Déclaration de la Rapporteure Spéciale sur les réfugiés, les demandeurs d’asile, les déplacés internes et les migrants en Afrique, à l’occasion de la journée internationale des migrants, 18 décembre 2024

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« Honorer les contributions des migrants et respecter leurs droits »

En cette journée internationale des migrants, célébrée chaque année en mémoire de l’adoption de la Convention Internationale sur la protection des droits des travailleurs migrants et des membres de leur famille (1990), la Commission africaine des droits de l’homme et des peuples (la Commission) se joint à la communauté internationale pour commémorer cet évènement et rappeler que la migration a toujours fait et continuera de faire partie de l’histoire humaine, qu’elle est une consécration du droi tà la liberté de mouvement et de de circulation, un moteur essentiel de la résilience et de la prospérité économiques.

Les migrants, en dépit des récits déshumanisants et préjudiciables, de la désinformation et des discours de haine les concernant, provoquant racisme, xénophobie, discrimination, exclusion et violence, de leur instrumentalisation à des fins politiques ou autres, continuent à jouer un rôle positif à travers leurs contributions à la croissance inclusive et au développement durable, en enrichissant les Sociétés par leurs capacités humaines, socio-économiques, et culturelles. 

Pour de nombreux Etats, la migration est essentielle, notamment pour ceux qui connaissent des changements démographiques se traduisant par un vieillissement et une diminution de la population, et qui souffrent de lacunes sur le marché du travail et accusent un déficit de main- d’oeuvre.

La Commission, tout en réaffirmant le droit souverain des États de définir leurs politiques migratoires nationales, saisit cette occasion  pour insister sur la nécessité de protéger tous leurs droits de l’homme de tous les migrants,  tels que garantis par la Charte africaine des droits de l’homme et des peuples et les autres instruments internationaux et régionaux, et ce, quel que soit leur statut migratoire, dans toutes les situations et à toutes les étapes de la migration, afin de promouvoir l’inclusion comme cela est souligné dans la Résolution 565 (2023) de la Commission africaine[1].

Cette année encore, les chiffres sont en constante augmentation, les données sur la migration et la mobilité humaine en Afrique -bien qu’elles ne soient pas systématiques, soulignent que la migration a principalement lieu au sein du continent africain plutôt qu’au-delà de ses frontières, et que les moteurs de la migration restent les inégalités économiques, les conflits, l’instabilité politique et les impacts des changements climatiques. 

De plus, en raison de la « sécuritisation » de la migration, essentiellement pour des motifs relevant de l’ordre public et de la sécurité nationale, davantage de candidats à la migration choisissent des voies irrégulières, en empruntant des routes migratoires dangereuses, des plus meurtrières au monde, et en ayant souvent recours à des trafiquants, mettant leurs vies en péril, et s’exposant à de nombreuses violations de leurs droits fondamentaux, y compris parfois à travers l’usage excessif de la force par des agents de l’Etat . 

La Commission est  très préoccupée par le nombre élevé et croissant de migrants morts ou disparus durant leurs parcours migratoires, et souhaite, dans l’esprit de sa Résolution 486 (2021)[2], rappeler aux Etats africains leurs obligations à agir pour éviter qu’ils  perdent la vie, notamment en facilitant et en renforçant les opérations de recherche et de sauvetage dans les régions frontalières dangereuses à travers l’instauration et l’amélioration des filières de migration sûre, ordonnée et régulière, fondées sur le respect des droits de l’homme, et en interdisant les refoulements et les expulsions collectives. 

En cette journée particulière, la Commission souhaite également attirer l’attention sur le fait que de nombreux migrants sur notre continent sont des personnes vulnérables, des femmes et des filles, des enfants non accompagnés ou séparés, des personnes handicapées et des personnes âgées, exposés à des risques particuliers, tels la traite des êtres humains, le travail des enfants et le travail forcé, l’exploitation sexuelle, la violence fondée sur le genre. Il est donc nécessaire que les Etats renforcent les mesures pour leur assurer une protection optimale adéquate à leur situation de vulnérabilité.

Aujourd’hui encore, la Commission saisit cette occasion, se fondant sur les instruments internationaux et régionaux pertinents, mais aussi sur sa jurisprudence, pour rappeler que les lois, politiques et pratiques nationales qui pénalisent les personnes ayant besoin d'une protection internationale en raison de leur entrée et de leur présence non autorisées ou irrégulières et qui restreignent leur liberté de circulation peuvent constituer une violation de ces instruments. 

Dans ce contexte, la Commission  est profondément préoccupée par la multiplication des cas de détention, y compris d’enfants, pour motifs migratoires, avec les répercussions sur la santé et bien-être physique et mental des migrants, et rappelle que la détention pour motif migratoire doit être une pratique exceptionnelle, de dernier recours, légale et nécessaire, et être remplacée, à chaque fois que c’est possible, par des alternatives à la détention, plus humaines et plus respectueuses de la dignité des migrants.

Enfin,  tout en s’inscrivant  dans le   Cadre de Politique Migratoire pour l’Afrique révisé et Plan d’Action de l’Union africaine (2018-2030), du Pacte mondial pour des migrations sûres, ordonnées et régulières (2018) et de la Campagne #StandUp4Migrants, la Commission souhaite rappeler aux Etats africains leurs divers engagements envers les personnes migrantes, découlant des textes universels et régionaux, plus particulièrement de la Charte africaine des droits de l’homme et des peuples qui garantit à tout individu le droit de jouir de sa dignité, reflétant les valeurs africaines pour lesquelles l’humain est sacré.

Cette commémoration est aussi une occasion particulière pour la Rapporteure spéciale de réitérer aux Etats africains, à l’Union africaine, aux Communautés économiques régionales, et aux autres parties prenantes, y compris le secteur privé, son invitation pour mettre en œuvre, dans l’esprit de la solidarité africaine, les « Principes directeurs africains relatifs aux droits de l’homme de tous les migrants, les réfugiés et les demandeurs d’asile », adoptés en 2023 par la Commission africaine.

Commissaire Selma SASSI-SAFER

Rapporteure Spéciale sur les réfugiés, les demandeurs d’asile, les déplacés internes et les migrants en Afrique

[1] CADHP/RES.565 (LXXVI) 2023 sur l’inclusion des réfugiés, des demandeurs d’asile, des déplacés internes et des apatrides dans les systèmes socio-économiques nationaux, les services et les opportunités économiques et Afrique.

[2] CADHP/RES. 486 (EXT.OS/ XXXI1I) 2021 Sur les migrants et réfugiés disparus en Afrique et les conséquences sur leurs familles.