professionnels des médias à adopter une approche éthique dans l'utilisation des systèmes d'IA au sein de leurs opérations. Elle les exhorte également à agir en tant qu'organes de surveillance, veillant à rendre compte des risques sociétaux ainsi que des opportunités que présente l'IA. 

En outre, comme le stipule la résolution 630 de la Commission concernant l'élaboration de lignes directrices pour aider les États dans la surveillance des entreprises technologiques et leur devoir de maintenir l'intégrité de l'information par le biais d'une vérification indépendante des faits, il est essentiel que les systèmes d'intelligence artificielle (IA) soient correctement formés pour prendre en compte les langues africaines. Par ailleurs, les plateformes numériques et leurs services d'IA associés doivent être neutres et veiller à préserver l'intégrité de leurs informations.

La Commission encourage également les États parties à élaborer des politiques nationales d'éducation aux médias et à l'information. En outre, elle préconise la création d'un cadre juridique visant à réglementer les plateformes numériques et à protéger les Africains contre l'utilisation abusive des technologies émergentes, conformément aux recommandations de la Stratégie continentale de l'Union Africaine en matière d'intelligence artificielle

À l'occasion de la Journée mondiale de la liberté de la presse 2025, la Commission souhaite souligner que l'intelligence artificielle doit être considérée comme un outil au service de la promotion des droits de l'homme et du renforcement de la liberté de la presse. Elle ne doit en aucun cas être utilisée comme un moyen de compromettre l'intégrité de l'information ou d'aggraver le fossé entre l'Afrique et le reste du monde. 

Commissaire Ourveena Geereesha Topsy-Sonoo
Rapporteure spéciale sur la liberté d'expression et l'accès à l'information en Afrique
Commission africaine des droits de l'homme et des peuples