La Commission africaine des droits de l’homme et des peuples, à travers son Rapporteur Pays et Président du Groupe de Travail sur la Peine de Mort, les Exécutions Extrajudiciaires, Sommaires ou Arbitraires et les Disparitions Forcées en Afrique, l’Honorable Commissaire Idrissa Sow, exprime son indignation suite aux massacres récurrents de populations civiles au Burkina Faso, surtout dans la région Nord.
La Commission a en effet reçu les informations selon lesquelles, le 20 avril 2023, des individus armés en uniforme des forces de défense et de sécurité accompagnés par des éléments suspectés d’appartenir au groupe des Volontaires pour la Défense de la Patrie (VDP), affilié à l’armée, roulant à bord de motocyclettes et pick-up, sont entrés dans le village de Karma, au Nord de la Province du Yatenga, et auraient tiré sur les gens de façon indiscriminé, tuant au moins 60 civils et en blessant plusieurs autres. Le 15 avril 2023, une attaque menée par des djihadistes présumés sur une base de VDP près du village d’Aorema (environ 15 km de Ouahigouya) avait fait 10 soldats et 32 VDP tués, selon les rapports.
La Commission condamne fermement cette spirale de la violence qui ne fait qu’augmenter et faire de plus en plus de victimes parmi les civils surtout depuis le début de l’année 2023.
La Commission rappelle aux autorités burkinabés les obligations qui leur incombent en vertu de la Charte Africaine des droits de l’homme et des peuples et des autres instruments internationaux des droits de l’homme auxquels le Burkina Faso a souscrit, surtout en ce qui concerne le respect du caractère sacré de la vie (article 4 ). La Commission rappelle en particulier que la responsabilité d’un État peut également être engagée en cas de tueries par des acteurs non étatiques s’il approuve, soutient ou acquiesce ces actes ou s’il n’exerce pas la diligence requise pour empêcher ces tueries ou s’il ne veille pas à ce qu’il y ait une enquête en bonne et due forme.
La Commission exprime sa solidarité au peuple burkinabé et condamne fermement les attaques terroristes dirigées contre les forces de défense et de sécurité et les populations civiles.
La Commission demande :
Au Gouvernement du Burkina Faso :
- Assurer la conduite d’enquêtes judiciaires impartiale et indépendante au sujet des privations arbitraires de la vie perpétrées contre les populations civiles, afin d’établir les responsabilités, traduire les auteurs en justice et apporter l’assistance aux familles des victimes ;
- Prendre les dispositions nécessaires en vue d’assurer la protection des civils, notamment dans le contexte des opérations militaire et de sécurité menées dans le cadre de la lutte contre le terrorisme ;
- Mettre en œuvre des mesures idoines pour assurer la vulgarisation et le respect des engagements régionaux et internationaux du Burkina Faso dans le domaine des droits de l’homme notamment la Charte africaine des droits de l’homme et des peuples qui garantit à toute personne le droit au respect de sa vie et à l’intégrité physique (article 4) ;
- Renforcer la collaboration avec la Commission africaine des droits de l’homme et des peuples, en transmettant les informations et les rapports conventionnels en vertu des obligations de la Charte africaine, notamment l’article 62 ;
- Prendre des mesures visibles de renforcement de la cohésion sociale, de déradicalisation et d’autres mesures visant à traiter les causes profondes de l’extrémisme violent.
Aux Nations Unies, à l’Union Africaine et à la Communauté Economique des États de l’Afrique de l’Ouest, la Commission demande :
- D’appuyer les autorités du Burkina Faso et des pays du Sahel en général en matière de renforcement des capacités et de formation institutionnelle, pour les aider à s’attaquer aux causes profondes du terrorisme et de l’extrémisme violent conformément aux Déclarations Présidentielles du Conseil de Sécurité des Nations Unies S/PRST/2022/6 du 31 aout 2022 et S/PRST/2022/7 du 15 décembre 2022.
La Commission encourage la Commission Nationale des Droits Humains et les organisations de défense des droits de l’homme à:
- Poursuivre sans relâche leur travail de monitoring de la situation des droits de l’homme sur le terrain et de faire rapport aux instances habilitées en vue de susciter les mesures de protection et de réponses nécessaires ;
- Documenter sérieusement ces cas de violations et l’impact négatif de ces violations sur les populations civiles, surtout les femmes et les enfants.
Fait à Banjul, en Gambie, le 29 avril 2023.
Honorable Commissaire Idrissa Sow, Rapporteur Pays et Président du Groupe de Travail sur la Peine de Mort, les Exécutions Extrajudiciaires, Sommaires ou Arbitraires et les Disparitions Forcées en Afrique.