Résolution sur le droit à l'alimentation et à la nutrition en Afrique - CADHP/Rés.431(LXV)2019

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La Commission africaine des droits de l'homme et des peuples (la Commission) réunie à l’occasion de sa 65ème Session ordinaire, qui s’est tenue du 21 octobre au 10 novembre 2019, à Banjul, en Gambie :

Rappelant son mandat de promotion et de protection des droits de l’homme et des peuples en vertu de la Charte africaine des droits de l’homme et des peuples (la Charte africaine) ;

Rappelant que la Charte africaine consacre les droits économiques, sociaux et culturels, notamment en ses articles 14, 15, 16, 17, 18, 21 et 22 ;

Considérant l'article 14 de la Charte africaine des droits et du bien-être de l'enfant qui fait obligation aux États d'assurer une nutrition adéquate aux enfants, mais également de lutter contre les maladies et la malnutrition dans le cadre des soins de santé primaires par l'application de techniques appropriées.

Considérant la Déclaration du Séminaire de Pretoria sur les droits économiques, sociaux et culturels en Afrique , les Principes et lignes directories sur la mise en œuvre des droits économiques, sociaux et culturels dans la Charte africaine, les Directives relatives à la présentation des rapports des États Parties sur les droits économiques, sociaux et culturels dans la Charte africaine des droits de l'homme et des peuples ;

Rappelant la Résolution CADHP/Res. 374 (LX) 2017 de la Commission sur le droit à l'alimentation et l'insécurité alimentaire en Afrique ;

Ayant à l’esprit le fait que, comme le souligne la jurisprudence de la Commission dans l'affaire SERAC & CESR c. Nigeria, le droit à l'alimentation est inhérent au droit à la vie, au droit à la santé et au droit au développement économique, social et culturel, prévus par la Charte africaine ; et que ce droit est réalisé lorsque chacun seul, ou en communauté avec d'autres, a physiquement et économiquement accès à tout moment à une alimentation suffisante ou aux moyens de se la procurer, et est à l’abri de la faim, même en période de catastrophe naturelle ou autre ;

Rappelant que l'insécurité alimentaire est le premier résultat global de crises, de catastrophes naturelles, de chocs climatiques et de conflits prolongés;

Rappelant que dans de nombreux pays africains, l'accaparement des terres et des ressources en eau, ainsi que la privatisation des ressources naturelles entraînent des expulsions forcées, des déplacements massifs, l'insécurité alimentaire et des violations des droits de l’homme ;

Préoccupée par le fait que la malnutrition, qui comprend des conditions telles que la sous-nutrition, les carences ou l'excès en micronutriments, la surcharge pondérale, l'obésité et autres maladies non transmissibles liées à l'alimentation, affecte gravement la santé et le bien-être des individus ;

Préoccupée par le fait que certaines parties de l'Afrique sont accablées par une forte prévalence de la sous-alimentation en raison des problèmes économiques et environnementaux ;

Préoccupée par le fait que la plupart des détenus ne reçoivent pas une nourriture suffisante pour répondre à leurs besoins énergétiques et nutritionnels.

Préoccupée par le fait que l'avènement progressif des organismes génétiquement modifiés comporte des risques qui peuvent menacer la production alimentaire durable et la production d'aliments locaux ;

Reconnaissant que les femmes jouent un rôle crucial dans le maintien et/ou l'amélioration des moyens de subsistance ruraux et le renforcement des communautés rurales, mais qu'elles sont plus susceptibles de vivre dans la pauvreté et d'être touchées par la malnutrition ;

La Commission engage les États parties à :

  1. Prendre les mesures politiques, institutionnelles et législatives pour garantir le plein exercice du droit à l'alimentation, y compris une alimentation accessible en permanence et de qualité qui réponde aux exigences de nutrition et d'acceptabilité culturelle;
  2. Promouvoir et renforcer les plates-formes multi-acteurs au niveau national, avec la participation pleine et entière des petits producteurs de denrées alimentaires, agriculteurs, éleveurs et pêcheurs, pour élaborer, mettre en œuvre et assurer le suivi des politiques visant à la réalisation du droit à l’alimentation et la nutrition ;
  3. Concevoir des politiques et des interventions dans les situations de crise, de conflit et de catastrophes naturelles prolongées propres à protéger les groupes vulnérables, défavorisés et marginalisés afin de leur permettre d’exercer leur droit à l'alimentation et à la nutrition ;
  4. Mettre fin à la pratique de l'accaparement des ressources affectant les communautés agricoles, halieutiques, forestières et pastorales, et à progresser vers une gestion équitable de ces ressources (naturelles, matérielles et financières) en renforçant les droits communautaires, les politiques de partage des avantages, et en adoptant des mesures législatives fortes et contraignantes ;
  5. Veiller à ce que les détenus aient accès à une nourriture suffisante pour leur permettre de jouir pleinement de leurs droits fondamentaux à la santé physique et mentale ;
  6. Encourager la production et la consommation d'aliments locaux et biologiques, notamment en interdisant l'utilisation d'organismes génétiquement modifiés ;
  7. Réglementer strictement l'importation de produits alimentaires étrangers ainsi que la promotion et la commercialisation des aliments industrialisés et hautement transformés.

Fait à Banjul, Gambie, le 10 novembre 2019