Kenya: Mission d'information concernant les Populations / communautés autochtones, 2010

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 La visite de recherche et d’information a été effectuée par le Dr Melakou Tegegn, membre expert du Groupe de travail, et le Dr George Mukundi Wachira, membre du réseau consultatif d’experts du Groupe de travail. Les objectifs de la visite étaient les suivants :

  • Rassembler des informations sur la situation des droits de l’homme des populations autochtones ;
  • Organiser des réunions avec les gouvernements, l’institution nationale des droits de l’homme, les organisations internationales, les organisations de la société civile, les organisations et les communautés autochtones et les autres acteurs concernés ;
  • Informer sur les politiques cadres de la Commission africaine sur les droits de l’homme des populations autochtones ;
  • Présenter un rapport comprenant des recommandations à la Commission africaine.

Recommandations au Gouvernement du Kenya

• Revoir son approche globale et son orientation à l’égard de l’état de ses peuples autochtones. À cet effet et pour avoir un impact plus marqué, le gouvernement devrait organiser une conférence nationale sur les questions qui touchent les peuples autochtones du Kenya et à laquelle participeront activement d’éminents spécialistes des questions autochtones.
• Se conformer à la conceptualisation de la Commission africaine concernant le statut d’autochtone et les droits des peuples autochtones en Afrique, comme stipulé dans le Rapport de 2003 du Groupe de travail d’experts sur les populations/communautés autochtones, adopté par la Commission africaine lors de sa 28ème
Session ordinaire en 2003.
• Reconnaître les communautés pastorales et les communautés de chasseurs-cueilleurs du Kenya comme étant des communautés autochtones.
• Ratifier la Convention 169 de l’OIT relative aux peuples indigènes et tribaux dans les pays indépendants.
• Adopter la Déclaration des Nations Unies sur les droits des peuples autochtones et veiller à sa transposition en droit interne par le Parlement.
• Identifier les peuples autochtones au moyen du recensement et fournir des données ventilées sur les pasteurs et les chasseurscueilleurs.
• Réformer son système électoral afin de faciliter la représentation politique des peuples autochtones selon leurs voeux.
• Réorganiser les désignations actuelles des districts pour mettre un terme à la séparation des peuples autochtones qui a grandement nui à leurs possibilités de représentation politique.
• Revoir la pratique actuelle de délivrance de cartes d’identité, qui est discriminatoire à l’endroit des autochtones et s’assurer que des cartes d’identité soient délivrées à tous les membres des communautés autochtones.
• Approuver et mettre en oeuvre intégralement le Rapport Ndung’u et restituer aux peuples autochtones leurs terres ancestrales qui leur ont été enlevées par confiscation ou tout autre moyen illégal. 

• Mettre en oeuvre les dispositions de la Politique du Kenya sur les terres.
• Indemniser les peuples autochtones pour la perte de leurs terres ancestrales perdues suite à l’établissement de parcs nationaux, de réserves, d’aires de conservation et d’entreprises touristiques. 
• Reconnaître légalement et respecter le droit de la communauté Ogiek de vivre sur ses terres ancestrales. Le gouvernement doit renoncer à son projet d’expulser la communauté Ogiek de la forêt de Mau. Les droits de propriété sur les terres de la forêt de Mau illégalement acquises doivent être révoqués et de nouveaux titres de propriété délivrés exclusivement aux habitants originaires de la forêt, les Ogiek. Le gouvernement doit immédiatement cesser l’exploitation forestière commerciale de la forêt de Mau.
• Mettre en oeuvre les recommandations de la décision de la Commission africaine dans l’affaire du peuple Endorois, lui restituer ses terres ancestrales et respecter ses droits à un accès illimité au Lac Bogoria.
• Procéder sans délai à un examen de la situation au Nord Kenya sur le plan de la sécurité et veiller à stabiliser la situation en appliquant une politique universelle de pacification qui permette de remédier aux conditions difficiles et aux injustices que vivent depuis longtemps les communautés pastorales et autres communautés autochtones, en supprimant les pratiques discriminatoires à l’endroit des communautés ethniques pastorales de la région et en instaurant une pratique sérieuse de dialogue continu avec la communauté.
• Mettre immédiatement un terme aux actes hostiles de l’armée sur les terres des Samburus, arrêter la violence à l’égard de la communauté et résoudre le conflit intercommunal par le dialogue et la discussion.
• Consulter les communautés autochtones avant l’exploration pour exploitation des ressources naturelles sur leurs terres ancestrales et leurs terres traditionnelles. Les communautés autochtones devraient recevoir une part équitable des bénéfices obtenus de l’exploration et de l’exploitation. Une pleine indemnisation devrait être versée aux
communautés autochtones en cas de préjudice environnemental causé à leurs terres, ressources naturelles et moyens de subsistance traditionnels en conséquence de ces activités économiques. 

• Les communautés autochtones doivent être associées à la gestion des bénéfices dérivés des zones protégées, des réserves de chasse et des parcs nationaux dans les zones de pasteurs et de chasseurscueilleurs. Les communautés autochtones doivent être indemnisées des pertes encourues jusqu’ici par suite de la création des réserves de chasse.
• Le gouvernement doit veiller à faire participer les représentants des communautés autochtones aux réformes politiques en cours dans le pays.
• Le gouvernement devrait adopter une politique de discrimination positive dans le domaine de l’éducation pour les enfants autochtones. Dans les zones pastorales, des écoles mobiles et des pensionnats devraient être introduits pour assurer l’éducation primaire universelle. Des programmes d’études appropriés doivent être conçus pour répondre aux besoins des communautés autochtones et pour préserver leur langue, leur culture, leur histoire particulière et leurs traditions spirituelles.
• Des efforts doivent être déployés pour protéger la langue, la culture et autres traditions des petites communautés autochtones, plus particulièrement les Ogiek, les Sengwer, les Ilchamus, les Elmolo, les Munyoyaya, les Waata et les Yaaku. Le gouvernement devrait mettre en place un organisme chargé de la promotion des langues traditionnelles, plus particulièrement des langues qui sont menacées d’extinction, dans les écoles et les media en collaboration avec les universités et les institutions académiques ainsi que les
membres de la société civile. 
• Le gouvernement devrait prendre des mesures actives pour mettre véritablement fin aux mutilations génitales féminines dans toutes les communautés en employant des méthodes adaptées et socialement acceptables.
• Le gouvernement devrait s’assurer que des services et infrastructures de santé adéquats soient accessibles afin de remédier au problème de taux élevé de mortalité maternelle et infantile au sein des communautés autochtones découlant de l’insuffisance de ces services à proximité de ces communautés. Le ministère de la Santé devrait mettre en place des programmes de formation officielle pour renforcer les capacités des sages femmes et des aides-soignants traditionnels.
• Le gouvernement, par l’entremse de ses ministères du Commerce et de la Jeunesse, devrait renforcer les capacités des jeunes autochtones afin d’exploiter leur potentiel dans les systèmes de connaissances traditionnelles et moyens alternatifs de subsistance économique. Il pourrait pour ce faire leur offrir des formations et un accès au capital et au marché pour leurs produits, marchandises et services, plus particulièrement dans le domaine du tourisme et de l’élevage.
• Le gouvernement, par l’entremise de son Ministère de la Justice, devrait fournir une assistance juridique aux communautés autochtones, en se basant, par exemple, sur le nouveau plan d’aide juridique pour leur assurer l’accès à la justice pour diverses questions relatives aux droits humains comme, par exemple, pour défendre et faire valoir leurs droits d’accès aux terres et aux ressources traditionnelles. 
• Le Kenya et les autres pays d’Afrique du l’Est, par l’entremise de leurs ministères des Affaires étrangères et l’Intégration de l’Afrique de l’Est, devraient mettre en place un programme conjoint pour se pencher sur les questions relatives à la transhumance des peuples autochtones comme la migration, la circulation, la citoyenneté, l’accès équitable aux ressources naturelles et leur partage, ainsi que l’accès aux services publics, tels que l’éducation, la santé et les droits socio-économiques.

Recommandations à la société civile et aux communautés autochtones

• Les communautés autochtones du Kenya et les membres de la société
civile devraient rester vigilants et s’assurer que le gouvernement
assume sa responsabilité de mettre en oeuvre les recommandations
du présent rapport ainsi que rester en première ligne de la
lutte contre les violations persistantes des droits humains par des
moyens pacifiques et par voie judiciaire, en ayant recours, notamment, à la Commission Africaine des droits de l’homme et des
peuples.
• Les communautés autochtones et les acteurs de la société civile
devraient utiliser des moyens novateurs en collaboration avec les
partenaires du développement pour répondre aux besoins socioéconomiques
des communautés, dont des formations, le développement
d’outils et d’infrastructures visant à renforcer la capacité
des communautés autochtones à faire face aux problèmes qui les
touchent, comme la mortalité maternelle et infantile, le manque
d’emploi, etc, et promouvoir les systèmes de connaissances traditionnelles.
• Vulgariser ce rapport pour mener des activités de plaidoyer et de
sensibilisation auprès des communautés autochtones et des acteurs
étatiques sur la situation des communautés autochtones et
faire pression pour l’adoption de programmes appropriés qui viseront
à remédier au problème de la marginalisation continue des
peuples autochtones au Kenya.
Recommandations à la Commission africaine des droits
de l’homme et des peuples
• Assurer le suivi de la mise en oeuvre et de l’application des recommandations
contenues dans sa décision concernant les Endorois. Il
lui est expressément demandé de diligenter les autres affaires relatives
communautés autochtones du Kenya qui lui sont été soumis.
• Effectuer une visite officielle au Kenya, afin d’assurer une surveillance
continue de la situation des peuples autochtones dans le
pays.
• Faciliter le dialogue avec le Gouvernement du Kenya, la société
civile et les communautés autochtones afin de garantir que les
droits des peuples autochtones seront respectés dans tous les domaines.