Déclaration du Groupe de travail sur la Peine de mort et les exécutions extrajudiciaires, sommaires ou arbitraires en Afrique de la Commission africaine des droits de l'homme

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Chaque 10 octobre partout dans le monde, la Journée mondiale contre la peine de mortest célébrée. À travers différentes activités telles que des manifestations publiques, des conférences, des interventions médiatiques et autres, une volonté de sensibilisation est à l’œuvre, non seulement pour alerter sur cette violation grave des droits de l’Homme mais aussi pour inviter les États dans lesquels ces pratiques subsistent toujours à purement et simplement l’abolir.

Cette année encore, le Groupe de travail sur la Peine de mort et les exécutions extrajudiciaires, sommaires ou arbitraires en Afrique (le Groupe de travail) de la Commission africaine des droits de l'homme et des peuples (la Commission africaine) se joint à la Communauté internationale pour célébrer la 19ème journée mondiale contre la peine de mort sur le thème « Les femmes et la peine de mort, une réalité invisible »[1].

Cette année, la Journée mondiale contre la peine de mort est donc consacrée aux femmes qui ont été condamnées à mort, celles qui ont été exécutées, celles qui risquent d’être condamnées à mort mais aussi celles qui ont été graciées ou reconnues innocentes. Elles sont nombreuses à vivre cette sentence qui en plus de gravement porter atteinte à leur droit fondamental à la vie, entache leur histoire d’un témoignage les dégradant et cause de profondes souffrances du fait de la séparation définitive des femmes qui en sont victimes avec leurs familles. Leurs histoires sont des réalités invisibles en ce qu’elles ne retiennent pas suffisamment l’attention pour sensibiliser les opinions publiques à ce phénomène et espérer y mettre une fin définitive. En outre, la discrimination fondée sur le genre qui touche les femmes contribuent largement à l’invisibilité de ces récits et à leur mauvaise prise en compte par les systèmes judiciaires, entraînant ainsi des répercussions directes sur les condamnations prononcées à leur encontre. En effet, en plus de subir l’injustice et la cruauté d’une telle sentence, ces femmes sont également victimes de préjugés, propos et jugements discriminatoires qui peuvent par exemple les amener à être décrites comme des « mauvaises mères »« des sorcières », etc. Considérées de cette manière, ces femmes supportent le poids d’une double peine, l'une pour leur crime supposé et l'autre pour avoir transgressé des normes discriminatoires. La stigmatisation dont elles sont victimes a pour conséquence d’aggraver leurs peines voire, dans certaines circonstances, de les priver de circonstances atténuantes, que ce soit lors de l’arrestation ou bien lors du procès bien qu’elles puissent être victimes de violences et d’abus.

Le choix de ce thème vise autant à condamner la perpétration de la peine de mort qu’à mettre un accent particulier sur la condamnation à mort des femmes alors que le siècle que nous entamons devra nécessairement prendre en compte les spécificités liées au genre. Tout en œuvrant à l’abolition de la peine de mort dans tous les États du monde pour toutes et tous, il est également fondamental de mettre en lumière les discriminations dont sont victimes les femmes et d’insister sur les conséquences, souvent irréversibles, qu’elles peuvent engendrer.

Le Groupe de travail a toujours condamné une telle pratique et invité les États à instaurer un moratoire à court terme et à abolir la peine de mort à long terme. Les impacts de ses actions permettent de dresser un état des lieux de cette pratique en Afrique. En 2020, au moins quatre (4) pays africains comptaient des femmes exécutées ou sous le coup d’une condamnation à mort[2].

Le Groupe de travail saisit donc cette occasion pour rappeler aux États parties à la Charte africaine des droits de l’Homme et des peuples qui imposent encore la peine de mort pour des infractions qu’ils qualifient de capitales, une peine touchant durement les femmes en raison de la persistance de certains préjugés, à observer un moratoire sur leur prononciation et exécution afin de rendre effective l’abolition de la peine de mort. Le Groupe de travail invite par ailleurs les États à imposer un moratoire sur l’exécution des condamnés se trouvant dans le couloir de la mort, en particulier les femmes, en commuant leur peine de mort en emprisonnement à vie.

Le Groupe de travail réitère également son appel aux États parties qui n’ont pas encore ratifié les instruments juridiques internationaux qui interdisent la peine de mort, en particulier le Deuxième protocole facultatif se rapportant au Pacte international relatif aux droits civils et politiques visant à abolir la peine de mort, à le faire et à harmoniser leurs législations nationales en conséquence.

Le Groupe de travail rappelle également aux États ayant déjà ratifié ledit protocole mais qui n’ont pas encore aboli la peine de mort en droit à réviser la législation interne afin de la conformer aux exigences des normes internationales qui s’imposent désormais à eux.

Enfin, le Groupe de travail salue tous les efforts nationaux, régionaux et internationaux visant à mettre fin à la peine de mort et à sensibiliser sur l’inviolabilité du droit à la vie. Parmi eux figure le projet de Protocole additionnel à la Charte africaine portant sur l’abolition de la peine de mort qui pourrait davantage encore stimuler la profonde tendance abolitionniste observée sur le continent ces dernières années. Le Groupe de travail encourage fortement les États engagés en faveur du droit à la vie à soutenir ce projet de Protocole.

Honorable Commissaire Maya Sahli-Fadel

Présidente du Groupe de travail sur la Peine de mort et les exécutions extrajudiciaires, sommaires ou arbitraires en Afrique de la Commission africaine des droits de l'homme et des peuples

 


[1]https://worldcoalition.org/fr/campagne/19-journee-mondiale-contre-la-peine-de-mort/

[2]https://worldcoalition.org/fr/campagne/19-journee-mondiale-contre-la-peine-de-mort/