Déclaration de la Rapporteure Spéciale sur les Droits des Femmes en Afrique à l'occasion de la "Journée Internationale pour l'élimination de la violence contre les femmes"

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25 novembre 2023, Banjul, République de Gambie

La Rapporteure Spéciale sur les Droits des Femmes en Afrique, l'Honorable Commissaire Janet Ramatoulie Sallah-Njie, au nom de la Commission Africaine des Droits de l'Homme et des Peuples (la Commission), et en son nom propre, saisit cette opportunité pour marquer la Journée Internationale pour l'Elimination de la Violence à l'Egard des Femmes, le 25 novembre 2023.

Cette journée marque le début des 16 jours annuels d'activisme contre la violence fondée sur le genre, une occasion pour tous de se réunir pour réfléchir aux stratégies d'élimination de la violence fondée sur le genre. Le thème des Nations unies pour 2023 est "Tous Unis ! Investir pour prévenir la violence à l'égard des femmes et des filles".  Il s'agit d'un appel crucial lancé à tous les États et à toutes les parties prenantes pour qu'ils élaborent des stratégies afin de garantir que les programmes visant à éliminer la violence à l'égard des femmes et des filles soient bien financés et que les engagements pris pour y mettre un terme le soient avec la volonté politique nécessaire.

La violence à l'égard des femmes et des filles se poursuit aussi bien dans les États qui jouissent d'une relative stabilité, que dans ceux en proie à des conflits. L'année 2023 a été marquée par la poursuite des combats et des conflits dans certaines régions du monde, notamment en Afrique. L'Éthiopie est encore sous le choc du conflit du Tigré, qui a fait des milliers de victimes de violences sexuelles et physiques. Dans le cadre du conflit au Soudan, les femmes et les jeunes filles ont été victimes de violences sexuelles et sexistes et d'exploitation sexuelle. Dans d'autres parties du continent qui ne sont pas en conflit, les femmes continuent de souffrir de différentes formes de violence. Le protocole à la Charte africaine des droits de l'homme et des peuples relatif aux droits de la femme en Afrique (protocole de Maputo) définit, à l'article 1(j), la violence à l'égard des femmes comme incluant la violence physique, sexuelle, économique et psychologique. En Afrique, les femmes se retrouvent souvent à la merci de partenaires qui exercent la violence de différentes manières.

Les répercussions de la violence fondée sur le genre sont nombreuses et sont ressenties à la fois par les personnes qui en sont victimes et par la communauté. L'Union africaine, citant l'Organisation Internationale du Travail et ONU Femmes, a reconnu que la violence fondée sur le genre a un coût [https://au.int/en/pressreleases/20231027/economic-empowerment-women-can-end-cycle-violence-against-women-and-girls].  Elle entraîne une baisse de la productivité, de l'absentéisme au travail, des coûts de santé, ainsi qu'un retrait de la participation sociale et économique des personnes touchées. Malgré ces effets bien connus, les pays africains ne se sont pas dotés des moyens adéquats pour lutter contre ce phénomène. Alors que 30 États ont adopté des plans d'action nationaux pour mettre en œuvre la résolution 1325 du Conseil de sécurité des Nations unies, seule la moitié d'entre eux ont alloué des budgets pour financer les programmes prévus dans les plans d'action [https://www.undp.org/africa/press-releases/ending-violence-against-women-and-girls-requires-urgent-and-tangible-investments].

Je saisis donc cette occasion pour appeler les États membres, les partenaires de développement et toutes les parties prenantes à déployer des efforts plus concertés pour garantir un investissement significatif dans la lutte contre la violence fondée sur le sexe. Les politiques et les plans d'action nationaux resteront lettre morte s'ils ne sont pas soutenus par les ressources nécessaires à la mise en œuvre des programmes. Ces programmes devraient inclure la mise en place de cadres d'orientation appropriés avec des soins médicaux, l'accès à la justice, un soutien psychosocial et des refuges sûrs pour les femmes et les filles touchées. Des mesures de prévention devraient également être financées, l'engagement communautaire étant au cœur de l'élimination de la culture de la violence dans les États membres.

Outre le financement des programmes, les États devraient faire de l'émancipation économique des femmes une stratégie délibérée visant à réduire la dépendance des femmes à l'égard de partenaires violents. C'est un investissement qui en vaut la peine et qui portera ses fruits, non seulement pour les femmes et les filles, mais aussi pour le développement durable de nos pays. Alors que nous entamons les 16 jours d'activisme contre la violence fondée sur le genre, j'encourage les activistes à demander des allocations budgétaires pour lutter contre la violence à l'égard des femmes, car la plupart des exercices fiscaux commencent au début de la nouvelle année.

Honorable Commissaire Janet Ramatoulie Sallah-Njie
Rapporteure Spéciale sur les Droits des Femmes en Afrique  de la CADHP