La journée mondiale de la liberté de la presse est l’occasion pour nous tous en Afrique de réfléchir sur la situation du droit à la liberté d’expression sur le continent, tel que garanti en outre à l’article 9 de la Charte africaine des droits de l’homme et des peuples qui dispose que toute personne a droit à l’information et a le droit d'exprimer et de diffuser ses opinions dans le cadre des lois et règlements. Ce droit est également garanti par la Déclaration de principes sur la liberté d’expression en Afrique qui apporte des précisions sur la portée de l’article 9. Pour marquer cette journée, il est important pour nous, non seulement d’apprécier les progrès accomplis pour la réalisation du droit à la liberté d’expression, mais aussi de regarder vers l’avenir et de rechercher les moyens d’améliorer la situation actuelle.
Aujourd’hui, nous devons particulièrement nous rappeler l’importance capitale de la liberté d’expression et d’information en tant que droit individuel, en tant que pierre angulaire de la démocratie et en tant que moyen de garantir tous les droits et libertés humains. Nous devons également veiller à ce que l’importance de ce droit ne soit pas seulement reconnue aujourd’hui mais bien à chaque jour de l’année.
La journée mondiale de la liberté de presse est également une occasion pour moi, en ma qualité de rapporteuse spéciale sur la liberté d’expression en Afrique, d’évaluer la situation de ce droit depuis que ce mandat m’a été confié.
Apres un an et demi de travail en tant que titulaire de mandat, je demeure toujours profondément préoccupée par la situation sur notre continent. En effet, même si les medias en Afrique ont certainement commencé à jouer leur rôle de pierre angulaire de la démocratie et de source d’information équilibrée dans certains états, il y a encore place à amélioration. Malgré l’adoption de la Déclaration de principes sur la liberté d’expression en Afrique précitée et de récents instruments régionaux, et même s’il y a eu certains progrès dans certains états concernant la jouissance du droit à la liberté d’expression, ce droit n’est toujours pas une réalité pour plusieurs individus dans d’autres parties du continent.
Malheureusement, les quelques années passées ont démontré qu’il demeure risqué de travailler comme journaliste ou professionnel des medias dans certains états africains. Il est par conséquent important, alors que nous commémorons ce jour, de rendre hommage aux professionnels des medias qui risquent leurs vies de manière quotidienne afin d’apporter l’information au public et assurer que le droit de chaque individu de recevoir de l’information triomphe.
Je déplore aussi le harcèlement, les menaces et l’intimidation à l’encontre des professionnels des medias qui persistent sur notre cher continent. Des médias privés jugés critiques à l’égard de l’administration en place font souvent face à la saisie de leurs publications, la destruction de leurs équipements et éventuellement la fermeture ou la suspension. Des lois répressives et des amendements à la législation existante qui limitent la liberté d’expression et la libre circulation de l’information sont adoptés ou en voie d’être adoptés dans certains états.
De plus, il est simplement inacceptable que des cas de disparitions, d’arrestations arbitraires et de détention de journalistes et de professionnels des médias soient toujours courants en Afrique. Il est aussi épouvantable que certains professionnels des médias soient obligés de se cacher par crainte de représailles.
Le passé récent a également été assombri par des allégations de meurtre en toute impunité de journalistes. Il est par conséquent crucial d’intenter des actions en justice contre les auteurs de tels crimes. En effet, les états doivent comprendre l’importance de promouvoir et de protéger l’indépendance totale des medias. Ils doivent également s’assurer que les journalistes et les professionnels des médias puissent pratiquer leur métier librement, sans risque et sans crainte de représailles.
Pour conclure, je saisis cette opportunité pour évoquer la Résolution sur la situation de la liberté d’expression en Afrique, adoptée par la Commission africaine des droits de l’homme et des peuples à sa 40 ème session ordinaire, qui est une illustration que la mise en valeur du droit à la liberté d’expression occupe une place importante dans l'agenda de la Commission. Je rappelle également l’appel lancé par la Commission aux états membres de collaborer avec mon mandat afin d’améliorer le respect du droit à la liberté d’expression sur le continent africain. Afin d’atteindre ce but, j’encourage fortement les états membres à oeuvrer pour l’application effective des principes contenus dans la Déclaration de principes sur la liberté d’expression en Afrique et des autres principes de droits humains applicables dans la région.