La Commission africaine des Droits de l'Homme et des Peuples (la Commission), réunie à l'occasion de sa 16ème Session extraordinaire, dont les travaux se sont tenus du 20 au 29 juillet 2014 à Kigali, en République du Rwanda ;
Rappelant son mandat de promotion et de protection des droits de l'homme et des peuples en Afrique en vertu de la Charte africaine des Droits de l'Homme et des Peuples (la Charte africaine) ;
Considérant que la République arabe d'Egypte est partie à la Charte africaine et s'est engagée à garantir le respect des droits de l'homme et des peuples sur son territoire ;
Rappelant les articles 4, 5, 6, 7, 9, 10, 11 et 26 de la Charte africaine, qui garantissent, respectivement, le droit à la vie, le droit au respect de la dignité de la personne, le droit à la liberté et à la sécurité de la personne, le droit à un procès équitable, le droit à la liberté d'expression, le droit à la liberté d'association et de réunion et l'indépendance de la justice ;
Rappelant également ses Résolutions CADHP/Rés.136 (XXXXIV) 08 qui exhorte les Etats Parties à observer un moratoire sur la peine de mort, CADHP/Rés.62 (XXXII) 02 relative à l'adoption de la Déclaration de Principes sur la Liberté d'Expression en Afrique, CADHP/Rés.185 (XLIX)11 relative à la sécurité des journalistes et spécialistes des médias en Afrique, CADHP/Rés.281(LV)2014 sur le droit de manifestation pacifique et CADHP/Rés.111(XXXXII)07 sur le Droit à un Recours et à Réparation pour les Femmes et les Filles victimes de violence sexuelle ;
Alarmée par la grave et rapide détérioration de la situation des droits de l'homme en Egypte depuis le soulèvement de l'année 2011, alors que des violations des droits de l'homme continuent de se produire, comme les détentions arbitraires, les actes de torture et de mauvais traitement dans les centres de détention, les violations des droits des défenseurs des droits humains, les violences sexuelles à l'égard des femmes, les violations du droit à la liberté d'expression, d'association et de réunion et les sentences de mort ;
Déplorant le mépris flagrant des garanties les plus fondamentales du droit à un procès équitable et de la légalité par les cours et tribunaux et l'absence d'indépendance de la justice ;
Préoccupée par l'impunité générale et continue dont jouissent les auteurs de violations des droits de l'homme, notamment les forces de sécurité responsables d'un recours excessif et, souvent, létal, à la force contre des manifestants, causant ainsi le décès de milliers de personnes depuis le mois de janvier 2011 ;
Préoccupée, en outre, par le maintien de la peine de mort dans la législation égyptienne ;
Déplorant le fait que les recommandations de la Commission, contenues dans sa lettre d'Appel urgent d'avril 2014, qui exhorte le Gouvernement de la République d'Egypte à respecter ses obligations en vertu de la législation internationale des droits humains, notamment en accordant aux personnes condamnées à mort la possibilité de faire appel de la sentence n'aient pas été scrupuleusement mises en œuvre ;
Déplorant également les agressions, le harcèlement et les détentions arbitraires ciblant les défenseurs et groupes des droits humains ;
Profondément préoccupée par le degré élevé des violences sexuelles perpétrées contre les personnes arrêtées pendant la détention provisoire, ainsi que par la culture de l'impunité qui empêche les victimes, en particulier les femmes, d'obtenir justice pour les actes de harcèlement sexuel, de viol et d'agression sexuelle subis dans les espaces publics et au cours des manifestations ;
Dénonçant fermement les sévères restrictions imposées aux journalistes et spécialistes des médias et les arrestations arbitraires, détentions et assassinats dont ils sont victimes pour avoir fait leur travail et pour avoir exprimé des points de vues divergents, en violation du droit à liberté d'expression et à la liberté d'opinion ;
Profondément préoccupée par le projet de loi du Gouvernement sur les Associations, qui prévoit l'interdiction de toute coopération ou affiliation entre ONG locales et organismes internationaux et la réception de financements d'origine étrangère sans l'accord préalable du Gouvernement, une situation qui pourrait entraver les activités et l'indépendance des organisations de la société civile ;
La Commission :
- Condamne les violations flagrantes des droits de l'homme, comme les harcèlements, les arrestations et détentions arbitraires, les violences sexuelles à l'égard des femmes et les actes de torture ;
- Appelle les autorités égyptiennes à prendre toutes les mesures nécessaires afin de mettre un terme immédiat aux violations des droits de l'homme ;
- Appelle, en outre, le Gouvernement égyptien à garantir, à tous les citoyens, le droit à un procès équitable devant des tribunaux indépendants, conformément à la législation et aux normes internationales ;
- Exhorte les autorités égyptiennes à garantir le droit de manifestation pacifique, d'association et de réunion et de s'abstenir de tout recours disproportionné à la force contre des manifestants, à réviser toutes les dispositions de leurs lois relatives aux manifestations et rassemblements publics concernant l'utilisation d'armes à feu contre des manifestants, afin de les mettre conformes aux normes internationales ;
- Exhorte vivement les autorités égyptiennes à observer immédiatement un moratoire sur la peine de mort et les exécutions, faisant ainsi un premier pas vers l'abolition de la peine de mort ;
- Invite le Gouvernement égyptien à ratifier le Deuxième Protocole facultatif au Pacte international des Droits civils et politiques qui vise l'abolition de la peine de mort, le Protocole à la Charte africaine des Droits de l'Homme et des Peuples relatif aux Droits de la Femme en Afrique et le Protocole facultatif à la CEDAW et de retirer les réserves aux articles 2 et 16 de la CEDAW ;
- Appelle les autorités à ouvrir des enquêtes et des poursuites contre les auteurs de violations des droits de l'homme afin de mettre un terme à la culture de l'impunité dans le pays ;
- Appelle les autorités égyptiennes à respecter et à défendre les dispositions de la Charte africaine et des autres instruments régionaux et internationaux des droits de l'homme qu'elles ont ratifiés.
Adoptée par la 16ème Session extraordinaire de la Commission africaine des Droits de l'Homme et des Peuples, réunie du 20 au 29 juillet 2014,
à Kigali, en République du Rwanda