Discours d’ouverture de la Présidente de la commission africaine des droits de l’homme et des peuples, l’honorable Kayitesi Zainabo Sylvie

partager

Honorable Attorney General, Ministre de la Justice de la République de Gambie,

Honorable Ministres,

Honorables Collègues, Membres de la Commission africaine des droits de l’homme et des peuples,

Excellences Mesdames et Messieurs les Représentants les Etats parties de l’Union africaine

Excellences, Mesdames et Messieurs les Membres du Corps diplomatique et consulaire accrédités en République de Gambie,

Mesdames et Messieurs les Représentants de la famille des Nations Unies et des Organisations internationales

Mesdames et Messieurs les Hauts Fonctionnaires du Gouvernement de la République de Gambie, ici présents,

Mesdames et Messieurs les Représentants des Institutions Nationales des Droits de l’Homme

Mesdames et Messieurs les Représentants des Organisations de la Société civile,

Distingués Invités,

Mesdames et Messieurs

Permettez-moi tout d’abord de vous demander humblement d’observer une minute de silence à la mémoire de ceux qui ont été récemment attaqués par des groupes armés.

Au nom de la Commission africaine et en mon nom propre, je vous souhaite à tous la bienvenue à la 56ème Session ordinaire de la Commission à Banjul, en Gambie. Vous vous souviendrez que cette session devait se tenir au cours du dernier trimestre de 2014. Toutefois, en raison de circonstances indépendantes de la volonté de la Commission, elle n’a pas pu se tenir comme prévu. Je suis très heureuse qu’en dépit du changement de dates et de lieu, vous ayez tous répondu, une fois de plus, à notre invitation à Banjul.  Cela démontre clairement l’importance que chacun d’entre vous attache au travail de la Commission, à savoir promouvoir et protéger les droits de l’homme et des peuples en Afrique.Votre présence ici, aujourd’hui, témoigne de votre attachement à la devise de la Commission : « les droits de l’homme et des peuples, note responsabilité collective ».

Permettez-moi également d’exprimer nos remerciements et notre profonde gratitude au Gouvernement et au peuple de la République de Gambie pour avoir bien voulu accueillir la 56ème Session ordinaire, et pour avoir mis à notre disposition les installations nécessaires pour garantir le succès de cette Session.

Excellences, Distingués Invités,

Vous conviendrez tous, avec moi, que l’année 2014 a été une année difficile pour la promotion et la protection des droits humains en raison des nombreux défis des droits de l’homme auxquels le continent est confronté. Malgré les efforts consentis par l’Union africaine (UA), les organismes régionaux et la communauté internationale, des conflits et des représailles persistent dans de nombreuses régions d’Afrique, notamment en République centrafricaine, en République de Somalie et en République du Soudan du Sud ; le Nigeria, la Somalie et le Kenya continuent de lutter contre le terrorisme au sein de leurs frontières ; l’Egypte et la Libye ont également été en proie à l’instabilité politique et économique persistante depuis 2011. Et dans toutes ces situations, c’est la population qui en subit les effets négatifs.

Des victimes innocentes de ces atrocités attendent toujours que les responsables mettent un terme à leur souffrance.  Au Nigeria, les écolières enlevées depuis le mois d’Avril de l’année dernière par la milice armée Boko Haram, ne sont pas encore ramenées chez elles, malgré les efforts nationaux et internationaux déployés pour ce faire ; le processus de négociation pour la paix au Soudan du Sud est toujours en cours, pendant que des milliers de personnes souffrent quotidiennement ; la République centrafricaine est également aux prises avec son gouvernement de transition, ses citoyens attendant toujours la paix. Il est impératif de mettre immédiatement un terme à toutes ces atrocités.

De même, le virus Ebola continue de menacer la santé, la vie et la dignité des peuples africains d’une façon jamais imaginées auparavant. Ebola a sapé les avantages infrastructurels et de développement acquis et les communautés sont privées de leurs moyens de subsistance. L’épidémie a instauré un climat de peur qui entrave les échanges commerciaux, la circulation des biens et des personnes, et menace nos valeurs africaines de respect pour les morts et la manière dont ils sont enterrés.

Nous continuons à soutenir les populations de la République de Guinée, de la République du Libéria et de la République de Sierra Leone en ces moments difficiles et éprouvants.Nous félicitons le Nigeria et le Mali pour avoir endigué rapidement la maladie, ce qui a contribué à stopper la propagation et sauver ainsi des vies. Nous exprimons notre gratitude aux pays et organisations qui ont apporté leur assistance aux pays touchés par l’épidémie, et les exhortons à renforcer davantage leur soutien. Nous exhortons ceux qui n’ont pas encore relevé ce défi, de le faire, et appelons les Etats parties et l’ensemble de la communauté internationale à redoubler d’efforts et accroître leurs ressources pour vaincre cette cruelle maladie qui a fait de nombreuses victimes et, parfois décimé des communautés entières.  Nous soulignons également que dans tous les efforts déployés, une attention particulière devrait être accordée aux nombreux enfants qui sont ou vont être orphelins.

Excellences, Distingués Invités,

La Charte africaine garantit le droit des peuples de choisir librement leur propre gouvernement. Et la position de l’Union africaine sur les changements anticonstitutionnels de gouvernement est claire : ils ne sont pas tolérés. Nous, par conséquent, comme indiqué dans notre Communiqué de presse sur la question, condamnons avec la dernière énergie les attaques du 30 décembre 2014 perpétrées sur le sol gambien. Nous devons continuer à envoyer des messages forts et cohérents aux auteurs, sponsors, aux partisans et aux sympathisants de ces forces déstabilisatrices dont l’objectif est de torpiller les gouvernements légitimes et démocratiques en place ; l’Union africaine et la Charte africaine ne reconnaissant que le changement de régime par la volonté du peuple à travers les urnes et non par le canon d’un fusil. 

Excellences, Distingués Invités,

Malgré ces défis, des développements positifs ont également été enregistrés dans la promotion et la protection des droits de l’homme au cours de la dernière période d’intersession. Des élections pacifiques et réussies ont été tenues au Botswana et en Tunisie en Octobre 2014 et nous félicitons le gouvernement et le peuple de ces nations. Je suis également consciente que cette tendance se poursuit en 2015. La Zambie et le Nigeria ont organisé avec succès des élections partielles et des élections présidentielles en Janvier et Mars 2015, respectivement. En Zambie, il s’agissait de trouver un successeur au feu Président de la Zambie, M. Michael Sata, alors qu’au Nigéria, c’était suite à la fin du mandat du Président sortant. Nous félicitons le Nigeria pour avoir démontré que malgré les défis internes, la démocratie peut encore voir le jour dans l’intérêt du développement national. Nous tenons également à féliciter particulièrement, le Président Goodluck Jonathan, pour son comportement exemplaire, en acceptant pacifiquement sa défaite aux élections. Le Soudan est également sur la liste des pays devant organiser des élections, ainsi que le Burkina Faso, la République centrafricaine, les Comores et le Togo. Nous demandons instamment à tous ces pays de veiller également à ce que les élections se déroulent de manière pacifique et que la volonté du peuple soit respectée.

L’usage excessif de la force par les fonctionnaires chargés de l’application de la loi dans certains Etats parties n’est pas seulement injustifiable, mais c’est aussi une violation des droits humains, notamment le droit inaliénable à la vie. Dans tous les cas, non seulement au cours de manifestations pacifiques, mais aussi dans le cadre du travail de routine de la police, les responsables de l’application de la loi doivent accorder une protection adéquate aux membres du public. A cet égard, la Commission voudrait réitérer sa résolution sur le droit à des manifestations pacifiques, adoptée lors de la session précédente, et elle continue à exhorter les Etats à respecter leurs engagements régionaux et internationaux.

Le nouveau phénomène des attaques ciblées contre les personnes atteintes d’albinisme, en particulier dans la région des Grands Lacs, constitue également une situation assez préoccupante pour la Commission. A cet égard, la Commission réitère également sa Résolution sur la Prévention des attaques et de la discrimination contre les personnes atteintes d’albinisme.

Excellences, distingués invités,

Les défenseurs des droits de l’homme jouent un rôle crucial dans la promotion et la protection des droits de l’homme, en particulier au niveau des Etats nations. La Commission s’est donc engagée à assurer la sécurité et la protection des défenseurs des droits de l’homme dans leur pays. Malheureusement, de nombreux défenseurs des droits de l’homme continuent à être victimes de harcèlement et de représailles tant du fait de l’Etat que de celui des communautés qu’ils servent.  Cette tendance contreproductive est inquiétante, en particulier du fait que la Commission compte sur leur altruisme pour  qu’ils assurent le suivi, rendent compte et signalent les problèmes liés aux droits de l’homme et leurs violations à notre attention. La réduction de cet espace de collaboration entre la Commission et les défenseurs des droits de l’homme sape l’exécution du mandat de la Commission.

La Commission appelle donc les Etats parties à la Charte africaine à renoncer à engager des représailles contre les défenseurs des droits de l’homme. Elle souhaite en outre rappeler aux Etats parties que les défenseurs des droits de l’homme ont le droit de jouir de l’égale protection de la loi, comme le reste des citoyens de leurs pays. Et en plus de cela, il faut leur garantir ce droit afin de leur permettre de servir leur société sans mettre leur vie ou leur bien-être en péril.

Excellences, distingués invités,

L’abolition de la peine de mort, du moins, sa pratique, semble être une tendance en pleine propagation dans le monde. La Commission s'est clairement positionnée contre la peine de mort et travaille, avec toutes les parties concernées, à veiller à son abolition en Afrique. Nous sommes convaincus que les faits ont concrètement prouvé que la peine de mort n’est pas seulement non souhaitable mais qu’elle constitue, dans certains cas, une violation du droit à la vie. De nombreuses erreurs irréversibles ont été faites dans le passé concernant cette question et c’est la raison pour laquelle nous demandons aux Etats parties à la Charte africaine de la rejeter.  A cet égard, la Commission se réjouit du nombre d’Etats parties qui ont voté en faveur de la Résolution des Nations Unies appelant à un moratoire mondial sur l’application de la peine de mort en décembre 2014.

La Commission se réjouit aussi de la récente déclaration de la Cour Suprême de Gambie de commuer en emprisonnement à vie les peines de mort de sept  (7) anciens détenus dans le couloir de la mort.

Au même moment, la Commission est préoccupée par le recours croissant à l’imposition de la peine de mort dans certains pays que nous exhortons vigoureusement à la rejeter et à respecter les résolutions adoptées par la Commission sur cette question.

Excellences, distingués invités,

Aujourd’hui, alors que je me rapproche de la fin de mon mandat de quatre ans en tant que Membre du Bureau de la Commission et de mon mandat en tant que commissaire,  je voudrais saisir cette occasion pour remercier tous les partenaires qui ont apporté leur soutien à la Commission et continuent de nous accompagner dans notre travail.

Comme vous le savez tous, la Commission travaille avec les organisations de la société civile et les Institutions nationales des droits de l’homme pour unir nos ressources pour répondre dans les délais et efficacement aux violations des droits de l'homme survenant sur le continent. Leur soutien est hautement apprécié.

Au niveau international, la Commission collabore avec les Nations Unies et d’autres organes régionaux dans différents domaines de préoccupation mutuelle. A titre d’exemple, en 2013, la Commission et les Nations Unies ont renouvelé la Feuille de route d’Addis-Abeba pour le renforcement de la collaboration entre les deux institutions, en particulier leurs mécanismes spéciaux. J’espère sincèrement que cette coopération se poursuivra et sera renforcée.

La Commission a également travaillé en étroite collaboration avec les autres organes de l’UA dotés d’un mandat des droits de l’homme, notamment la Cour africaine et le Comité africain d’experts sur les droits et le bien-être des enfants. Une étroite collaboration et une synergie sont cruciales pour une protection efficace des droits des citoyens africains.

Excellences, distingués invités,

Durant mon mandat et avec l'engagement généreux et l'expertise de mes collègues, la Commission a élaboré différentes lois non contraignantes, qui sont maintenant prêtes pour diffusion.

D’autres initiatives entreprises dont notamment un projet de protocole additionnel relatif à l’abolition de la peine de mort en Afrique ; un projet de protocole relatif à la protection des personnes âgées en Afrique ; et des observations générales sur le droit à la vie, ont besoin du même engagement de la Commission pour élargir le cadre juridique de protection des citoyens d’Afrique.

Excellences, distingués invités,

Lors de l’examen des différents points de l’ordre du jour de cette Session, j’invite chacun d’entre vous à contribuer au débat et à avancer des idées susceptibles de nous aider à trouver collectivement des solutions durables aux défis des droits de l’homme en Afrique, à apporter la paix et la stabilité à notre continent et à faire avancer l’agenda des droits de l’homme au profit de l’Afrique et de tous les Africains que nous sommes, en commençant par les plus défavorisés. J’exhorte les Etats parties, les partenaires et les parties concernées à s’y mettre en apportant leur soutien à la Commission dans cette louable entreprise.

Je vous remercie de votre aimable attention.