La Commission africaine des Droits de l’Homme et des Peuples (la Commission), réunie en sa 59ème Session ordinaire, à Banjul, République Islamique de Gambie, du 21 octobre au 4 novembre 2016 ;
Rappelant son mandat relatif à la promotion et à la protection des droits de l’homme et des peuples en vertu de la Charte africaine des droits de l’homme et des peuples (la Charte africaine) ;
Gardant à l'esprit les obligations de la République fédérale démocratique d'Éthiopie en tant qu'État membre de l'Union africaine et État Partie à la Charte africaine et à la Charte africaine de la démocratie, des élections et de la gouvernance et aux autres instruments régionaux des droits de l'homme;
Rappelant que l’un des objectifs de l’Union Africaine est de promouvoir et de protéger les droits de l’homme et des peuples conformément à la Charte africaine, mais également de promouvoir les principes et institutions démocratiques, la participation populaire et la bonne gouvernance;
Réaffirmant les dispositions des articles 2, 3, 4, 5, 6, 7, 9, 11, 13 et 19 de la Chartre africaine, qui garantissent le droit d'être protégé contre la discrimination, le droit à l'égale protection de la loi, le droit à la vie, le droit de ne pas être soumis à la torture et aux mauvais traitements, le droit à la liberté de la personne et à la protection contre les arrestations arbitraires, le droit à un procès équitable, le droit à la liberté d'expression et celui de recevoir des informations et le droit à la liberté de réunion, le droit de participer librement à la direction des affaires publiques de son pays et le droit à l'égalité de tous les peuples;
Réaffirmant en outre les normes et principes stipulés dans les Lignes directrices et mesures d'interdiction et de prévention de la torture et des peines ou traitements cruels, inhumains et dégradants en Afrique, les Lignes directrices sur les conditions d'arrestation, de garde à vue et de détention préventive en Afrique, l'Observation générale N° 3 sur la Charte africaine des droits de l'homme et des peuples relative au droit à la vie, la Déclaration de Principes sur la liberté d'expression en Afrique et le Rapport du Groupe d’étude de la Commission africaine des droits de l'homme et des peuples sur la liberté d'association et de réunion en Afrique;
Profondément préoccupée par la détérioration de la situation des droits de l'homme en République fédérale d'Éthiopie suite aux manifestations qui ont débuté en novembre 2015 ;
Préoccupée par l'utilisation d'une force excessive et disproportionnée pour disperser les manifestations, qui a entrainé de nombreux morts et blessés parmi les manifestants, ainsi que l'arrestation arbitraire et le placement en détention de bon nombre d'autres personnes ;
Alarmée par les informations faisant état d'un incendie dans la Prison de Qilinto, à Addis-Abeba, le 4 septembre 2016 qui a occasionné de nombreux morts et blessés parmi les détenus;
Profondément préoccupée par les informations selon lesquelles plus de cinquante-cinq personnes auraient été tuées et plusieurs centaines de blessées résultant d’une bousculade causée par la police qui tentait de disperser des manifestants à l'occasion d'une fête religieuse le 2 octobre 2016;
Préoccupée par les allégations relatives à l'arrestation et au placement en détention de membres de partis de l'opposition, et de défenseurs des droits de l'homme;
Alarmée par les pertes en vies humaines et la destruction de biens résultant des violences perpétrées par certains manifestants;
Préoccupée par la déclaration instaurant l'état d'urgence le 9 octobre 2016, qui limite l’exercice des droits de l’homme et des libertés fondamentales;
Également Préoccupée par les restrictions relatives à la liberté de mouvement et de réunion, à l'accès aux médias et au réseau Internet, ainsi que l’arrestation et la détention arbitraires de plusieurs personnes suite à la déclaration de l'état d'urgence;
Prenant note de la libération de deux mille détenus qui étaient soupçonnés de prendre part à des manifestations ;
La Commission :
1. Condamne la détérioration de la situation des droits de l'homme en République fédérale démocratique d'Éthiopie, en particulier les restrictions injustifiées aux droits de l'homme et libertés fondamentales qui résultent de l'état d'urgence;
2. Invite le Gouvernement de la République fédérale démocratique d'Éthiopie à:
- veiller à ce que les droits de l'homme et les libertés fondamentales, soient respectés et préservés y compris pendant la période de l'état d'urgence ;
- lever l'interdiction de mouvement, de réunions, d'accès aux médias et à Internet;
- assurer le respect de la légalité pour les personnes arrêtées et détenues dans le cadre des manifestations, conformément aux normes régionales et internationales et libérer les personnes arrêtées et détenues sans aucune charge;
- s'abstenir d'utiliser une force excessive et disproportionnée contre les manifestants et, plus généralement, à prendre les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et la sûreté de la population;
- procéder à des enquêtes diligentes et impartiales sur les allégations de violations des droits humains et à s'assurer que les auteurs de ces violations répondent de leurs actes et soient soumis à des sanctions appropriées proportionnelles à la gravité des infractions, conformément aux normes internationales et régionales pertinentes ;
- se conformer à la lettre et à l'esprit de la Charte africaine et des autres instruments régionaux et internationaux des droits de l'homme auxquels il a souscrit et, plus particulièrement, les instruments visés dans la présente Résolution ;
- veiller à ce que les victimes des violations susvisées et leurs familles obtiennent une réparation adéquate et effective, notamment par la restitution, le dédommagement, la réhabilitation, la satisfaction et des garanties de non-répétition ; et
- autoriser la Commission à entreprendre une mission d'établissement des faits en Éthiopie.
3. Engage les manifestants à exercer leurs droits dans le respect de la loi et des droits des autres;
4. Exhorte l’ensemble des acteurs, en particulier les dirigeants et les membres des partis d'opposition, les autres parties prenantes et la population en général à s'abstenir de toute incitation et de tous autres actes de violence.
Fait à Banjul, République Islamique de Gambie, le 4 novembre 2016