La Rapporteure spéciale de la Commission africaine des droits de l'homme et des peuples (CADHP) sur les Défenseurs des droits de l’homme en Afrique, Me Reine Alapini-Gansou exprime sa profonde préoccupation sur la situation des droits de l’homme au cameroun.
Des l’annonce par le président de la republique du Cameroun de son intention de modifier la Constitution afin de pouvoir briguer un second mandat, Le bilan des émeutes depuis le 25 février 2008 serait de plusieurs dizaines de victimes, des milliers d'arrestations et des centaines de procédures en comparutions immédiates sur l'ensemble du territoire camerounais.
La Rapporteure spéciale s’inquiète particulièrement de l'utilisation disproportionnée de la force par les agents de l'État, de l'ampleur des arrestations arbitraires et de mauvais traitements infligés aux personnes arrêtées.
Selon les informations reçues, les personnes interpellées sont actuellement jugées de manière expéditive en violation des règles du Code de procédure pénale camerounais et de toutes dispositions pertinentes des conventions régionales et internationales qui garantissent les droits de la défense. D’après certains témoignages, bon nombre des personnes arrêtées n’étaient que des curieux qui se trouveraient à proximité des émeutes par pure curiosité. Ces personnes seraient jugées par groupe de 6 lors d’audiences qui ne dureraient pas plus de 5 minutes et lors desquelles la présentation de preuves tangibles ou de témoins serait subsidiaire.
Par ailleurs, les médias qui n’auraient pas relayé l'information officielle, auraient vu leurs locaux saccagés et fermés comme c’est le cas de la radio "Magic FM" à Yaoundé qui avait organisé un débat le 27 février peu après l'intervention télévisée du président Paul Biya au cours de laquelle des critiques sévères auraient été émises concernant sa gestion de la crise et sa volonté de modifier la constitution. Certains journalistes seraient arrêtés, tel que Jean Blaise Mvié, directeur de publication du journal "La Nouvelle Presse" qui aurait ensuite été relâché.
La Rapporteure spéciale est particulièrement préoccupée par la situation des défenseurs des droits de l'Homme qui sont constamment menacés. Elle est notamment préoccupée par le cas de Mme Madeleine Afité, présidente de la Maison des droits de l’Homme du Cameroun (MDHC) qui, ces derniers jours, aurait été menacée de mort à plusieurs reprises, sa voiture aurait été saccagée dans la nuit du 5 au 6 mars 2008 pour avoir dénoncé notamment auprès des médias internationaux, les violations des droits de l'Homme perpétrées actuellement au Cameroun.
La Rapporteure spéciale demande aux autorités camerounaises :
- De g arantir l'intégrité physique et le droit à la vie des populations civiles et des défenseurs des droits de l'Homme conformément à la Déclaration universelle des droits de l'Homme, la Charte africaine des droits de l'homme et des peuples et le Pacte international relatifs aux droits civils et politiques ;
- De mettre fin à toute utilisation disproportionnée de la force publique, aux arrestations massives et q u’un procès juste et équitable soit accordé aux personnes arrêtées dans le respect notamment de leur droit à la défense et au principe du recours judiciaire ;
- Que soient garanties les libertés de la presse, d'information et de diffusion, de mouvement des journalistes et des défenseurs des droits de l'Homme ;
- Que toute la vérité soit établie et que les auteurs de violations des droits de l’homme soient jugés, particulièrement pour les cas d’exécutions sommaires et extra-judiciaires;
La Rapporteure tient également à rappeler aux autorités camerounaises leurs obligations contenues dans la Charte africaine des droits de l’homme et des peuples ; dans les Déclarations de Kigali et de la Grande Baie. Elle exhorte par ailleurs lesdites autorités a respecter les principes contenus dans l’article 1 de la Déclaration sur les défenseurs des droits de l’Homme, qui donne à chacun le droit, individuellement ou en association avec d’autres, de promouvoir la protection et la réalisation des droits de l’Homme et des libertés fondamentales aux niveaux national et international, de même que l’article 12.2 qui stipule notamment que “l’Etat prend toutes les mesures nécessaires pour assurer que les autorités compétentes protègent toute personne, individuellement ou en association avec d’autres, de toute violence, menace, représailles, discrimination de facto ou de jure, pression ou autre action arbitraire dans le cadre de l’exercice légitime des droits visés dans la présente Déclaration”.