Règles de création et de fonctionnement des mécanismes spéciaux de la Commission africaine des droits de l’homme et des peuples

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Date of Adoption

Introduction

Le Chapitre VI du Règlement intérieur de 2020 de la Commission africaine des droits de l’homme et des peuples (la Commission) traite de la création et des procédures des Mécanismes spéciaux de la Commission.  

Conformément à l’article 25 du Règlement intérieur, la Commission crée des Mécanismes spéciaux tels que les Rapporteurs spéciaux, les Comités et les Groupes de travail. La Commission détermine le mandat et les termes de référence de chaque Mécanisme spécial, et le Règlement intérieur de la Commission s’applique, mutatis mutandis aux procédures des Mécanismes spéciaux.

Les Comités et Groupes de travail peuvent être mandatés pour travailler sur des questions internes de la Commission (Mécanismes spéciaux internes) ou peuvent traiter des questions spécifiques relatives aux droits de l’homme (Mécanismes spéciaux thématiques).

Les présentes Règles de création et de fonctionnement complètent les dispositions du Règlement intérieur de la Commission et s’appliquent spécifiquement aux Mécanismes spéciaux thématiques.Elles donnent des orientations sur les rôles et responsabilités générales des titulaires de mandat ; la composition, la nomination, la durée et l’exécution du mandat des titulaires de mandat ; et les modalités de fonctionnement des Mécanismes spéciaux.

       I.            Création de Mécanismes spéciaux

1.      Des Mécanismes spéciaux peuvent être créés conformément au paragraphe (1) de l’Article 25 du Règlement intérieur de la Commission. La décision de créer un Mécanisme spécial, les motifs d’une telle décision ainsi que son mandat sont indiqués dans une résolution adoptée par la Commission.

2.      Les Mécanismes spéciaux comptent les Rapporteurs, les Groupes de travail et les Comités

    II.            Rôle et responsabilités générales des Titulaires de mandat

3.      Dans le cadre du domaine thématique identifié et de la résolution portant création d’un Mécanisme spécial, on peut compter parmi les rôles et responsabilités d’ordre général des Titulaires de mandat, ce qui suit :

a.      la recherche, la réception, l’examen et la prise de mesures par rapport aux informations liées au domaine de leur mandat ;

b.      la coopération et le rapprochement des États parties, des institutions nationales des droits de l’homme, des organisations intergouvernementales concernées, des mécanismes régionaux et internationaux et des organisations de la société civile ;

c.       L’établissement de normes et l’élaboration de stratégies pour une meilleure promotion et protection des droits de l’homme et des peuples ; et

d.     la soumission de rapports à chaque Session ordinaire de la Commission.

 III.             Composition des Mécanismes spéciaux

A.    Membres des Comités ou Groupes de travail

4.      Le Bureau d’un Comité ou d’un Groupe de travail est composé d’un(e) Président(e) et d’un(e) Vice-président(e). Seul un membre de la Commission peut être Président(e) d’un Comité ou d’un Groupe de travail.

5.      Le Secrétariat de la Commission assiste les Mécanismes spéciaux.

6.      Les Comités et les Groupes de travail sont composés d’un maximum de huit (8) Membres, dont trois (3) Membres de la Commission, et d’un maximum de cinq (5) Membres Experts.

7.      Une attention particulière est accordée à la représentation géographique, linguistique et du genre dans la composition d’un Mécanisme spécial. Une attention est également accordée à la représentation appropriée des différents systèmes juridiques. 

B.     Nomination des Membres d’un Comité ou d’un Groupe de travail

8.      Un appel public à candidatures est publié en vue du pourvoi du poste de Membre Expert. Les critères spécifiques de la sélection de candidats sont indiqués dans l’appel à candidatures.

9.      Les personnes qualifiées peuvent postuler ou être nommées au poste de Membre Expert.

10.  Les Membres Experts d’un Comité ou d’un Groupe de travail doivent posséder des qualifications et une expérience avérées du domaine thématique d’un Mécanisme spécial.

11.  Seuls les ressortissants d’un État partie à la Charte africaine peuvent être nommés Membres Experts.

12.  Les candidats au poste de Membre Expert sont proposés par les Commissaires membres d’un Mécanisme spécial et approuvés par une résolution de la Commission.

C.     Mandat des Membres

13.  Les Membres Experts ont un mandat de deux ans, renouvelable deux fois. Cette règle ne s’applique pas rétroactivement.

 IV.            Code de conduite des Titulaires de mandat

14.  Les Membres doivent :

a.      agir en toute indépendance et ne pas rechercher ou accepter des instructions d’une entité gouvernementale ou non gouvernementale, ou de tout individu, dans l’exécution de leur mandat ;

b.      exercer leurs fonctions conformément à leur mandat et dans le respect des présentes Procédures opérationnelles standards ;

c.       appliquer les normes les plus élevées d’efficience, de compétence, d’intégrité, d’impartialité, d’équité, d’honnêteté et de bonne foi ;

d.     garder à l’esprit, dans l’exercice de leurs fonctions, le mandat de la Commission qui est de promouvoir et de protéger les droits de l’homme et des peuples en Afrique ;

e.      s’engager pleinement à réaliser le mandat du Mécanisme spécial en investissant leur expertise et leur temps ;

f.        s’abstenir d’utiliser leur fonctions ou leurs connaissances acquises dans leurs fonctions à des fins privées, financières ou autre ou au profit et/ou au détriment d’un membre de leur famille, d’un associé proche ou d’un tiers ; et

g.      renoncer à tout honneur, décoration, faveur, cadeau ou rémunération de source gouvernementale ou non gouvernementale pour des activités menées dans le cadre de l’exercice de leur mandat, si cela semble remettre en cause leur intégrité ou leur relation avec l’entité qui leur offre le cadeau.

15.  Les Membres d’un Mécanisme spécial doivent divulguer tout intérêt susceptible d’être considéré comme étant en conflit avec leur mandat.

16.  Tout manquement au Code de conduite peut donner lieu à une notification du Bureau du Mécanisme spécial et, s’il n’est pas traité, peut entraîner la dénonciation prématurée ou le non-renouvellement du mandat du Membre concerné.

    V.            Modalités de fonctionnement des Mécanismes spéciaux

A.    Mesures en cas d’allégations

17.  Les Mécanismes spéciaux doivent prendre en considération toutes les sources d’information disponibles qu’ils jugent crédibles et pertinentes, notamment les informations émanant des gouvernements, des organisations intergouvernementales, des organisations non-gouvernementales nationales et internationales, des institutions nationales des droits de l’homme, des victimes de violations présumées des droits de l’homme, des familles des victimes et des témoins. Les Mécanismes spéciaux vérifient systématiquement, dans toute la mesure du possible, les informations reçues.

18.  Compte tenu du caractère sensible des questions soulevées, les Mécanismes spéciaux doivent s’appuyer sur des faits objectifs et fiables fondés sur des normes de preuve appropriées. En outre, les représentants des Gouvernements auront la possibilité de formuler des observations sur les allégations faites à leur encontre.

19.  Les informations soumises par les Mécanismes spéciaux alléguant de violations doivent être présentées sous forme écrite, imprimée ou électronique et mentionner l’identité et l’adresse de l’expéditeur ainsi que des détails complets sur l’incident ou la situation dont il s’agit.

20.  La décision de prendre des mesures par rapport aux informations reçues ou à une situation donnée, s’exerce à la lumière du mandat dont est investi le Mécanisme, de la fiabilité de la source, de la crédibilité de l’information reçue et des détails fournis.

21.  Les Mécanismes spéciaux sont encouragés à mener des actions conjointes, chaque fois que de besoin.

22.  Toute mesure faisant suite à des informations doit être expressément autorisée par le/les Mécanisme(s) spécial/spéciaux compétent(s).

23.  A moins que cela ne soit nécessaire, les Mécanismes spéciaux, ne révèlent pas leurs sources d’informations afin de les protéger contre toutes représailles ou mesures de rétorsion. 

24.  Le texte de toutes les communications adressées aux États et les réponses reçues sont confidentiels tant qu’ils n’ont pas été rendus publics dans le rapport d’intersession pertinent des Mécanismes spéciaux. Cependant, les informations générales relatives à la transmission d’une correspondance concernant une question peuvent être publiées sur le site web de la Commission.

Appels urgents

25.  Les mécanismes spéciaux peuvent lancer des appels urgents en réponse à des situations d’urgence

26.  Les Mécanismes spéciaux lancent des appels urgents pour communiquer des informations dans les cas où la/les violation(s) alléguée(s) revêt(ent) un caractère urgent ou cause(nt) aux victimes des dommages imminents ou continus de nature grave.

27.  Les appels urgents cherchent à prévenir tout dommage irréparable à la victime ou aux victimes en sollicitant l’intervention des autorités étatiques pour mettre un terme à la violation ou la prévenir.

28.  Les appels urgents demandent généralement à l’État de fournir une réponse circonstanciée dans un délai raisonnable, et les réponses sont reflétées dans les rapports d’activités des Mécanismes spéciaux. 

Lettres de Préoccupation

29.  Les Mécanismes spéciaux utilisent des lettres de préoccupation pour communiquer des informations sur des violations qui auraient déjà eu lieu et dans des situations où les appels urgents ne s’appliquent pas.

30.  Les lettres de préoccupation demandent généralement aux États de fournir une réponse détaillée dans un délai de trente (30) jours.

 

 

Lettres de Remerciement

31.  Suite à la réception d’informations sur des faits nouveaux positifs, un Mécanisme spécial peut adresser une lettre de remerciement pour transmettre ses félicitations et manifester son appui à ces faits nouveaux positifs. Des lettres de remerciement peuvent aussi être adressées pour saluer la mise en œuvre de recommandations visant  à remédier aux violations, comme demandé dans les appels urgents ou les lettres de préoccupation.

Déclaration publique ou Communiqué de presse

32.  Dans certaines situations, notamment celles qui suscitent de graves préoccupations ou dans lesquelles un État n’a pas fourni une réponse détaillée à plusieurs appels urgents ou lettres de préoccupation, un Mécanisme spécial peut publier un communiqué de presse ou une autre déclaration publique, individuellement ou conjointement avec d’autres Mécanismes spéciaux ou un Rapporteur de pays. 

Résolutions

33.  Un Mécanisme spécial peut prendre l’initiative d’élaborer un projet de résolution concernant des questions relevant de son mandat et de le soumettre à la Commission pour examen. Lorsque la résolution concerne une situation dans un pays spécifique, le Mécanisme spécial se met en rapport avec le Rapporteur du pays concerné.

B.     Rapports périodiques des États

34.  Les Mécanismes spéciaux dialoguent avec les États relativement aux  domaines de leur mandat lors de l’examen des rapports périodiques des État.

C.    Visites de pays

35.  Les Mécanismes spéciaux peuvent effectuer des visites dans les pays, y compris des visites de promotion, des visites de protection, des visites d’information et  des visites de plaidoyer.

36.  Ces visites offrent aux Mécanismes spéciaux l’occasion de dialoguer avec diverses parties prenantes dans un pays, d’évaluer la situation réelle des droits de l’homme dans un pays et de formuler des recommandations appropriées.

37.  Les Mécanismes spéciaux présentent à la Commission, pour adoption, leurs rapports des missions de promotion et de protection

D.    Rapports thématiques, études et élaboration de normes

38.  Les Mécanismes spéciaux peuvent préparer des études et des rapports thématiques. Les Mécanismes spéciaux peuvent expliciter les dispositions pertinentes de la Charte africaine en initiant l’élaboration d’instruments juridiques non contraignants ou de projets de Protocoles. Les Mécanismes spéciaux peuvent également initier l’élaboration d’instruments juridiques non contraignants pour compléter les dispositions des Protocoles à la Charte africaine.

39.  Les Mécanismes spéciaux doivent tout d’abord avoir l’autorisation de la Commission, par le biais d’une résolution, avant de procéder à l’élaboration d’un instrument juridique non contraignant ou d’un projet de Protocole.

40.  Les normes, les processus et le niveau de consultation requis pour l’élaboration de normes par les Mécanismes spéciaux sont régis par les Procédures opérationnelles standards de la Commission relatives à l’élaboration des normes. 

E.     Sensibilisation

41.  Les Mécanismes spéciaux thématiques jouent un rôle important dans la sensibilisation aux questions et situations spécifiques relevant de leur mandat, mais également dans la vulgarisation de celles-ci. La nature des actions de sensibilisation variera d’un mécanisme à l'autre.

42.  Les Mécanismes spéciaux peuvent également organiser des activités de renforcement des capacités ou des séminaires de sensibilisation.

F.      Actions conjointes

43.  Les Mécanismes spéciaux sont encouragés à partager des informations et à entreprendre des actions conjointes sur des questions transversales touchant différents mandats. Ces actions conjointes peuvent comprendre, notamment, des appels urgents, des lettres de préoccupation, des lettres de remerciement, des communiqués de presse, l’élaboration de normes, des visites de pays, des activités de sensibilisation ou d’autres actions. Les Mécanismes spéciaux peuvent également entreprendre des actions conjointes avec un Rapporteur de pays, le cas échéant.

44.  Lorsqu’une action conjointe est proposée et qu’un ou plusieurs Mécanismes spéciaux, ou un Rapporteur de pays, écartent la proposition ou ne réagissent pas dans un délai raisonnable, le Mécanisme spécial qui a fait la proposition peut procéder à l’exécution de l’action.

45.  Les Mécanismes spéciaux peuvent également mener des activités conjointes avec les Procédures spéciales du Conseil des droits de l’homme des Nations Unies, du Haut Commissariat des Nations Unies aux droits de l’homme et d’autres institutions compétentes des droits de l’homme.

G.    Établissement de rapport

46.  Les Mécanismes spéciaux soumettent régulièrement à la Commission des rapports de leurs activités. Ils établissent des rapports d’intersessions qui font état des correspondances envoyées et des réponses reçues.  

47.  Les rapports des Mécanismes spéciaux sont publiés sur le site web de la Commission avant le début de la Session ordinaire au cours de laquelle ils seront examinés.

H.    Suivi

48.  Des rappels concernant des Communications peuvent être adressés aux États relativement aux correspondances restées sans suite.

49.  Les Mécanismes spéciaux peuvent engager le dialogue avec les États lors de la présentation de leurs rapports d’intersessions sur les mesures prises pour donner effet à leurs recommandations. Par ailleurs, ces recommandations peuvent être incluses dans le Rapport d’activités de la Commission qui est soumis aux Organes délibérants de l’Union africaine.

 VI.            Relations avec les parties prenantes

50.  Les Mécanismes spéciaux encouragent les États à participer à leurs activités dans toute la mesure du possible. Ils entretiennent un dialogue systématique et constructif avec les États et les principaux partenaires, y compris les institutions nationales des droits de l’homme, les organisations internationales et régionales de défense des droits de l’homme et les organisations non gouvernementales œuvrant pour les droits de l’homme en Afrique.

Adoptées lors de la 27ème Session extraordinaire de la Commission, tenue du 19 février au 4 mars 2020 à Banjul, en Gambie

fr Ratification Table:
Member StateDate DepositedDate RatificationDate Signature