A l’occasion de la Journée internationale de Soutien aux Victimes de la Torture, la Commission africaine des Droits de l'Homme et des Peuples (la Commission), agissant par l'intermédiaire de son Comité pour la Prévention de la Torture en Afrique (CPTA), se joint aux acteurs internationaux pour marquer cette journée commémorée en soutien aux victimes de la torture et réitérer son appel pour des efforts concertés visant à faire de telle sorte que la torture et les autres traitements ou peines cruels, inhumains ou dégradants appartiennent dorénavant au passé.
Il ressort des dispositions de l'article 5 de la Charte africaine des Droits de l'Homme et des Peuples (la Charte africaine) que « tout individu a droit au respect de la dignité inhérente à la personne humaine et à la reconnaissance de sa personnalité juridique. Toutes formes d’exploitation et d’avilissement de l’homme, notamment l’esclavage, la traite des personnes, la torture physique ou morale, et les peines ou les traitements cruels inhumains ou dégradants, sont interdites.»
La Commission souhaite réaffirmer qu'aucun individu ne doit être soumis à des actes de torture ou à des traitements ou peines cruels, inhumains ou dégradants. Toute torture infligée à un être humain est assimilable à un outrage à la dignité humaine et les Etats ne doivent pas se soustraire à leur devoir de garantir la protection des personnes contre la torture.
35 ans après l'adoption de la Charte africaine, le recours à la torture et aux mauvais traitements en Afrique persiste, en violation des dispositions de l'article 5 de la Charte et des Lignes directrices et Mesures d'Interdiction et de Prévention de la Torture et des Peines ou Traitements cruels, inhumains ou dégradants en Afrique (Lignes directrices de Robben Island). Les auteurs d'actes de torture appartiennent, notamment, aux forces chargées d'appliquer la loi et aux forces de sécurité, parfois aux milices armées, aux acteurs privés ou à des groupes terroristes, comme Al-Shabab, BokoHaram et ISIS. La torture est infligée à des dissidents opposés aux régimes en place, à des membres de partis ou mouvements politiques de l'opposition, à des manifestants, à de présumés terroristes, à des militants des droits de l'homme, à des personnes détenues, à des prisonniers ainsi qu'à de simples civils. Des acteurs non-étatiques ont été les auteurs d'actes assimilables à des tortures ou à des mauvais traitements, notamment des enlèvements, des fusillades et des attentats à la bombe.
Que peut-on faire de plus pour garantir aux victimes des voies de recours appropriées ?
Toutes les victimes de la torture doivent obtenir réparation, y compris par des voies de recours efficaces et des dédommagements. Les éléments constitutifs des dédommagements sont la restitution, la compensation, la réhabilitation, l'indemnisation et la garantie de non répétition.
Les Lignes directrices de Robben Island requièrent des Etats qu'ils veillent à ce que toutes les victimes de la torture et les personnes à leur charge bénéficient de soins médicaux appropriés, aient accès aux moyens nécessaires à leur réadaptation sociale et à leur rééducation médicale et bénéficient d'une indemnisation et d'un soutien appropriés. Cette exigence a été dernièrement réaffirmée dans la Résolution ACHPR/Res.303 (LVI) 2015 - sur le Droit à la Réhabilitation des Victimes de la Torture, adoptée par la Commission à l'occasion de sa 56ème Session ordinaire, qui s'est tenue du 21 avril au 7 mai 2015, à Banjul, Gambie.
La Commission a conscience que la question des réparations attribuées aux victimes de la torture est un domaine qui requiert des éclaircissements, étant donné que les instruments adoptés par le Continent sur la torture ne définissent ni n'expliquent de manière suffisamment détaillée le droit à des réparations adéquates.
C'est pourquoi le CPTA a initié l'élaboration d'une Observation générale sur le Droit des Victimes à Réparation en vertu de l'article 5 de la Charte africaine. Son ambition est d'aider les Etats parties et les parties prenantes à remplir leurs obligations à cet égard.
Cette Observation générale fournira de nouvelles orientations sur la portée et le contenu du droit à réparation des victimes de la torture, conformément aux développements de la législation et de la pratique internationales. La définition d'orientations sur l'importance du droit à réparation et son acception pratique aidera ceux qui travaillent aux côtés des victimes de torture et les représentants de l'Etat à mieux comprendre les mesures à mettre en œuvre au niveau national.
Dans le cadre du processus d'élaboration, le CPTA organise les 6 et 7 juillet 2015, à Accra, au Ghana, avec ses partenaires, la premièreRéunion technique sur l'Elaboration d'une Observation générale relative au Droit des Victimes à Réparation en vertu de l'article 5 de la Charte africaine. Le CPTA prévoit que l'Observation générale sera finalisée en 2016, suite à son adoption par la Commission africaine.