81EME SESSION ORDINAIRE DE LA COMMISSION AFRICAINE DES DROITS DE L’HOMME ET DES PEUPLES
RAPPORT D’INTERSESSIONS
Présenté par
Honorable Commissaire Rémy Ngoy Lumbu
Commissaire et Rapporteur Spécial sur les Défenseurs des Droits de l’Homme
Point Focal sur les Représailles en Afrique
Point Focal sur l’indépendance judiciaire
Rapporteur pays : Algérie, Cameroun, Cote d’Ivoire, Mali et Togo.
Banjul, 17 octobre au 6 novembre 2024
INTRODUCTION
1. Le présent rapport est soumis conformément aux articles 25(3) et 64 du Règlement Intérieur (2020) de la Commission africaine des droits de l’homme et des peuples (la Commission) et rend compte des activités de promotion et de protection des droits de l’homme entreprises au cours de la période d’intersession, depuis la 79ème Session Ordinaire tenue du 14 mai au 3 juin 2024 à Banjul, Gambie
2. Ce rapport est subdivisé en cinq parties essentielles. En la première, il rend compte des activités menées en notre qualité de point focal sur l’indépendance judiciaire, conformément à la Résolution CADHP/Res.570 (LXXVII) 2023 sur la nomination d’un point focal sur l'indépendance judiciaire en Afrique, adoptée par la Commission lors de sa 77ème Session Ordinaire.
3. En la deuxième, il traite des initiatives menées en qualité de Rapporteur pays en charge du suivi de la situation des droits de l’homme en Algérie, au Cameroun, en Côte d’Ivoire, au Mali, et au Togo.
4. En la troisième, il indique les activités menées en vertu du mandat de Rapporteur Spécial sur les défenseurs des droits de l’homme et Point focal sur les représailles en Afrique (le Rapporteur spécial) créé par la Résolution CADHP/69(XXXV)04 de la Commission. Ce mandat a été étendu sur la question des représailles par la Résolution CADHP/Res.273 (LV)2014. Il a été renouvelé en vertu des Résolutions CADHP/Rés.83(XXXVIII)05, CADHP/Rés.125(XXXXII)07, CADHP/Rés.149(XLVI)09, CADHP/Rés.202(L)2011, CADHP/Rés.248(LIV)2013, CADHP/Rés.315(LVII)2015, CADHP/Rés.381(LXI)2017, CADHP/Rés.425 (LXV) 2019, CADHP/Rés.451 (LXVI) 2020 et CADHP/Rés.526 (LXXIII) 2022.
5. En la quatrième, il présente une brève analyse de la situation des défenseurs des droits de l’homme, de la liberté d’association et de réunion ainsi que des représailles en Afrique.
6. La dernière partie comporte des recommandations, à l’endroit des différents acteurs qui interagissent avec le mandat du Rapporteur Spécial.
PARTIE I
ACTIVITES AU TITRE DE POINT FOCAL SUR L’INDEPENDANCE JUDICIAIRE
7. Quelques initiatives et activités ont été menées. L’envoi d’appels urgents (A) et la participation au Sommet africain des juges et juristes (B).
A. Lettres d’Appel Urgent sur les allégations concernant la violation de l’indépendance judiciaire.
- Lettre d’appel urgent conjoint relative à l’enrôlement forcé des magistrats dans des opérations de sécurisation au Burkina Faso
8. Ensemble avec le Commissaire en charge du suivi de la situation des droits de l’homme au Burkina Faso, l’Honorable Commissaire Idrissa Sow, nous avons envoyé le 19 août 2024, une lettre d’appel urgent aux Hautes autorités du Burkina Faso. Nous avons exprimé notre préoccupation concernant la réquisition des magistrats (quatre Procureurs, deux Substituts du Procureur et un Juge d’instruction) le 9 août 2024 pour « participer aux opérations de sécurisation du territoire » pour une durée « renouvelable » de trois mois, entre le 14 août et le 13 novembre 2024. Cette réquisition qui ferait suite aux actes relevant de leurs fonctions qui n’auraient pas plu aux autorités politiques du pays.
9. Nous avons à cet effet notamment appelé les autorités du Burkina Faso à respecter et protéger la séparation des pouvoirs et l’indépendance des Magistrats dans l’accomplissement de leurs fonctions et à se conformer aux décisions des juridictions nationales censurant les réquisitions tout en mettant un terme à tout enrôlement forcé des Magistrats et des populations civiles.
- Lettre d’appel urgent relative à l’interférence des Hautes autorités dans l’administration de la justice en République de Zambie
10. J’ai envoyé, le 18 octobre 2024, une lettre d’appel urgent aux Hautes autorités de la Zambie. La lettre concerne les allégations sur l’interférence de certaines autorités du pays dans l’administration de la justice en Zambie, particulièrement la suspension de trois Juges de la Cour constitutionnelle. J’ai également exprimé ma préoccupation quant aux allégations relatives à la politisation du Pouvoir judiciaire avant les élections qui se tiendront en 2026. A cet égard, j’ai demandé aux autorités zambiennes d’informer la Commission notamment sur les mesures législatives, institutionnelles et politiques mises en place pour garantir l'indépendance du pouvoir judiciaire et éviter sa politisation, afin d'assurer le respect effectif des dispositions des articles 7 et 26 de la Charte africaine, qui concernent en particulier le droit à un procès équitable et l'indépendance des tribunaux.
Résultat 1 : Les autorités du Burkina Faso et de la République de Zambie ont été alertées respectivement sur la prévention et la lutte contre l’enrôlement forcé des magistrats et l’ingérence du pouvoir exécutif dans l’administration de la justice.
Recommandation 1 :
- Ramener les Magistrats enrôlés de force par les autorités du Burkina Faso à leurs postes respectifs.
- Observer un strict respect de la séparation des Pouvoirs et garantir l’indépendance judiciaire pour une bonne administration de la justice.
B. Participation au Sommet africain de tous les juges et juristes, 17 septembre 2024, à Nairobi au Kenya
11. Durant la période sous examen, la Commission représentée par l’Honorable Commissaire Dr. Litha Musyimi-Ogana, a pris part au sommet des juges et juristes africains organisé par le Forum des juges et juristes d’Afrique (AJJF).
12. Le Sommet organisé sous le thème : « Les magistrats au service de la transformation de l'Afrique en une puissance mondiale pour l'avenir » avait pour objectif principal d'évaluer et de discuter des moyens de renforcer le rôle des systèmes judiciaires dans la mise en œuvre de l'aspiration n° 3 de l'Agenda 2063 de l'Union Africaine sur « Une Afrique de bonne gouvernance, de démocratie, de respect des droits de l'homme ».
13. Les détails sont disponibles dans le rapport présenté par l’Honorable Commissaire Dr. Litha Musyimi-Ogana qui nous y a représenté.
PARTIE II
ACTIVITES EN QUALITE DE COMMISSAIRE RAPPORTEUR PAYS
14. En ma qualité de Commissaire Rapporteur en charge du suivi de la situation des droits de l’homme dans les Etats parties de l’Algérie, Cameroun, Côte d’Ivoire, Mali et Togo, j’ai pris quelques actions concernant les États parties suivants :
15. Concernant la République Algérienne démocratique et populaire, ensemble avec l’Honorable Selma Sassi-Safer, Rapporteure Spéciale sur les réfugiés, les demandeurs d’asile, les personnes déplacées internes et les migrants en Afrique, nous avons publié, le 15 juillet 2024, un communiqué de presse sur la découverte de 12 corps de migrants dont des enfants décédés dans le désert algérien non loin des frontières avec la Libye et d’autres corps de migrants subsahariens, dont une femme, retrouvés en plein désert vers la frontière avec le Mali et dans la région de Ain Salah.
16. La Commission a réitéré sa profonde préoccupation face aux disparitions continues des migrants dans différentes circonstances. Elle a rappelé aux Etats Parties leurs obligations pour prendre toutes les mesures nécessaires afin d’assurer la sécurité et la protection de tous les migrants.
17. S’agissant de la République du Mali, j’ai envoyé une lettre d’appel urgent conjoint avec l’Honorable Commissaire Ourveena Geereesha Topsy-Sonoo, Rapporteure spéciale sur la liberté d'expression et l'accès à l'information en Afrique à la suite de l’arrestation et la détention de 13 leaders de l’opposition au mois de mai, juin et juillet 2024.
18. A cette occasion, nous avons exprimé notre préoccupation quant aux nombreuses mesures qui portent atteinte à l’ouverture de l’espace civique, notamment la suspension des partis politiques et organisations de la société civile ainsi que l’interdiction de la couverture médiatique de leurs activités. Nous avons à cet effet demandé notamment que des enquêtes soient menées sur les circonstances de leur arrestation et assurer leur libération si aucune charge n’est retenue contre eux mais également d’abroger dans les meilleurs délais les décrets qui sont de nature à empêcher toute possibilité pour les acteurs politiques d'exercer leurs droits à la liberté d'expression, d'association et de réunion ainsi que de participer librement aux affaires publiques de leur pays.
19. Le Rapporteur pays est extrêmement inquiet de la situation des droits de l’homme dans les localités sœurs de Tin zaouatin (en Algérie) et Tinzaoutene (au Mali). Il appelle les deux Etats à ne ménager aucun effort pour le respect des droits de tous, sans aucune discrimination.
20. S’agissant de la République Togolaise, j’ai envoyé une lettre d’appel urgent concernant les allégations faisant état du rétrécissement de l’espace civique dans ce pays. J’ai exprimé ma préoccupation sur les nombreux cas rapportés où les autorités auraient interdit l'exercice légitime de la liberté de réunion. A cette occasion, j’ai demandé la révision de la Loi n° 2019-010 du 12 août 2019 modifiant la Loi n° 2011-010 du 16 mai 2011 fixant les conditions d'exercice de la liberté de réunion et de manifestations pacifiques publiques en s’assurant que ses dispositions soient conformes aux articles 10 et 11 la Charte Africaine et aux autres instruments des droits de l’homme régulièrement ratifiés et aux standards internationaux en matière de respect et de protection de l’espace civique ; et de s’assurer que la pratique administrative concernant le régime de déclaration de manifestation soit respectueuse des dispositions légales y relatives.
21. Concernant la République du Cameroun, nous avons, conjointement avec la Rapporteure spéciale sur la liberté d’expression et l’accès à l’information, envoyé une lettre d’appel urgent sur la situation des journalistes et la liberté d’expression dans le pays. A cette occasion, nous avons réaffirmé le rôle indispensable des médias, en particulier en prenant toutes les mesures nécessaires pour fournir aux Journalistes et autres professionnels des médias un environnement propice à l’exercice de la liberté d’expression, sans ingérence injustifiée ni crainte de représailles de la part des acteurs étatiques et non-étatiques.
22. J’ai également envoyé des lettres d’appel urgent sur l’arrestation et la détention de 13 personnes dont des activistes de la Communauté LGBTQI+ en République du Cameroun et sur les menaces et agressions contre les leaders et membres de la Communauté LGBTQI+ en République de Côte d’Ivoire. S’agissant de ce dernier pays, j’ai personnellement lors de mon discours d’ouverture, demandé aux autorités ivoiriennes de prendre des mesures nécessaires pour faire arrêter la campagne contre les « Woubis ». De même qu’il convient de demander au Ministère de la Justice en République Démocratique du Congo (RDC) de modérer son discours contre la communauté concernée Identifiée avec une expression empruntée des mathématiques « Deux fois-Deux fois ». Il convient aussi de rappeler aux autorités de ce pays l’urgence de ne plus menacer les Défenseurs de cette Communauté. Tout en rappelant la doctrine constante de la Commission selon laquelle il n’existe pas dans la Charte africaine un droit à l’homosexualité, la Commission a toujours indiqué que cette communauté bénéficie bel et bien de tous les droits matériels garantis par la Charte africaine.
23. A ce stade, il est très important de rappeler aux autorités desdits Etats, la Résolution CADHP/Res.275 (LV) 2014 sur « la protection contre la violence et d'autres violations des droits humains de personnes sur la base de leur identité ou orientation sexuelle réelle ou supposée», qui invite les Etats parties à s’assurer que les Défenseurs des droits de l’homme exercent leurs activités dans un environnement propice exempt de stigmatisation, de représailles ou de poursuites pénales en raison de leurs activités de défense des droits de l’homme y compris les droits de la Communauté LGBTQI+. J’ai rappelé en outre la Résolution CADHP/Rés. 376 (LX) 2017 sur la situation des défenseurs des droits de l’homme en Afrique qui appelle les Etats parties à prendre des mesures législatives spécifiques visant à reconnaître le statut des défenseurs des droits de l’homme, protéger leurs droits, ceux de leurs collaborateurs, proches et familles, y compris ceux travaillant sur les questions liées à l’orientation sexuelle et l’identité du genre.
Résultat 2 : Les hautes autorités de ces pays (Algérie, Mali, Cameroun, et Cote d’Ivoire) ont été sensibilisées.
Recommandations 2 :
- Demander à l’Algérie de prendre des mesures idoines pour la protection des migrants se trouvant sur son territoire ;
- Inviter le Cameroun et le Togo à adopter une loi spécifique sur la protection des défenseurs des droits de l’homme ;
- Demander au Mali, à la Cote d’Ivoire et à la République Démocratique du Congo qui ont déjà adopté ces lois de bien vouloir les mettre en pratique de manière adéquate.
PARTIE III
ACTIVITES AU TITRE DE RAPPORTEUR SPECIAL SUR LES DEFENSEURS DES DROITS DE L’HOMME ET POINT FOCAL SUR LES REPRESAILLES EN AFRIQUE
A. ACTIVITES DE PROMOTION
I. Visite académique en République d’Angola, du 4 au 5 juillet 2024
24. Nous avons pris part, ensemble avec Mme. Gina Paola Romero Rodrigues, Rapporteure Spéciale des Nations Unies sur la liberté de réunion et d’association, à une visite académique organisée par les ONGs KUTAKESA, MOSAIKO et Journalists Union.
25. Lors de cette visite, nous avons tenu une réunion avec les représentants des Organisations de la société civile avec lesquels nous avons échangé sur la situation des droits de l’homme et des défenseurs des droits de l’homme en Angola et dans la région d’Afrique australe ; les systèmes africain et onusien des droits de l’homme, leurs mécanismes subsidiaires/procédures spéciales en particulier nos mandats respectifs. Des discussions sur les priorités et les stratégies pour l’amélioration de l'efficacité de nos mécanismes ont été également menées. La réunion a servi également de cadre de réflexion sur les lois restrictives qui pourraient menacer et compromettre le travail des ONG et des défenseurs des droits de l'homme en Angola, au Mozambique, au Zimbabwe et en Afrique du Sud.
26. En marge de cette visite, nous avons eu une réunion de travail avec l’Ombudsman qui nous a présenté son institution ainsi que les grandes réalisations dans la promotion et la protection des droits de l’homme en Angola. Bien qu’à ce stade, les deux mécanismes onusien et africain n’aient pas été mis en situation d’interagir adéquatement avec l’Ombudsman, il est important que cette catégorie de défenseurs des droits de l’homme sache situer la structure de l’Ombudsman dans l’environnement institutionnel national et international pour le bénéfice des populations au nom desquelles elle a été instituée par les autorités nationales (autorités angolaises), comme étant une structure indépendante.
27. La visite a été également marqué par une conférence publique que nous avons animée sur le système africain et onusien des droits de l’homme à l’endroit d’une trentaine d’étudiants du Programme de Master en Droits de l’Homme à l’Université Lusíadas d’Angola.
28. Je saisis cette opportunité pour remercier l’ONG KUTAKESA et ses partenaires pour avoir organisé et facilité le bon déroulement de cette visite. De même que je remercie les autorités angolaises informées qui ont laissé cette mission se réaliser, particulièrement Son Excellence la Ministre Ana Celeste Januário.
Résultat 3 : Mise à jour sur la situation des défenseurs des droits de l’homme et le travail du mécanisme spécial ainsi que la formulation des recommandations sur la protection et la restauration de l’espace civique en Angola.
Recommandation 3 : Nous encourageons les organisations de la Société civile à initier les visites académiques du mécanisme pour palper du doigt la situation des défenseurs des droits de l’homme dans différents pays. Nous invitons à ouvrir son champ de collaboration avec l’organisation des Ombudsmans qui travaillent aussi pour la promotion et la protection des droits de l’homme en Afrique.
II. Consultation virtuelle avec les organisations de la société civile kenyane, 23 août 2024
29. J’ai participé à une consultation virtuelle avec les Représentants des organisations de la Société civile kenyanne, facilité par DefendDefenders (le Projet des Défenseurs des Droits de l'Homme de l'Afrique de l’Est et la Corne de l’Afrique) et AfricanDefenders (the Pan-African Human Rights Defenders Network).
30. A cette occasion, ils nous ont donné un aperçu général de la situation des droits de l'homme et de la gouvernance au Kenya. Le mauvais environnement de travail dans lequel opèrent désormais les Défenseurs des droits de l’homme au Kenya depuis le début des manifestations en juin 2024 a été notamment abordé. Des cas de violations flagrantes des droits de l'homme lors de manifestations pacifiques nous été rapportés, notamment les meurtres et/ou assassinats (39 cas), disparitions forcées (32 cas), arrestations arbitraires (627 cas) et parfois collectifs, enlèvements, usage excessif de la force, restrictions, agressions, repressions, harcèlements ciblés des dirigeants et des activistes qui soutiennent la liberté de réunion et de manifestation, tortures, surveillances en ligne, exécutions sommaires et extrajudiciaires, etc.
Résultat 4 : Publication d’un communiqué de presse et envoi d’un appel urgent conjoint exprimant notre préoccupation avec des recommandations aux autorités du Kenya.
Recommandations 4 :
- Poursuivre le monitoring de la situation particulière de tous les défenseurs des droits de l’homme au Kenya.
- prendre de mesures idoines pour mettre fin aux violations des droits de l’homme.
III. Participation à la formation régionale des journalistes d'Afrique de l'Ouest sur le reportage et l'engagement auprès de la Commission, 1er au 3 juillet 2024, à Porto Novo, Bénin
31. J’ai participé virtuellement à la formation régionale des journalistes d'Afrique de l'Ouest sur le reportage et l'engagement auprès de la Commission organisée par le Réseau des Femmes Leaders pour le Développement (RFLD) en collaboration avec DefendDefenders et CIVICUS. Le programme de formation avait pour objectif global de renforcer les capacités des journalistes pour une meilleure compréhension des principes des droits de l'homme, du rôle de la Commission africaine et du Rapporteur spécial sur les défenseurs des droits de l'homme en vue de promouvoir la transparence et de plaider efficacement pour la protection des défenseurs des droits de l’homme en Afrique de l’Ouest.
32. Plusieurs points ont été abordés au cours de cette formation notamment : les menaces et défis grandissants de l'espace civique en Afrique de l'Ouest et en Afrique centrale, les stratégies de reportage sur la violence basée sur le genre, le rôle, la responsabilité et l’impact des journalistes pour le reportage, le plaidoyer et la mobilisation en faveur de l'espace civique, les stratégies de plaidoyer efficaces pour défendre l'espace civique, et la collaboration entre les journalistes et les acteurs de la société civile pour renforcer l'espace civique. A cet effet, j’ai fait une présentation sur le mandat de la Commission Africaine des Droits de l’Homme et des Peuples et son rôle dans la protection de l'espace civique.
33. La formation a permis aux participants de partager leurs expériences, les défis et les meilleures pratiques en matière de promotion de l'espace civique et des droits de l'homme en Afrique. Elle a également mis en évidence la nécessité d'une collaboration accrue et d'un renforcement des capacités pour relever les défis auxquels sont confrontés les journalistes et les organisations de la société civile dans la région de l’Afrique de l’Ouest.
Résultat 5 : Etablissement d’un état des lieux sur la situation des journalistes en Afrique de l’Ouest, et le renforcement des capacités sur le reportage des questions relatives aux droits de l’homme.
Recommandation 5 : Multiplier les initiatives de renforcement des capacités en faveur des journalistes et défenseurs des droits de l’homme pour le travail en synergie et l’amélioration de leur interaction avec les mécanismes régionaux et internationaux des droits de l’homme.
IV. Participation à la commémoration de 10 ans de la Résolution 275 tenue du 28 au 29 août 2024 à Johannesburg, Afrique du Sud
34. Nous avons participé avec l’Honorable Commissaire Zachariah Mudford Mwandenga à la Commémoration de dix ans de la Résolution CADHP/Rés.275 (LV) 2014 sur la protection contre la violence et d'autres violations des droits humains de personnes sur la base de leur identité ou orientation sexuelle réelle ou supposée, adoptée lors de la 55ème Session ordinaire de la Commission tenue du 28 avril au 12 mai 2014, à Luanda, Angola.
35. La commémoration a été célébrée sous le thème « Faire progresser les droits des personnes LGBTIQ+ en Afrique ». A cette occasion, j’ai prononcé le discours à l’ouverture de l’évènement au cours duquel j’ai notamment souligné l’existence dans certains pays, des lois punitives et des politiques et pratiques restrictives qui légitiment parfois les violations des droits de l'homme commises contre les personnes LGBTIQ+, la persistance des pesanteurs culturelles et religieuses, les normes patriarcales, la politisation et l'instrumentalisation de la thématique de l’orientation sexuelle et l’identité de genre, l'exclusion et la marginalisation des défenseurs des droits humains LGBTIQ+ ainsi que l’absence de politiques et programmes relativement aux droits de santé sexuelle et reproductive des personnes LGBTIQ+.
36. A cet effet, j’ai rappelé les obligations des Etats parties en vertu de la Résolution 275 qui leur demande de protéger les défenseurs des droits de l'homme et les organisations de la société civile contre toutes les formes de persécution en raison de leur travail sur les questions relatives à l'orientation sexuelle et l'identité de genre, et d'adopter des mesures appropriées en promulguant des lois, en menant des enquêtes et en engageant des poursuites dans les cas de violence ou d'abus à l'encontre de personnes sur la base de leur orientation sexuelle ou de leur identité de genre, réelle ou imputée.
Résultat 6 : Sensibilisation sur la mise en œuvre de la Résolution 275 en Afrique.
Recommandation 6 : prévenir et lutter contre toute violation des droits de l’homme en général et celles commises sur base de l’orientation sexuelle et l’identité de genre, en particulier.
V. Déclaration conjointe sur la protection du droit à la liberté d’association à la lumière des lois sur les « agents de l’étranger » et de l’« influence étrangère », 13 septembre 2024
37. Dans le cadre de la commémoration de la journée internationale sur la démocratie célébrée chaque année le 15 septembre et sur initiative du Rapporteur spécial des Nations unies sur les droits à la liberté de réunion et d'association, nous avons conjointement avec le rapporteur spécial sur la liberté d'expression de la Commission Interaméricaine des Droits de l'Homme (CIDH), le Rapporteur Spécial sur les défenseurs des droits de l'homme de la CIDH, le Représentant de l'Indonésie auprès de la Commission intergouvernementale des droits de l'homme de l'ANASE (AICHR), et le Bureau des institutions démocratiques et des droits de l'homme (BIDDH) de l’Organisation pour la Sécurité et la Coopération en Europe (OSCE), nous avons adopté, le 13 septembre 2024, une déclaration conjointe visant à protéger et à empêcher la stigmatisation du droit à la liberté d'association face à la propagation de l'expression « agent étranger »/« influence étrangère » et des lois ayant des effets similaires.
38. La déclaration a souligné notamment la préoccupation des mécanismes concernant la propagation, dans toutes les régions, d’initiatives législatives et de projets de loi ayant des effets analogues, qui introduisent des obligations, des restrictions ou des interdictions inutiles, disproportionnées et discriminatoires à l’encontre d’associations répondant à la définition au sens large d’« agent étranger » ou d’« influence étrangère » ou des lois similaires.
39. A cette occasion, les mécanismes ont souligné le champ d’application de la déclaration commune. Ils ont en outre rappelé les principes généraux qui doivent guider les Etats dans la mise en oeuvre du droit à la liberté d’association ainsi que des mesures à adopter pour protéger les associations contre les restrictions injustifiées et la stigmatisation dues à des lois et à des initiatives législatives de type « agent étranger » ou « influence étrangère ».
Résultat 7 : Sensibilisation sur les principes généraux applicables dans l’exercice du droit à la liberté d’association et les obligations des Etats pour le respect et la mise en ouvre dudit droit.
Recommandation 7 : Poursuivre et multiplier la collaboration avec les mécanismes spéciaux dans le cadre de la Feuille de Route d’Addis Abeba.
VI. Participation à un dialogue interactif avec les défenseurs des droits de l'homme de la sous-région de l'Afrique de l'Est et de la Corne de l'Afrique, 1er au 4 octobre 2024, à Kampala, Ouganda.
40. J’ai pris part au dialogue interactif entre les défenseurs des droits de l'homme de l'Afrique de l'Est et de la Corne de l'Afrique avec les mécanismes onusien et africain des droits de l’homme, organisé du 1er au 3 octobre 2024 par DefendDefenders (Projet des défenseurs des droits de l'homme de l'Afrique de l'Est et de la Corne de l'Afrique) et AfricanDefenders (Réseau panafricain des défenseurs des droits de l'homme).
41. La réunion avait pour objectif principal de renforcer les capacités des défenseurs des droits de l’homme de la région d’Afrique de l’Est et de la Corne de l’Afrique pour renforcer la synergie, améliorer leur accès et stimuler leur engagement avec les systèmes régionaux et internationaux des droits humains. Elle nous a donné l’occasion d’échanger notamment sur les mandats et rôles des différents mécanismes ainsi que l’identification des stratégies à mettre en place en vue de renforcer l’engagement et la coopération entre les DDH et les mécanismes régionaux et internationaux de promotion et de défense des droits de l’homme.
42. J’ai également eu l’occasion de m’entretenir avec les représentants de la société civile ougandaise avec lesquels j’ai échangé sur des thèmes variés notamment les nouvelles tendances en matière des droits de l’homme en Ouganda, en général et sur les questions liées à l’espace civique et à la protection des défenseurs des droits de l’homme en particulier.
Résultat 8 : Renforcement des capacités des DDH pour l’amélioration de leur collaboration avec les mécanismes régionaux et internationaux des droits de l’homme.
Recommandation 8 : Duplication de telles initiatives dans d’autres régions de l’Afrique.
B. ACTIVITES DE PROTECTION
I. Appels urgents
43. Au cours de la période sous examen, le mécanisme a reçu de plaintes portant sur des allégations de violations des droits des défenseurs des droits de l’homme, auxquelles il a donné suite selon les besoins spécifiques de chaque cas. Ainsi, au cours de la période sous examen, douze (12) lettres d’appel urgent ont été envoyées aux États parties de : Cameroun (2), Côte d’Ivoire (2), Ethiopie (1), Guinée Equatoriale (1), Kenya (1), Mali (1), Ouganda (1), République démocratique du Congo (2) et Togo (1).
44. Ces plaintes concernent des allégations sur les violations des droits de l’homme relatives notamment :
- Arrestation et détention arbitraire des défenseurs des droits de l’homme et opposants politiques ;
- les menaces et agressions contre les leaders et membres de la Communauté LGBTQI+ ;
- Le harcèlement judiciaire, représailles et intimidation des défenseurs des droits de l’homme ;
- Assassinat, enlèvements, disparitions forcées, tortures et de mauvais traitements, inhumains ou dégradants des défenseurs des droits de l’homme ;
- Irrégularités et dispositions restrictives à l’espace civique dans les lois, décrets et ordonnances adoptés ;
- Restriction à la liberté d’association, de réunion et de manifestation pacifique ;
45. J’ai également publié des communiqués de presse, soit individuellement ou conjointement avec d’autres mecanismes, notamment le communiqué de presse sur la situation des défenseurs des droits de l’homme au Kenya. A cette occasion, j’ai exprimé la préoccupation de la Commission quant aux allégations de recrudescences de diverses formes de violences soutenues par l’Etat dans un climat d’impunité des forces de l’ordre et des forces de sécurité. J’ai rappelé le rôle important que joue la Société civile kenyane dans la revendication pacifique des droits légitimes face au Gouvernement qui en est le principal et unique débiteur. J’ai ainsi recommandé au Gouvernement et à la Société civile de respecter la Charte africaine ainsi que ses Protocoles, et d’autres instruments régionaux et internationaux des droits de l’homme, dans toutes leurs actions et ce, sans aucune exception.
II. Réponses des États
46. Le mécanisme n’a reçu aucune réponse des Etats parties concernés, certains parmi eux étant encore dans les délais de soumission de leurs réponses.
Résultat 9 : Attirer l’attention des Etats parties concernés en vue l’adoption de mesures adéquates pour remédier aux violations alléguées, si elles s'avéraient exactes.
Recommandation 9 : Répondre aux lettres d’appel urgent envoyées par le Mécanisme et prendre des mesures adéquates pour prévenir et lutter contre les violations des droits de l’homme.
PARTIE IV
ANALYSE DE LA SITUATION DES DEFENSEURS DES DROITS DE L’HOMME EN AFRIQUE
47. Un cadre juridique national favorable est un élément nécessaire pour garantir un environnement sûr et propice au travail des défenseurs des droits de l'homme, comme nombreux instruments internationaux et régionaux le disposent, notamment l'absence de lois et de pratiques qui restreignent et criminalisent leur travail, ainsi que l'adoption et la mise en œuvre effective de lois et de mesures qui garantissent leur soutien et leur protection.
48. La situation des défenseurs des droits de l’homme a évolué de manière positive dans certains pays tandis que dans d’autres elle ne cesse de se détériorer. Dans les lignes qui suivent, nous faisons un état des lieux de la situation des défenseurs des droits de l’homme, de la liberté d’association et de réunion, de manifestation et la question des représailles dans quelques pays.
A. LA LIBERTE D’ASSOCIATION ET DE REUNION EN AFRIQUE
49. La liberté d’association, de réunion et de manifestation pacifique sont des droits essentiels à l’expression collective et à la défense de l’ensemble des droits humains.
50. En ce qui concerne les développements positifs, le mécanisme a noté notamment :
- L’initiative du gouvernement gabonais et sa volonté politique de doter aux défenseurs des droits de l’homme, une loi sur leur protection ;
- L’engagement du Cameroun, fait lors de son passage devant l’Examen Périodique Universel, de réviser la Loi n°2014-28 du 23 décembre 2014 portant répression des actes de terrorisme pour la rendre conforme aux engagements internationaux en matière de droits de l’homme ;
- La participation de plus en plus grandissante des défenseurs des droits de l’homme aux sessions publiques de la Commission ;
- L’organisation des ateliers et séminaires de vulgarisation et dissémination des lois sur la protection des défenseurs des droits de l’homme notamment en Côte d’Ivoire, Mali, Burkina Faso et en République démocratique du Congo;
- La tenue d’une rencontre d’échange et d’adoption de l’avant-projet d’arrêté fixant les modalités d’application de la loi relative à la protection et la responsabilité des défenseurs des droits de l’homme en République démocratique du Congo
- Les rencontres d’échange entre les Mécanismes nationaux de protection des défenseurs des droits humains et les organisations de la société civile en Côte d’Ivoire et au Mali notamment.
51. Au titre des domaines de préoccupation le mécanisme a relevé notamment les situations suivantes :
- La répression accrue à l’égard des défenseurs des droits de l’homme qui sont contre la levée du moratoire sur la peine de mort en RDC ;
- L’arrestation et la détention des défenseurs des droits de l’environnement en Tanzanie, en Ouganda et en RDC ;
- L’arrestation et la détention de défenseurs des droits des migrants en République Tunisienne et les campagnes de diffamation à leur encontre ;
- Les atteintes répétées contre les défenseurs des droits de l’homme travaillant sur les questions des minorités sexuelles et l’identité de genre, notamment en Côte d’Ivoire au Cameroun ;
- L’arrestation de plus de 300 manifestants lors de récentes manifestations contre un projet de loi fiscale au Kenya ;
- La répression et l’usage excessif de force parfois léthale pour réprimer les manifestations dans certains pays, entrainant parfois des pertes en vies humaines, des blessés et des arrestations massives des manifestants ;
- Certains Etats continuent à exiger une autorisation préalable avant toute manifestation, malgré le régime déclaratif en place qui encadre la jouissance de cette liberté ;
- L’interdiction de manifestations, notamment aux partis politiques de l’opposition et autres voix dissidentes, particulièrement en périodes électorales;
- Lourdeurs administratives dans l’enregistrement légal des associations et ONGs de défense des droits de l’homme dans certains pays ;
- la persistance de cadres législatifs et restrictions juridiques constantes qui entravent fortement le travail des associations et organisations de la société civile dans certains États, et ce malgré l'engagement des Etats parties à respecter et à garantir les droits de l'homme sans discrimination,;
- La politisation des organisations de la société civile et du travail des défenseurs des droits humains ;
- L'absence de lois et autre mécanisme juridique de protection spécifique des défenseurs des droits humains dans la plupart des pays ouvre une grande brèche aux violations des droits des DDH et renforce leur vulnérabilité ;
- Observation continue par certains États des mesures d’urgence sanitaire ou sécuritaire pour restreindre indûment les libertés (droits) d'association et de réunion, en particulier pour les acteurs politiques de l'opposition, la société civile et les défenseurs des droits de l’homme ;
52. La Commission rappelle ses Lignes Directrices sur la liberté d'association et de réunion en Afrique qu’elle a adoptées pour aider les États parties, y compris les décideurs politiques, les rédacteurs de lois et les législateurs, à s'assurer que la législation, les politiques et les pratiques administratives sont conformes aux meilleures pratiques et aux normes internationales et que les mesures ne portent pas atteinte de manière injustifiée aux libertés d'association et de réunion.
53. Nous encourageons les États à utiliser ces Lignes directrices et notons en particulier le rôle important que jouent les tribunaux nationaux pour garantir les libertés d'association et de réunion. Nous appelons également les institutions nationales des droits de l'homme et les ONG à diffuser largement ces Lignes Directrices et à faire le suivi de leur mise en œuvre et à partager les informations relatives à notre mandat.
B. LA QUESTION DES REPRESAILLES SUR LE CONTINENT
54. Les actes de représailles, toujours d’actualité, demeurent fortement présents et manifestés sous différentes formes, notamment les meurtres, les assassinats, le harcèlement systématique, les restrictions indues de l'accès aux réunions des organes de droits de l’homme, les menaces diverses, les violences physiques et autres abus, les restrictions injustifiées des activités des organisations de la société civile, l’espionnage, le cambriolage de sièges des Organisations et associations, la diffamation, la suspension des agréments, les arrestations et détentions arbitraires et les procédures judiciaires répétitives.
55. Ces cas de représailles sont pratiquement communs à l’ensemble du continent avec un degré de gravité plus ou moins avancé selon les pays. Nous citons notamment :
- L’assassinat de Dolly Ibefo Mbunga, activiste de la « voix des sans voix » en RDC ;
- L’assassinat de Me Elvino Dias, avocat, défenseur des droits de l’homme et figure de l’opposition au Mozambique ;
- L’enlèvement et l’assassinat de Me Gontrand Somé et Me Christian Kaboré, avocats et défenseurs des droits de l’homme au Burkina Faso ont été enlevés sur l’axe Dédougou-Bobo Dioulasso, et aujourd’hui 12 octobre 2024, les corps sans vie des deux avocats viennent d’être découverts
56. Nous invitons les États à entreprendre des enquêtes sur les menaces et les actes d'intimidation subis par les défenseurs des droits de l’homme et de veiller à ce que les présumés coupables soient traduits en justice et que les titulaires de droits et les victimes obtiennent justice et réparations adéquates.
57. En vertu du mandat assigné au mécanisme sur les questions des représailles, nos efforts dans le domaine de prévention et de lutte contre les représailles à l’encontre des défenseurs des droits de l’homme qui collaborent ou tentent de collaborer avec la Commission Africaine se poursuivent.
C. LE DECLOISONNEMENT DE L’ESPACE CIVIQUE SUR LE CONTINENT AFRICAIN
58. Depuis quelques années déjà, la limitation de l’espace civique est devenue le lot partagé par plusieurs Etats parties à la Charte. Et pourtant, nul ne conteste l’utilité du travail des Défenseurs des Droits de l’homme sur la plan national que sur le plan international. C’est la raison pour laquelle il est important d’inventer de nouvelles routes pour libérer l’espace civique et lui permettre de s’épanouir. Deux possibilités nous sont offertes :
59. En la première, au plan international, nous proposons trois solutions :
a) L’autonomisation fonctionnelle du Fong (Forum des ONGs) en vue de lui permettre d’adopter ses propres outils et recommandations aux Etats, à la Commission, et aux autres parties prenantes. L’idée principale est que l’opinion de la Société Civile Africaine est autonome et mérite d’être respectée en tant que telle.
b) L’utilisation du tracker des libertés d'association et de réunion en Afrique pour continuer à faire le plaidoyer en se basant sur un outil transparent et objectif mis à la disposition du public par le Rapporteur spécial grâce à l’appui technique de son Groupe de soutien pour la promotion et le suivi de la mise en œuvre effective des Directives sur la liberté d'association et de réunion en Afrique.
c) La documentation et la publication régulière de tous les livrables produits par le Forum des ONGs ainsi que l’adoption par la Commission, du Projet de Déclaration africaine sur la promotion du rôle des défenseurs des droits de l’homme et leur protection en Afrique.
60. En la deuxième, au plan national, plusieurs actions peuvent être entreprises notamment :
a) Limiter l’usage des lois qui freinent l’éclosion et l’épanouissement de l’espace civique prétendument pour lutter contre le terrorisme ou contre la circulation des flux financiers illicites.
b) Continuer l’effort de l’adoption des lois qui protègent les Défenseurs des droits de l’homme à l’instar de la Cote d’Ivoire, du Burkina Faso, du Mali et du Niger en Afrique de l’Ouest et de la RDC en Afrique Centrale.
c) Laisser libre-cours aux manifestations par le recours à la technique des « espaces dédiés » comme c’est le cas de la Place des Nations à Genève en Suisse. Chaque Etat doit encourager la liberté de réunion par toutes les voies disponibles et les aires ne manquent pas pour ce faire.
d) Encourager le mouvement associatif et éviter la bureaucratie de l’enregistrement qui freine les citoyens à tirer bénéfice des avantages leur procurés par la Charte Africaine.
D. CAS EMBLEMATIQUES
61. Le Rapporteur Spécial sur les Défenseurs des droits de l’homme est préoccupé par les cas emblématiques des Défenseurs des droits de l’homme ci-après :
i. Burkina Faso : Mme Binta Sidibe- Gascon de l’Observatoire Kisal
ii. Mozambique: M. Elvinio Dias, M. Paulo Guambe et Dr. Wiker de Assis de Souza Dias, Directeur Executif de la Plate forme DECIDE.
iii. Zambie : Juge Annie Sitali, Juge Mungeni Mulenga, et Juge Palan Mulonda
iv. RDC : les avocats et défenseurs des droits de l’homme qui se sont exprimé contre la levée du Moratoire sur la peine de mort. Il s’agit notamment de Michel Kalemba et de Guylain Kongolo de l’ACAT RDC.
62. Le rapporteur Spécial sollicite de la part de ces Etats la clarification de leurs situations respectives.
PARTIE V. CONCLUSIONS ET RECOMMANDATIONS
A. CONCLUSIONS
63. Nous continuons à déplorer la situation alarmant des défenseurs des droits de l’homme sur le continent. Le nombre de plaintes reçues par le mécanisme demeure stable, cependant certains pays plus que d’autres font l’objet de plaintes régulières dont nous nous efforçons de vérifier la véracité avant de contacter l’État concerné. A cet effet, nous voulons souligner que le suivi de nos appels urgents, tant sur la réception effective par les États que sur la mise en œuvre de nos recommandations, demeure toujours un défi majeur.
64. Concernant ses activités, le mandat poursuit sa collaboration avec les États sur différentes questions, notamment :
- La bonne application des normes et des standards des droits de l’homme relatifs aux défenseurs des droits de l’homme notamment par le biais de recommandations sur les rapports des États, de visites de pays, des missions d'enquête, d’appels urgents et autres moyens ;
- L’adoption des lois sur la protection des défenseurs des droits de l’homme et à ce propos il réitère sa disponibilité à les accompagner dans les différentes étapes de l’adoption de ces lois ;
- La mise en œuvre des différentes normes moues relatives à la promotion et la protection des droits des défenseurs des droits de l’homme.
65. Le mécanisme poursuit en outre l’élaboration de l’étude pour évaluer le niveau de conformité des législations nationales avec les Lignes directrices sur la liberté d’association et de réunion en Afrique. Un rapport détaillé sur les législations et les politiques qui imposent des restrictions aux libertés publiques et réduisent le rôle et l'espace opérationnel des acteurs de la société civile sera présenté au moment opportun.
66. Le mécanisme poursuit également ses consultations avec les différentes parties prenantes pour recueillir leurs contributions et points de vue sur le projet de Déclaration africaine sur la promotion du rôle des défenseurs des droits de l’homme et leur protection en Afrique.
67. Afin, le mécanisme poursuit son rôle de leadership dans l’élaboration du Projet de Déclaration Africaine sur la promotion du rôle des défenseurs des droits de l’homme et leur protection.
B. RECOMMANDATIONS
68. Les recommandations formulées dans nos précédents rapports restent d’actualité. Le mandat souhaiterait que les États parties et les différents acteurs y compris ceux de la société civile se les approprient et s’attellent à leur mise en œuvre effective.
Aux États Parties :
i. Elaborer, adopter et mettre en œuvre des lois, des politiques et programmes nationaux plus solides et adéquats en matière de protection des défenseur.es des droits de l'homme ;
ii. Vulgariser la loi sur les défenseur.es auprès des autorités administratives, judiciaires et sécuritaires afin de lever toute forme de restrictions limitant le travail des défenseur.es des droits humains ;
iii. S’assurer que les mécanismes mis en place pour la protection des défenseurs des droits de l’homme soient inclusifs et comportent des représentants de la société civile, dans leur composition ;
iv. S’assurer que les projets de loi sur la protection des défenseurs des droits de l’homme soient conformes aux normes régionales, internationales et à la loi type pour la reconnaissance et la protection des défenseurs des droits de l’homme afin de créer un environnement juridique favorable à leur travail ;
v. S’assurer que la révision des lois sur la lutte contre le terrorisme réponde aux normes régionaux et internationaux pertinents et aux Principes et lignes directrices sur les droits de l'homme et des peuples dans la lutte contre le terrorisme en Afrique adoptés par la Commission en 2015;
vi. S’abstenir d’adopter des lois liberticides tendant à restreindre l’espace civique et les activités légitimes de promotion et de défense des droits de l’homme des défenseurs ;
vii. Adopter des lois spéciales pour prendre en charge la question de la protection des défenseurs des droits de l’homme environnementaux ou en situation de crise sanitaire et sécuritaire ou d’autres crises continentales ou mondiales ;
viii. Sensibiliser et renforcer les capacités des différents acteurs y compris les défenseurs sur les lois et règlements régissant la promotion et la protection des droits de l’homme ;
ix. Prendre toutes les mesures idoines afin d’assurer que les défenseurs mènent leurs activités dans des conditions de sécurité exempt de toutes menaces pour leur intégrité physique et morale ;
x. Apporter une attention particulière à la situation des femmes défenseures des droits de l’homme qui reste une préoccupation constante pour le mécanisme du Rapporteur spécial ;
xi. S’abstenir de radier les ONGs et organisations de la société qui opèrent dans le domaine de la promotion et la protection des droits de l’homme et renforcer l’espace civique et démocratique en favorisant la liberté d’expression, d’association et de réunion pacifique pour tous les défenseur.es des droits humains ;
xii. S’assurer que les mesures prises par les États pour combattre le terrorisme sont en conformité avec la Déclaration de principes sur la liberté d’expression en Afrique de la Commission Africaine et les Principes et directives sur les droits de l’homme et des peuples dans la lutte contre le terrorisme en Afrique ;
xiii. Mettre en place des mécanismes adéquats en vue de la réparation des préjudices subis par les défenseurs des droits de l’homme dans le cadre de leur travail ;
xiv. S'engager dans le dialogue et la consultation avec les défenseurs des droits de l'homme, reconnaître publiquement et soutenir leur travail au moyen de campagnes de communication et d'information ;
x. Encourager et promouvoir l’organisation du travail des défenseurs en réseaux associatifs au niveau national, sous régional et continental ;
xi. Être plus proactifs dans les réponses apportées à leur attention concernant les allégations de violations des droits de défenseurs par mon mécanisme et les autres mécanismes de la Commission.
A l’Union Africaine et autres organismes régionaux et sous régionaux :
i. Reconnaître le rôle essentiel des défenseurs des droits de l'homme dans la mise en œuvre effective des principes démocratiques, de l'État de droit, de bonne gouvernance et de développement durable en Afrique ;
ii. Encourager les États membres et les organes de l'Union africaine à mener des campagnes de sensibilisation sur le rôle fondamental joué par les défenseurs des droits de l'homme ;
iii. Créer un espace de dialogue entre les États, les défenseurs des droits de l'homme et d'autres acteurs clés sur les défis, les bonnes pratiques et les progrès en matière de protection des défenseurs des droits de l'homme ;
iv. Encourager et soutenir une pleine collaboration entre les mécanismes nationaux, régionaux et internationaux de défense des droits de l'homme.
Aux institutions nationales des droits de l’homme :
i. Exercer pleinement leurs mandats de promotion et de protection afin de tenir les États responsables des violations commises contre les défenseurs des droits de l'homme et intervenir à l'appui des défenseurs victimes de violations des droits de l'homme ;
ii. Établir des mécanismes internes sur la protection des défenseurs des droits de l'homme au sein de l'institution et veiller à ce qu'ils disposent de ressources suffisantes et collaborent activement avec tous les défenseurs des droits de l'homme ;
iii. Pérenniser les initiatives relatives à la tenue régulière du Forum des INDH en prélude aux Sessions de la Commission.
Aux organisations de la société civile :
i. Continuer à collaborer avec les mécanismes nationaux, régionaux et onusiens pour la promotion et la protection des droits de l'homme, afin de prévenir et de répondre aux violations des droits de l'homme commises contre les populations et les défenseurs des droits de l'homme ;
ii. Ne pas se focaliser uniquement sur la satisfaction de certains droits de l’homme (droit à la liberté et de réunion par exemple) au détriment d’autres droits (droit à la vie ; droits économiques, sociaux et culturels et les droits collectifs) et de rechercher à maintenir des équilibres nécessaires pour que la satisfaction de certains droits n’aboutisse à la destruction d’autres ;
iii. Mettre en place et renforcer les réseaux de défenseurs nationaux et régionaux afin de promouvoir la collaboration et les approches intersectorielles qui permettent l’établissement d’alliances avec des groupes divers ;
iv. Développer des approches novatrices pour impliquer le grand public, les acteurs politiques et d'autres leaders d'opinion, y compris les médias, dans le travail des défenseurs des droits de l'homme ;
iv. Respecter les lois et les règlements en place et mener leurs activités dans le respect des textes internationaux, régionaux et nationaux consacrés à cet effet ;
iv. Éviter l’instrumentalisation politique de leurs activités et contribuer mutuellement au renforcement des capacités des uns et des autres ;
v. Poursuivre leurs activités de promotion et de défense des droits de l’homme et engager un dialogue constructif avec les différents acteurs.
Aux médias
i. S'engager dans le dialogue avec tous les défenseurs des droits de l'homme et soutenir leurs efforts pour faire progresser les droits de l'homme, l’état de droit, le changement social et le développement ;
ii. Travailler solidairement au côté des défenseurs des droits de l’homme en vue de leur permettre de s’informer et d’informer les populations à bon escient.
Aux leaders religieux et traditionnels
i. Œuvrer à l’élimination des obstacles contre le travail des défenseurs des droits de l'homme et des organisations de la société civile, en particulier l'accès aux communautés ;
ii. Travailler pour prévenir les pratiques négatives qui sont sources de discrimination à l'égard des femmes défenseurs et des défenseurs des droits de l'homme travaillant avec des personnes qui sont criminalisées et/ou discriminées, comme les travailleur.es du sexe, les personnes vivant avec le VIH et les personnes aux diverses orientations et identités sexuelles.
Aux partenaires techniques et financiers
i. Tout en les remerciant de leur appui constant, je les encourage à poursuivre leur soutien au mécanisme, aux États parties, aux institutions nationales et à la société civile, dans leurs actions en vue d’une meilleure promotion et protection des droits des défenseurs des droits de l’homme.