La Commission africaine des droits de l’homme et des peuples (la Commission), réunie à l’occasion de sa 62ème Session ordinaire, tenue du 25 avril au 09 mai 2018 à Nouakchott, République Islamique de Mauritanie;
Rappelant son mandat de promotion et de protection des droits de l'homme et des peuples en Afrique en application de l’article 45 de la Charte africaine des droits de l'homme et des peuples (la Charte africaine);
Considérant sa Résolution CADHP/Rés.357(LIX) 2016 sur la situation des droits de l'homme en République du Burundi et les conclusions et recommandations de sa Mission d’établissement des faits effectuée en décembre 2015, notamment la nécessité pour ses mécanismes spéciaux pertinents de continuer à suivre et à enquêter sur les atteintes aux droits de l’homme ;
Saluant les efforts de la Communauté de l’Afrique de l’Est en vue de la résolution de la crise au Burundi, et l’examen du rapport du Facilitateur du dialogue inter-burundais, Monsieur Benjamin Mkapa, lors du 19ème sommet de la Communauté est-africaine, le 23 février 2018 à Kampala, en Ouganda ;
Rappelant la Déclaration du Président du Conseil de sécurité des Nations Unies (S/PRST/2018) en date du 5 avril 2018, exprimant sa préoccupation devant la lenteur du dialogue de paix inter-burundais et demandant à toutes les parties prenantes burundaises, en particulier le Gouvernement du Burundi, à participer activement et sans conditions à ce processus, sur la base de l'Accord d'Arusha et de la Constitution du Burundi;
Préoccupée par la non mise en œuvre des recommandations formulées dans le rapport de la mission d'établissement des faits de la Commission ;
Préoccupée également par les violations continues des droits de l'homme commises en toute impunité ; la poursuite des déplacements forcées des populations, des arrestations et détentions arbitraires, assassinats ciblés, exécutions extrajudiciaires, actes de torture et autres formes de traitements cruels, inhumains et dégradants, disparitions forcées, violences sexuelles, mais également des actes de harcèlement et d’intimidation, commis contre les défenseurs des droits de l'homme, les journalistes et autres professionnels des médias;
Préoccupée en outre par l’impact négatif de la crise sur les populations, notamment, sur le plan sécuritaire, alimentaire et de la santé;
Profondément préoccupée par l'absence totale d'enquêtes indépendantes sur les cas signalés de violations des droits de l'homme et le manque de coopération en faveur d’une enquête internationale indépendante sur les informations faisant état de violations persistantes des droits de l'homme au Burundi;
La Commission :
Exhorte le Gouvernement de la République du Burundi à :
i. Mettre en œuvre les recommandations contenues dans son rapport de mission d’établissements de faits de 2016;
ii. Respecter, protéger et garantir les droits de l'homme et les libertés fondamentales pour tous, conformément à la Constitution du pays et à ses obligations internationales, à adhérer aux principes de l’État de droit ;
iii. Veiller à ce que toute initiative au Burundi, y compris la révision de la Constitution, n’exacerbe la polarisation dans le pays, ni ne compromette les efforts du processus de paix en cours ;
iv. Diligenter des enquêtes transparentes et impartiales à l’endroit des tous les responsables de violations des droits humains, y compris les forces de sécurité et les acteurs violents affiliés aux partis politiques, afin qu’ils soient traduits devant la justice;
v. Mettre un terme aux actes d'intimidation, de représailles et de harcèlement commis contre les défenseurs des droits de l'homme, et libérer les personnes détenues pour avoir exercé leur travail légitime en faveur des droits humains;
vi. Coopérer pleinement avec les mécanismes régionaux et internationaux chargés d'enquêter sur les violations des droits de l'homme dans le pays;
vii. Inviter la Commission à effectuer une mission générale de promotion des droits de l’homme au Burundi en collaboration avec les autorités gouvernementales.
Invite la Communauté d'Afrique de l'Est et le Conseil de paix et de sécurité de l'Union africaine à:
i. Agir d’urgence pour éviter que la révision de la Constitution du Burundi n’engendre une aggravation de la crise et n’entrave le processus de paix;
ii. Prendre toutes mesures utiles pour s'assurer que l’ensemble des parties prenantes, y compris le Gouvernement burundais, participent activement et sans préalable à un dialogue de paix sans exclusion, basé sur le respect des dispositions de l'Accord d'Arusha et de la Constitution burundaise afin de mettre fin à la crise actuelle, dans les meilleurs délais; et
iii. Engager, dans le cadre du processus de paix, des efforts visant à assurer la cessation de toutes les violations des droits de l'homme et exactions, mais également l'inclusion dans le processus de paix de mesures de responsabilisation.
Adoptée lors de la 62ème Session ordinaire de la Commission africaine des droits de l’homme et des peuples tenue à Nouakchott, République Islamique de Mauritanie, du 25 avril au 9 mai 2018