La Commission africaine des droits de l’homme et des peuples (la Commission) a effectué une mission de promotion en République du Burundi du 18 au 21 mars 2025. Cette mission, la troisième après celles de de mars 2000 et de février 2004, s’inscrit dans le cadre du mandat de promotion de la Commission tel que prévu à l’article 45(1) de la Charte africaine des droits de l’homme et des peuples (la Charte africaine). Les objectifs de la mission étaient entre autres, d’engager un dialogue avec le Gouvernement burundais ainsi que les différentes parties prenantes sur les mesures législatives, institutionnelles et autres prises pour donner effet aux dispositions de la Charte africaine et des autres instruments régulièrement ratifiés par la République du Burundi.
La mission a également été l’occasion de constater les progrès accomplis par le Burundi et les défis qui subsistent, et une opportunité pour sensibiliser sur l’importance de la ratification des différentes conventions des droits de l’homme qui ne le sont pas encore.
La délégation de la Commission était composée de :
- L’Honorable Commissaire Rémy Ngoy Lumbu, Président de la Commission, Rapporteur Spécial sur les Défenseurs des droits de l’homme, Point focal sur les représailles et Point focal sur l’indépendance de la justice en Afrique (Chef de délégation),
- L’Honorable Commissaire Marie Teresa Manuela, Rapporteure Spéciale sur les Prisons, les conditions de détentions et l’action policière en Afrique ;et
- L’Honorable Commissaire Marie Louise Abomo ; Commissaire en charge de la situation des droits de l’homme en République du Burundi et Présidente du Groupe de travail sur les droits des personnes âgées et personnes handicapées en Afrique.
La délégation était assistée sur place par Mme Estelle Nkounkou Ngongo, Conseillère juridique au Secrétariat de la Commission, et en duplex par Mr Bruno Menzan, Conseiller Juridique au même Secrétariat, spécifiquement chargé de l'appui technique au Rapporteur-Pays.
La délégation a débuté sa mission par une visite de courtoisie au Ministère des Affaires Etrangères et de la Coopération au Développement. Elle a également été reçue par le Ministre de la fonction publique et le Secrétaire Permanent du Ministère de la Solidarité Nationale, des Affaires Sociales, des Droits de la Personne Humaine et du Genre.
Au cours de ladite mission, la délégation a eu des échanges et des séances de travail avec quelques acteurs étatiques au niveau ministériel, les structures et les organisations non gouvernementales travaillant sur le terrain, afin de s'assurer que les obligations contenues dans la Charte sont prises en compte par les autorités burundaises.
La délégation a également échangé avec le Président de la Cour Constitutionnelle, le Président de la Cour Suprême, le Procureur Général près ladite Cour, la Direction Générale de la Police, l’Institution de l’Ombudsman, la Commission nationale indépendante des droits de l’homme, l’Office National de Protection des Réfugiés et des Apatrides, le Bâtonnier du Barreau de Bujumbura et les organisations de la société civile.
La délégation a eu une séance de travail avec les experts techniques des différents ministères pour discuter sur les questions pertinentes relatives à la mise en œuvre des droits contenus dans la Charte africaine et elle a visité la prison de Bubanza.
Elle a également eu une séance d’information ouverte à l’attention des étudiants de la faculté de droit de l’Université du Burundi, en présence du Doyen de la Faculté de Droit, représentant le Recteur en mission.
La délégation a été reçue par le Ministre de la Solidarité, Nationale, des Affaires Sociales, des Droits de la Personne Humaine et du Genre afin de discuter des conclusions préliminaires de la mission.
Dans le cadre des progrès réalisés, la délégation a noté, entre autres, l’engagement personnel du Président de la République sur la question des droits de l’homme, l’existence d’un cadre juridique efficace pour la mise en œuvre de la protection des droits de l’homme au Burundi, notamment par l’incorporation directe dans l’ordre juridique national de toutes les Conventions dûment ratifiées par la République du Burundi ( art 19 de la Constitution), le dynamisme de la Cour Constitutionnelle qui a examiné des cas de violations de l’homme avant la promulgation de la loi du 30 décembre 2024, fixant la procédure de sa saisine, la disponibilité de l’Ombudsman de collaborer avec la CADHP dans le domaine de la protection et de promotion des droits de l’homme, les efforts de formation de la police sur les questions des droits de l’homme et droit humanitaire international, la cartographie judiciaire couvrant toutes les subdivisions administratives du pays, de la base au sommet , la gratuité des soins pour les femmes enceintes et les enfants de moins de cinq ans., les efforts déployés pour lutter contre l’apatridie ( le cas des Omanais) et la mise en œuvre d’une stratégie devant aboutir à une couverture médicale universelle.
Elle note également avec satisfaction les programmes développés par les différents ministères qui intègrent une approche basée sur les droits de l’homme, notamment la création d’une banque agricole, une banque pour les jeunes et une autre pour les femmes afin de les assister dans leur autonomisation.
Elle félicite l’Etat pour l’accueil des réfugiés venant en masse de la République démocratique du Congo.
Elle se réjouit de l’engagement des autorités burundaises à ratifier les textes qui ne le sont pas encore et à soumettre auprès de la Commission africaine des droits de l’homme et des peuples, ses rapports périodiques combinés au cours de ce trimestre.
La délégation relève cependant la persistance de plusieurs défis qui entravent la protection effective des droits de l’homme. Il s’agit entre autres de : la vétusté des prisons, l’insuffisance des repas offerts aux détenus, la surpopulation carcérale, les détentions préventives prolongées et la durée de la garde à vue de 7 jours, la non séparation des condamnés et des prévenus en prison ainsi que des détenus militaires et ceux de droits commun, l’absence d’un médecin et d’un service de garde à l’infirmerie de la prison, l’absence de programme d’éducation et des loisirs. Elle note également la difficulté du gouvernement à prendre en charge adéquatement les réfugiés du fait du manque de moyen et de l’incapacité des organisations humanitaires à les assister convenablement du fait des restrictions budgétaires auxquels ils font face.
Un rapport détaillé de la mission sera produit ultérieurement, mais la délégation encourage d'ores et déjà le gouvernement burundais à :
- Renforcer son engagement, ses programmes, plans et politiques en faveur de la promotion et de la protection des droits de l’homme. ;
- Prendre les mesures nécessaires urgentes en vue d’améliorer les conditions carcérales, en assurant aux prisonniers et détenus une alimentation adéquate, réduire la longueur des détentions préventives ;
- Poursuivre l’application des peines alternatives à détention et à l’emprisonnement, comme stipulé dans le code pénal, en l’occurrence le sursis probatoire et/ou les travaux d’intérêt général ;
- Mettre en place un programme de formation pour les agents de l’administration pénitentiaire ;
- Prévoir la construction des nouvelles prisons ;
- Poursuivre les efforts pour l’autonomisation des femmes, et leur représentation dans les instances de prise de décisions ;
- Poursuivre les actions positives à l’endroit de la jeunesse, notamment pour leur autonomisation financière ;
- Mettre un terme au refus d’enregistrement des enfants nés hors mariage ou non reconnus par le père afin d’éviter de les mettre en situation d’apatridie ;
- Ratifier les textes pertinents des droits de l’homme régionaux et internationaux comme il s’y est engagé ;
- Soumettre ses rapports périodiques combinés la Commission africaine des droits de l’homme et des peuples au cours de ce trimestre.
La délégation exprime sa gratitude au gouvernement burundais pour les facilités mises à sa disposition pendant la mission et pour le dialogue constructif avec toutes les parties prenantes.
En particulier, elle exprime sa profonde gratitude à Monsieur le Président de la République son Excellence Evariste Ndayishimiye qui a autorisé cette visite de promotion.
Les remerciements s’adressent également à son Gouvernement, particulièrement au Ministre de la Fonction Publique pour l’audience accordée à la délégation, et au Ministre de la Solidarité, Nationale, des Affaires Sociales, des Droits de la Personne Humaine et du Genre, qui a été le pilier de l'organisation de cette mission, ainsi qu’à ses collaborateurs et aux services du Protocole du Ministère des Affaires Etrangères et de la Coopération au développement.
La mission a été clôturée par une rencontre avec les médias et une conférence de presse.
Fait à Bujumbura le 21 mars 2025