Résolution sur le Droit à un Recours et à Réparation pour les Femmes et les Filles Victimes de Violence Sexuelle - CADHP/Res.111(XXXXII)07

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La Commission africaine des droits de l’homme et des peuples (la Commission africaine), réunie en sa 42ème Session ordinaire, tenue du 15 au 28 novembre 2007 à Brazzaville, République du Congo;

Rappelant sa mission de promouvoir les droits de l’homme et des peuples et de veiller à leur protection en Afrique en vertu de la Charte africaine des droits de l’homme et des peuples (la Charte africaine) ;

Gardant à l’esprit le fait que le droit à un recours et à réparation est garanti, notamment par l’article 25 du Protocole à la Charte africaine des droits de l’homme et des peuples relatif aux droits de la femme en Afrique ; à l’article 8 de la Déclaration universelle des droits de l’homme ; à l’article 2 du Pacte international sur les droits civils et politiques ; à l’article 39 de la Convention sur les droits de l’enfant ; et aux articles 68 et 75 des Statuts de Rome de la Cour pénale internationale ;

Déplorant toutes les formes de violence sexuelle à l’égard des femmes et des filles ;

Considérant que le viol en situation de conflits armés a été qualifié de crime contre l’humanité et de crime de guerre dans les statuts du Tribunal pénal international pour l’Ex-Yougoslavie (article 5 (g)), de la Cour pénale internationale (articles 7 et 8) et du Tribunal spécial pour la Sierra Leone (article 2(g)) ; considérant en outre que le Tribunal pénal international pour le Rwanda a qualifié le viol en situation de conflit d’acte de génocide en l’affaire No. ICTR- 96-4-T (sept 1998) et que le Tribunal pénal international pour l’Ex- Yougoslavie a classé le viol parmi les crimes de guerre les plus graves en le définissant comme une violation des Conventions de Genève en l’affaire No.IT-94-1-T (mai 1997) ;

Réaffirmant sa Résolution ACHPR/Res.103 (XXXX)06 sur la situation des femmes en République Démocratique du Congo, adoptée lors de sa 40ème Session ordinaire tenue le 29 novembre 2006, à Banjul, Gambie ;

Rappelant la Résolution 1325 (2000) du Conseil de sécurité des Nations unies sur les femmes, la paix et la sécurité ;

Rappelant également les dispositions de la Quatrième Convention de Genève relative à la protection des personnes civiles en temps de guerre ;

Rappelant en outre la Résolution A/RES/60/147 de l’Assemblée générale des Nations Unies adoptant les « Principes fondamentaux et lignes directives sur le droit à un recours et à réparation des victimes de violations flagrantes du droit international en matière de droits de la personne et de violations graves du droit international humanitaire » en mars 2006 ;

Notant avec préoccupation l'impunité dont jouissent les auteurs et complices de violences sexuelles et soulignant combien une culture de l'impunité constitue une véritable incitation à la perpétration de ces crimes ;

Prenant en considération les obstacles juridiques et pratiques empêchant les victimes de violences sexuelles d'accéder, dans de nombreux pays, à la justice et de faire valoir leurs droits à la vérité, à la justice et à la réparation, dont notamment l’absence de formation des acteurs judiciaires aux questions relatives à la violence sexuelle et le manque d’information sur les services et l’accès à la justice pour les victimes;

Préoccupée par l'ampleur des traumatismes physiques et psychologiques subis par les femmes et filles victimes de violences sexuelles et de la nécessité pour elles de bénéficier de soins de santé adéquat et accessibles, notamment un soutien psychologique;

Saluant l’initiative de la société civile qui énonce, dans la Déclaration de Nairobi sur le droit à un recours et à réparation pour les femmes et les filles victimes de violence sexuelle, qui prévoit des principes directeurs pour la mise en œuvre de programmes efficaces et spécifiques visant la réparation dans les cas de violence sexuelle en situation de conflits ;

Convaincue que la participation des femmes à tous les stades d’élaboration et de mise en œuvre des programmes de réparation est nécessaire pour assurer l’efficacité de ces programmes et pour instaurer une paix durable;

1. CONDAMNE toutes formes de violence sexuelle à l’égard des femmes et des filles;

2. EXHORTE les Etats Parties à la Charte africaine des droits de l'homme et des peuples à:

 

  • criminaliser toutes les formes de violence sexuelle et de s'assurer que leurs auteurs et complices soient traduits en justice devant les juridictions compétentes;
  • former les forces de l'ordre, les forces armées ainsi que tous les acteurs judiciaires sur le droit international humanitaire, les droits de la femme et les droits de l’enfant;
  • identifier les causes et les conséquences des violences sexuelles, et prendre les mesures appropriées pour les prévenir et les éliminer;
  • mener des campagnes de sensibilisation sur les recours existant en cas de violences sexuelles;
  • mettre en place des programmes de réparation efficaces et accessibles qui assurent l'information, la réhabilitation et l'indemnisation des victimes de violences sexuelles;
  • garantir aux victimes de violences sexuelles l’accès à une assistance médicale et psychologique;
  • assurer la participation des femmes à la formulation et à la mise en œuvre des programmes de réparation;
  • ratifier sans réserve et garantir la mise en œuvre du Protocole à la Charte africaine des droits de l’homme et des peuples relatif aux droits de la femme en Afrique, ainsi que la Convention sur l'élimination de toutes les formes de discrimination à l'égard des femmes et son protocole facultatif;
  • ratifier le Protocole relatif à la Charte africaine portant création de la Cour africaine des droits de l'homme et des peuples et faire une déclaration, conformément à l’article 34 (6) de ce Protocole, et aussi ratifier les Statuts de Rome de la Cour pénale internationale.

 

Fait à Brazzaville, République du Congo, le 29 novembre 2007