Déclaration conjointe sur la Journée internationale de la fille

partager

L'EDUCATION DES FILLES : UNE LIGNE DE SECURITE POUR UN AVENIR MEILLEUR

Le droit à l’éducation garanti par différents instruments internationaux et régionaux des droits de l’homme[1], est un droit essentiel et fondamental pour tous, âge, genre et autres facteurs confondu.

Le 11 octobre 2013, la communauté internationale célèbrera le deuxième anniversaire de la Journée internationale des filles. A cette occasion, le Groupe de travail sur la question de la discrimination à l’égard des femmes dans la législation et dans la pratique, [i] le Comité pour l'élimination de la discrimination à l'égard des femmes (CEDEF)[ii] et les représentants de cinq mécanismes régionaux des droits de l’homme[iii] qui se sont réunis pour la première fois à Genève le 1er octobre[2], ont uni leurs voix pour plaider en faveur des filles dont le droit fondamental à l’éducation est bafoué pour diverses raisons.

Le thème de cette année, « Innover en faveur de l’éducation des filles », est l’occasion de faire l’inventaire des obstacles posés à l’éducation des filles et de trouver des solutions novatrices à proposer. C’est un fait indiscutable que l’éducation des filles représente un investissement stratégique pour le développement et un catalyseur de progrès social. Le rapport sur les Objectifs du Millénaire pour le développement pour  l’année 2013 révèle que les pays en développement ont fait des avancées impressionnantes dans l’élargissement de l’accès à l’éducation primaire. Malgré une réduction importante du nombre d’abandons scolaires – de 102 millions en 2000 à 57 millions en 2011 – la disparité d'inscription des garçons et des filles aux niveaux primaire et secondaire reste élevée et même plus marquée aux niveaux supérieurs, en particulier dans certaines régions où les filles représentent 55 % de la population non scolarisée.[3]

Parmi les obstacles à la pleine participation des filles à tous les niveaux de l’éducation, il y a le fardeau des travaux ménagers, les normes patriarcales sous-évaluant l’éducation des filles, la menace de violence sexuelle à l’intérieur et à l’extérieur de l’école, les mariages précoces et forcés et les grossesses d’adolescentes.

Les autres facteurs faisant obstacle au droit à l'éducation primaire des filles sont les stéréotypes religieux, politiques et culturels ou d’autres facteurs idéologiques. Le cas de Malala Yousufzai, écolière pakistanaise âgée de 14 ans et militante en faveur de l’éducation, qui a été victime d’une tentative d’assassinat le 9 octobre 2012 mérite d’être cité. Le cas Malala a alerté le monde entier sur la manière dont l’éducation des filles représente encore un énorme défi. Bien plus, son courage et son engagement à plaider en faveur du droit à l’éducation des filles ont inspiré des millions de personnes dans le monde à reprendre en écho son appel à l’éducation pour tous les enfants en général et les filles en particulier.

L’augmentation des inscriptions et de l’assiduité des filles en facilitant leur accès à tous les niveaux éducatifs et leur droit à une place à l’école, sans aucune discrimination, doit être considérée comme une obligation universelle. Le développement de cet accès pourrait nécessiter les mesures suivantes : assurer la gratuité d'une éducation obligatoire, du moins au niveau primaire ; sensibiliser les parents et la société au sens plus large aux avantages découlant de l’éducation des filles ; assurer aux familles des ressources financières pour compenser les coûts non prévus de l’éducation ; instituer des mesures spéciales provisoires pour assurer la participation des filles dans les matières où elles  sont sous-représentées ; créer des écoles dotées d’installations sanitaires et d’un environnement sain où la violence sexuelle et le harcèlement ne soient pas tolérés au cours du trajet vers et de l'école.

Innover pour assurer l’égalité des sexes au sein et à travers l’éducation requiert des réformes pour améliorer la qualité de l’éducation offerte aux filles à tous les niveaux. Les mesures innovantes pourraient être les suivantes : briser la ségrégation sexuelle dans les programmes pédagogiques et faciliter l’engagement des filles dans des matières non-traditionnelles comme les mathématiques, les sciences et la technologie et des formations professionnelles non-féminisées ; habiliter les filles en transformant les approches didactiques en approches constructivistes leur permettant de devenir actives et d’avoir confiance en elles-mêmes, de devenir des étudiantes affirmées ; éliminer les stéréotypes sexuels qui reproduisent les normes patriarcales des programmes, des manuels et du matériel didactique ; instituer des cours obligatoires dans les programmes de formation des enseignants pour les sensibiliser au régime appliqué dans les écoles et la manière dont les comportements dans leur salle de classe transmettent et reproduisent la socialisation traditionnelle des rôles des filles et des garçons.

Les mécanismes internationaux et régionaux réunis pour cet événement exhortent les Etats membres, les organisations de la société civile, le secteur privé et les décideurs mondiaux à prendre rapidement des mesures pour éliminer les obstacles posés à l’éducation des filles, notamment les innovations identifiées plus haut. L’exclusion des filles du système éducatif leur fait payer un trop lourd tribut à elles-mêmes, à leur famille et à la société en général pour que cela soit ignoré. Il est temps d’agir dès à présent !

[1] Il s’agit notamment de la Déclaration universelle des droits de l’homme et de la Convention des Nations Unies sur l’élimination de toutes les formes de discrimination à l’égard des femmes au niveau international ; le Protocole additionnel à la Convention américaine relative aux droits de l'homme traitant des droits économiques, sociaux et culturels, la Charte africaine des droits de l’homme et des peuples, le Protocole à la Charte africaine des droits de l’homme et des peuples relatif aux droits de la femme en Afrique et le Protocole n° 1 à la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales au niveau régional. Ce droit est également reconnu dans les Objectifs du Millénaire pour le développement et dans l’Education pour tous (EPT) le Cadre d’action de Dakar. L’EPT complète ou contribue à certains OMD, en particulier l’éducation primaire universelle et l’égalité entre les sexes dans l’éducation pour l’année 2015.

[2] A l’occasion du Séminaire avec les mécanismes régionaux des droits de l’homme tenu sur les droits de la femme.

[3] Voir : http://www.who.int/topics/millennium_development_goals/gender/en/

[i] Le Groupe de travail sur la question de la discrimination à l’égard des femmes dans la législation et dans la pratique est composé de cinq experts indépendants de toutes les régions du monde : Frances Raday (Israël/Royaume-Uni) Présidente-Rapporteur; Emna Aouij, Vice-présidente (Tunisie), Patricia Olamendi Torres (Mexique), Kamala Chandrakirana (Indonésie) et Eleonora Zielinska(Pologne). 

[ii] Le Comité sur l’Elimination de la discrimination à l’égard des femmes (CEDEF) est l’organe indépendant qui assure le suivi de la Convention sur l’Elimination de toutes les formes de discrimination à l’égard des femmes.

[iii] Maître Soyata Maïga, Rapporteure spéciale sur les droits de la femme en Afrique de la Commission africaine des droits de l’homme et des peuples (CADHP), Mme Tracy Robinson, Rapporteur sur les droits des femmes de la Commission interaméricaine des droits de l’homme et  (IACHR) et Mme Carlien Scheele, Présidente de la Commission pour l’égalité entre les femmes et les hommes du Conseil de l’Europe.