Communiqué final

partager

Communiqué final de la 2ème Session Extra-Ordinaire de la Commission Africaine des Droits de l'Homme et des Peuples

1. La Commission Africaine des Droits de l'Homme et des Peuples a tenu les 18 et 19 Décembre 1995 sa 2eme session extraordinaire, consacrée principalement à l'examen de la situation des droits de l'homme au Nigeria, à Kampala (Ouganda) sous la présidence du Professeur Isaac NGUEMA.

2. Ont pris part à la session les commissaires suivants:

  • Prof. Isaac NGUEMA, Président
  • Prof. Emmanuel V.O. DANKWA, Vice-Président
  • Dr. Hatem BEN-SALEM
  • M. Atsu Koffi AMEGA
  • Maître Julienne ONDZIEL-GNELENGA
  • M. Justice Robert Habesh KISANGA
  • M. Kamel REZAG-BARA

3. MM. Alioune Blondin Beye, Youssoupha Ndiaye, O. Umozurike et Mme Vera Duarte Martins se sont excusés.

4. La cérémonie d'ouverture a eu lieu le 18 Décembre 1995 à 9h30 au Centre International des Conférences de Kampala en présence de S.E. M. Ruhakana Rugunda, Ministre des Affaires Etrangères d'Ouganda, le Colonel Kahinda Ottaf ire, Président du Mouvement Panafricain et Mme Tokunbo Ige, représentante du Secrétaire Général de la Commission Internationale des Juristes.

5. Etaient également présents, les représentants officiels du Gouvernement de la République Féderale du Nigéria, conduits par S.E.M. l'Ambassadeur du Nigeria en Ouganda, des Ambassadeurs et Chefs de missions diplomatiques accréditées en Ouganda, des représentants des organisations intergouvernementales et non-gouvernementales, des invités et des membres de la presse.

6. L'ouverture solennelle de la session a été marquée par une allocution prononcée par le Prof. Isaac Nguema, Président de la Commission Africaine des Droits de l'Homme et des Peuples qui a demandé d'observer une minute de silence à la mémoire de feu Grace Ibingira, ancien membre de la Commission, récemment décédé.

7. La parole fut également donnée au Colonel Kahinda Ottafire, Président du Mouvement Panafricain qui a retracé brièvement l'historique de ce mouvement dont l'évolution est liée au long combat du continent africain contre le colonialisme, l'apartheid et l'exploitation. Evoquant la situation des droits de l'homme en Afrique, l'orateur a insisté sur la nécessité de débats francs et ouverts sur le respect de la souveraineté des Etats et de la liberté des peuples.

8. Mme Tokunbo Ige, Conseiller juridique pour l'Afrique à la Commission Internationale des Juristes (CIJ) à délivré un message exprimant le soutien de la CIJ à la tenue de cette session extraordinaire consacrée à l'examen de la situation des droits de l'homme au Nigeria.

Evoquant la poursuite de sérieuses violations des droits de l'homme dans ce dernier, et rappelant les. décisions au niveau du Commonwealth, de la Communauté européenne et de l'Organisation des Nations Unies, Mme Tokunbo Ige a souhaité que la Commission Africaine use de tous les moyens légaux à sa disposition en vue de l'amélioration de la situation des droits de l'homme, de la démocratie et la bonne gouvernance dans ce pays.

9. De son côté, le Prof. Isaac Nguema, Président de la Commission Africaine des Droits de l'Homme et des Peuples a rappelé l'émotion ayant saisi l'opinion africaine et mondiale suite à l'exécution de l'écrivain Ken Saro-Wiwa et ses 8 compagnons du mouvement pour la survie du peuple Ogoni. Evoquant certains évènements brûlants affectant la situation des droits de l'homme en Afrique, le Prof. I. Nguema a indiqué que cette session extraordinaire devait donner au continent l'occasion de s'exprimer sur les modalités d'action à développer dans le cadre des principes d'universalité et d'indivisibilité des droits de l'homme.

10. Par ailleurs, S.E. M. Ruhakana Rugunda, Ministre des Affaires Etrangères d'Ouganda a délivré à l'assistance un message très apprécié rappelant notamment l'importance de la mission de la Commission Africaine dans la protection et la promotion des droits de l'homme. Observant que le continent africain n'avait pas toujours accordé une attention suffisante à cette question, le Ministre a regretté la persistance des tensions politiques en Afrique dues principalement à l'absence de démocratie et de bonne gestion des affaires publiques.

Evoquant l'objet principal de la tenue de la session extraordinaire, le Ministre a indiqué que son Gouvernement avait condamné les récents évènements survenus au Nigéria en matière de violation des droits de l'homme. En outre, il a rappelé que l'attention de la Commission devait également s'étendre aux autres régions du continent où se produisent de graves violations et souhaité que, par le dialogue, l'on puisse établir la paix et la stabilité en Afrique.

Il a enfin déclaré la session ouverte et souhaité plein succès à ses travaux.

11. La Commission a adopté l'ordre du jour suivant:

  1. Cérémonie d'ouverture
  2. Adoption de l'ordre du jour
  3. Organisation des travaux
  4. Etat de la situation des droits de l'homme au Nigeria.
  • Exécution sommaires et arbitraires
  • Compatibilité entre la législation interne du Nigéria et les dispositions de la Charte Africaine de Droits de l'Homme et des Peuples
  1. Examen des mesures pratiques à prendre face à la situation qui prévaut au Nigéria
  2. Examen de certaines situations d'urgence en matière de droits de l'homme en Afrique, notamment au Burundi
  3. Adoption du rapport de la session
  4. Cérémonie de clôture.

12. La Commission a désigné M. le Commissaire Risanga en qualité de Rapporteur de la session et chargé le Commissaire Rezag-Bara de la rédaction du Communiqué final.

13. Au cours de la séance de l'après-midi du 18 Décembre 1995, S.E. M. l'Ambassadeur Haggag, Secrétaire Général Adjoint de l'OUA a délivré un message au nom du Secrétaire Général indiquant la préoccupation de l'Organisation continentale au sujet de la situation qui prévaut Nigéria.    Evoquant la mission effectuée
récemment par S.E. M. Salim Ahmed Salim, Secrétaire Général de l'OUA au Nigéria ainsi que le Sommet spécial tenu à Prétoria par les Etats membres de la SADC, l'Ambassadeur A. Haggag a indiqué que l'OUA se propose de mettre tout en oeuvre pour apporter au Nigéria l'assistance nécessaire pour le règlement de la crise qui secoue le pays et par la mise en oeuvre du programme de transition vers la démocratie, tel qu'annoncé par le Gouvernement Fédéral du Nigéria le 1er Octobre 1995.

14. La Commission a entendu, en présence de la Délégation officielle du Gouvernement du Nigéria, les interventions des organisations non-gouvernementales qui ont relevé les différents cas de violation des droits de l'homme au Nigéria.

15. L'Ambassadeur du Nigéria en Ouganda s'est également adressé à la Commission. Il a insisté sur les engagements pris par les autorités d'amorcer à compter du 1er Octobre 1995 un programme de transition vers un gouvernement civil et démocratique. Evoquant la volonté de coopération du Gouvernement du Nigeria avec la Commission, l'orateur a promis que toutes les réponses aux allégations faites par les ONG parviendront à la Commission avant la tenue de la 19ème session ordinaire.

Il a attiré l'attention de la Commission sur la campagne de calomnies menée contre le Nigéria sur la question des droits de l'homme en l'assurant que ce pays respectait les obligations internationales et le principe de légalité ainsi que la règle de l'Etat de droit.

La délégation du Nigéria a adressé une invitation à la Commission d'y effectuer une visite dans le courant du mois de Février 1995.

16.  La Commission et les représentants du Gouvernement du Nigéria ont eu un échange très fructueux au sujet de certaines préoccupations majeures dont le procès des "19 Ogoni" et la conformité de la législation nigériane et les dispositions de la Charte Africaine des Droits de l'Homme et des Peuples.

Les membres de la Commission ont exprimé leur grave préoccupation sur la situation des droits de l'homme au Nigéria ainsi que leur inquiétude sur les mesures qui risqueraient d'en aggraver l'évolution.

17. A la fin de ses travaux, la Commission a décidé de prendre les mesures pratiques suivantes concernant la situation des droits de l'homme au Nigéria.

  1. Prenant acte de la disponibilité et de la volonté de coopération du Gouvernement du Nigéria, la Commission a décidé de demander au Président en exercice de l'OUA et au Secrétaire Général d'exprimer aux autorités du Nigéria leur voeu qu'aucun préjudice irréparable ne soit causé aux 19 détenus de la communauté Ogoni en attente de jugement;
  2. Dans le but d'intensifier le dialogue eantre la Commission et les autorités du Nigéria, une délégation composée du Président, du Vice Président et du Rapporteur spécial de la Commission sur les exécutions sommaires et arbitraires entreprendra une mission au Nigéria du 16 au 21 Février 1996;
  3. Le rapport de la session extraordinaire sera remis aussi bien au Président en exercice qu'au Secrétaire Général de l'OUA. Il sera également communiqué au Secrétaire Général de l'ONU et au Haut Commissaire des Nations Unies chargé des droits de l'homme;
  4. A la lumière des résultats de cette session extra­ordinaire et de sa prochaine mission, la Commission Africaine adressera une déclaration à la Commission des droits de l'homme des Nations Unies lors de sa prochaine session sur la situation des droits de l'homme au Nigéria;
  5. Lors de sa 19ème session, la Commission examinera lerapport sur la mission effectuée au Nigéria ainsi que le rapport de son Rapporteur spécial sur les exécutions sommaires et arbitraires;
  6. La Commission invite le Gouvernement du Nigéria, à lui soumettre, en conformité avec l'article 62 de la Charte Africaine, son rapport périodique sur les mesures qui auront été prises en vue de donner effet aux droits et libertés reconnus et garantis dans la Charte ainsi qu'aux résolutions et décisions pertinentes de la Commission, notamment au sujet de l'indépendance de la justice, de la sécurité des personnes et des biens, de la liberté d'opinion et d'expression ainsi que des droits sociaux des travailleurs.

18. La Commission a également entendu une communication sur la situation très préoccupante qui prévaut au Burundi où des bandes armées diverses entretiennent l'insécurité permanente provoquant notamment des assassinats et des déplacements massifs de populations civiles.

L'attention de la Commission a été attirée sur l'urgence de venir en aide au système judiciaire, l'administration pénitentiaire et au processus de réconciliation nationale.

19. Le débat qui a suivi a permis à la Commission d'exprimer ses grandes craintes d'une détérioration rapide de la situation et a décidé de mettre ce point à l'ordre du jour de sa prochaine session ordinaire.

20. A la lumière des éléments recueillis au sujet de la situation des droits de l'homme en Afrique, la Commission a décidé d'approfondir sa réflexion sur la mise en place d'un mécanisme d'alerte rapide en cas de situations d'urgence et appelle la communauté des ONG à lui apporter sa contribution à cet effet.

21. La cérémonie de clôture, qui a eu lieu le 19 Décembre 1995 au Centre International des Conférences de Kampala a été marqué par la présence de Son Excellence Monsieur Joseph Ekemu, Ministre de la Justice d'Ouganda qui a délivré un message à l'assistance.

Fait à Kampala le 19 Décembre 1995