Communiqué de Presse sur la Mission de Promotion de la Commission Africaine des Droits de l’Homme et des Peuples en République d’Angola (3 – 6 septembre 2024)

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1.    Sur invitation du Gouvernement de la République d’Angola (Angola), et en application de l’article 45(1) de la Charte africaine des droits de l’homme et des peuples (la Charte), une Délégation de la Commission Africaine des Droits de l’Homme et des Peuples a effectué, du 3 au 6 septembre 2024, huit années après sa dernière visite du type dans le pays, une mission de promotion des droits de l’homme dans cet État partie à la Charte, qu’il a ratifiée depuis le 2 mars 1990. 

2.    La Délégation était composée de :

  • L’Honorable Commissaire Rémy Ngoy Lumbu, Président de la Commission, Rapporteur Spécial sur les Défenseurs des Droits de l’Homme et Point Focal sur les Représailles en Afrique et Point Focal sur l’Indépendance de la Justice en Afrique (Chef de la Délégation) ;
  • L’Honorable Commissaire Marie-Louise Abomo, Commissaire en charge de la promotion des droits de l’homme en Angola et Présidente du Groupe de Travail sur les droits des personnes âgées et des personnes handicapées en Afrique ;
  • L’Honorable Commissaire Maria Theresa Manuela, Commissaire originaire et résidente de l’Angola, Rapporteure spéciale sur les prisons, les conditions de détention et l'action policière en Afrique ; et

    Deux (2) Fonctionnaires de l’Union Africaine, en poste au Secrétariat de la Commission Africaine des Droits de l’Homme et des Peuples (les Juristes, les Sieurs Bruno Menzan et Maulo Mfinda Dombaxi).

3.    La mission avait pour but, entre autres objectifs :

-    Engager un dialogue avec toutes les parties prenantes pour un échange des points de vue sur l'amélioration de la situation des droits de l'homme dans le pays ; et 

-    Faire le suivi des recommandations de la Commission issues du Rapport de la Mission de Promotion de la Commission (3 au 7 octobre 2016).

4.    Au cours de sa mission, la Délégation a rencontré et échangé avec les acteurs étatiques et non-étatiques engagés dans la promotion et la protection des droits de l’homme et des peuples en Angola.

5.    La Délégation a débuté sa mission en rendant une visite de courtoisie au Ministère des Relations Extérieures où elle a été reçue par la Secrétaire d’État Esmeralda Bravo Conde da Silva Mendonça. Puis elle elle a eu d’importantes réunions de travail avec les autorités ministérielles suivantes : la Secrétaire d’État à la Justice et aux Droits de l’Homme, représentant le Ministre de la Justice et des Droits de l’Homme ; le Ministre de l'Intérieur ; la Secrétaire d’État de l'Action sociale, de la Famille et de la Promotion de la femme ; le Secrétaire d’État à la Santé

6.    La Délégation a également eu des échanges avec la 10ème Commission de l’Assemblée Nationale, en charge des droits de l'homme, de la citoyenneté et de l'environnement ; le Tribunal Suprême, le Procureur General de la République, la Médiatrice de la République, le Comité National Permanent Intersectoriel de Rédaction et de Suivi des Recommandations des Organes de Traités des Droits Humains, le Comité Provincial des Droits de l'Homme et de Justice de Luanda.

7.     Par ailleurs, a Délégation s’est entretenue avec trois Agences du Système des Nations Unies, à savoir le PNUD, le HCR et l’UNICEF. 

8.     La Délégation a pu échanger avec un ensemble d’Organisations de la Société Civile.

9.     La Délégation a visité la prison des femmes de Viana et eu une session de travail avec la direction de cet établissement pénitentiaire. 

10.    La Délégation a en outre, visité l’Hôpital - Dom Alexandre Cardeal do Nascimento - Complexe hospitalier des maladies cardio-pulmonaires (MINSA) ; la Maison de retraite - Beiral - ; le Centre Communautaire Tuzila pour enfants, dans le District urbain de Rangel, Terra Nova ; et enfin, l’École primaire Escola do Ensino Primário nº 1135 « Aplicação e Ensino » située à Bairro Alvalade, Luanda. 

11.    Au vu de ce qui précède et conformément à la pratique de la Commission en la matière, la Délégation propose les constatations préliminaires contenues dans ce Communiqué de Presse de fin de Mission, étant entendu qu’un Rapport définitif sur cette activité sera adopté en temps opportun par la Commission.

12.    Ainsi, la Délégation félicite le Gouvernement de l’Angola pour sa volonté politique manif este et son engagement en faveur de la jouissance effective des droits de l’homme. Cette volonté se traduit par diverses réalités dont les plus notables sont :

-    L’ouverture du pays aux cadres et institutions internationales en charge de la promotion et protection des droits de l’homme ;

-     Sa posture de pays à jour de toutes ses obligations de rapports périodiques devant la Commission (Charte, Protocole de Maputo et Convention de Kampala) ; et 

-    La dynamique de travail acharné pour mettre en œuvre les recommandations de la Commission, y compris et surtout celles contenues dans son rapport de mission de 2016. 

13.    La Délégation a pris bonne note et félicite le Gouvernement de l’Angola pour la confirmation par les autorités pertinentes qu’une délégation de l’Angola sera présente lors de la 81ème session ordinaire de la Commission en octobre -novembre 2024 prochains, au cours de laquelle seront examiné les 8ème - 9ème Rapports Périodiques Combinés de la République d'Angola en vertu de la Charte africaine des droits de l'homme et des peuples (2016-2023), du Protocole de Maputo et du Rapport Initial sur la Convention de Kampala.
 
14.    Au titre des avancées, la Délégation note notamment : 

    La ratification de plusieurs instruments internationaux et régionaux depuis 2016 et l’adoption de divers cadres juridiques recommandés, dont les nouveaux code pénal, code de procédure pénale, et autres ;

    L’existence de plusieurs bonnes pratiques en matière de promotion et protection des droits de l’homme, que la Commission entend, au besoin, vulgariser auprès des autres États Parties ; il s’agit notamment, de :

i.    L’efficacité du mécanisme nationale intersectoriel de préparation des rapports périodiques et de suivi des recommandations des organes de traités des droits de l’homme ; 

ii.    La compétence reconnue à toutes juridictions saisies d’un contentieux de juger de la constitutionnalité dans les affaires portées devant elles ;

iii.    La visible inclusion des femmes dans la gouvernance au plus haut niveau avec des femmes occupant des postes de responsabilités autrefois impossibles à atteindre par celles-ci du fait de la discrimination basée sur le genre ;

iv.    L’institution de la matérialisation effective des droits de visites au moyen d’outils virtuels dans le système carcéral, le Programme de Parloir Virtuel organisé au niveau de la prison de Viana ;

v.    La mise en place des Comités provinciaux de la Justice et des droits de l’homme conformément à la Stratégie nationale des droits de l’Homme de l’Angola, qui permettent la remontée des questions des droits de l’homme au Conseil National de Sécurité présidé par le Président de la République ;

    Les efforts holistiques visant à lutter contre les violences domestiques, basées sur le genre et les abus contre les mineurs que sont la violence, l’exploitation, les mariages précoces ; y compris par l’engagement politique personnel au plus haut niveau de l’État ;

    L’existence d’une volonté politique de lutter contre les vulnérabilités sociales et la pauvreté à travers une variété de mesures dont les plus notables sont la gratuité appliquée dans une certaine mesure au niveau des soins de santé, de l’éducation, de la sécurité sociale et la lutte contre la pauvreté en général ;

    L’acceptation par les parties prenantes, y compris les acteurs étatiques, que des défis énormes existent en ce qui concerne les obligations internationales en droits de l’homme de l’Angola, et leur détermination à faire en sorte que ces questions soient réglées, notamment par l’échange de bonnes pratiques ;

    Le dynamisme relatif des organisations de la Société Civile et des autres acteurs des droits humains ;

15.    En dépit de ces aspects positifs, la Délégation reste préoccupée par quelques défis persistants, y compris : 

•    La non mise en œuvre de certaines des recommandations des instances internationales des droits humains, notamment certaines de celles découlant de la mission de promotion de la Commission en 2016. Ce sont principalement, la lenteur de l’adoption de certains cadres juridiques et reformes cruciaux, le maintien de la criminalisation de la diffamation dans le Code Pénal, le maintien de la responsabilité pénale en dessous de 18 ans et les graves préoccupations relatives à la restriction de l’espace civique ;

•    La prévalence des abus sur les mineurs, de la violence domestique, des grossesses précoces, qui désarticulent la cellule familiale, surtout dans les milieux modestes ;

•    Les perceptions de fragilité du système judiciaire avec la crise de confiance de nombre de justiciables vis-à-vis des institutions judiciaires ; 

•    L’indisponibilité, l’insuffisance et rareté des ressources financières nécessaires à la politique économique, sociale et développementale dans de nombreux secteurs de la vie nationale ;

•    L’insuffisance d’infrastructures d’enseignement de base et d’aide aux personnes du troisième âge et des allocations budgétaires pour permettre le fonctionnement optimal de celles existantes ou pour en construire de nouvelles;

16.    La Délégation formule à ce stade les recommandations préliminaires qui suivent :

i.    Le Gouvernement est invité à mettre en œuvre certaines   recommandations de la Commission formulées en 2016 et qui n’ont pas encore été appliquées. Pour ce faire, il convient de maintenir un dialogue ouvert et transparent avec la Commission pour aboutir à un compromis au profit des droits de l’homme et des populations angolaises ;

ii.    Tous les efforts entrepris et toutes les initiatives visant à une meilleure jouissance et protection des droits de l’homme, méritent d’être poursuivis et concrétisés dans les meilleurs délais ; 

iii.    La Délégation exhorte le Gouvernement à poursuivre et accentuer la lutte contre les violences domestiques, les abus contre les mineurs, le mariage précoce, ainsi que tous autres faits néfastes aux droits de l’homme et des populations de l’Angola ;
 
iv.    Le Gouvernement est invité résolument à initier des réformes sectorielles nécessaires par le biais d’une concertation avec toutes les parties prenantes en vue de ramener la sérénité et la collaboration apaisée entre les divers acteurs pour l’intérêt supérieur commun des populations angolaises ; 

v.    La Délégation appelle également les Organisations de la Société Civile à continuer à soutenir la promotion et la protection des droits de l’homme en Angola et maintenir, voire renforcer les pistes et cadres de dialogues avec le Gouvernement ;

vi.    La Délégation appelle la Communauté internationale et les partenaires internationaux renforcer l’aide au Gouvernement dans la mobilisation de tous les moyens financiers, humains, techniques et autres moyens logistiques nécessaires à améliorer les performances en matière de promotion et protection des droits de l’homme en Angola ;

17.    La Délégation remercie sincèrement le Gouvernement de l’Angola pour les facilités mises à sa disposition au cours de la mission, ainsi que pour le dialogue constructif engagé avec toutes les parties prenantes. 

18.    La Délégation exprime, en particulier, sa gratitude au Ministère des Relations Extérieures et à la Secrétaire d’État aux Droits de l’Homme du Ministère de la Justice et des Droits de l'Homme, chevilles ouvrières pour la réussite de cette mission.

19.    La mission a été clôturée par une Conférence de presse.

Luanda, 6 septembre 2024

Pour toute information complémentaire, veuillez envoyer un email à :au-banjul@africa-union.org