Groupe de travail sur la peine de mort, les exécutions extrajudiciaires, sommaires ou arbitraires et les disparitions forcees en afrique - 81OS

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RAPPORT D'ACTIVITÉS INTERSESSION

(Mai – octobre 2024)

-Présenté par

L’HONORABLE COMMISSAIRE IDRISSA SOW

PRÉSIDENT DU GROUPE DE TRAVAIL SUR LA PEINE DE MORT, LES EXECUTIONS EXTRAJUDICIAIRES, SOMMAIRES OU ARBITRAIRES ET LES DISPARITIONS FORCEES EN AFRIQUE

 81ème Session ordinaire de la CADHP

Banjul, Gambie, du 17 octobre au 6 novembre 2024

INTRODUCTION

Le présent Rapport est soumis conformément aux Règles 25 (3) et 64 du Règlement Intérieur 2020 de la Commission Africaine des Droits de l'Homme et des Peuples (la Commission) et de la section 3 (d) des Règles portant création et fonctionnement des mécanismes spéciaux de la Commission. Il couvre les activités menées au cours de la période d'intersession de mai à octobre 2024.  

Le rapport comporte quatre chapitres. Le chapitre I présente un panorama de la situation de la peine de mort, des exécutions extrajudiciaires, sommaires ou arbitraires et des disparitions forcées en Afrique. Le Chapitre II couvre les activités menées en ma qualité de Président du Groupe de travail sur la peine de mort, les exécutions extrajudiciaires, sommaires ou arbitraires et les disparitions forcées en Afrique (Groupe de travail) et de membres d’autres mécanismes spéciaux ; le chapitre III concerne les activités menées en mes qualités de commissaire rapporteur pays ; et enfin le chapitre IV est consacré aux conclusions et recommandations.   

Chapitre I :    Situation de la peine de mort, des exécutions extrajudiciaires, sommaires ou arbitraires et des disparitions forcées en Afrique

Peine de Mort
Au cours de la période considérée, le nombre de pays abolitionnistes n’a pas évolué faisant que sur les 54 Etats parties à la Charte, 24 ont aboli la peine de mort pour tous les crimes[1], 4 pour les crimes de droit commun,[2] tandis que 15 autres observent un moratoire sur les exécutions.[3]

L’analyse empirique des données statistiques sur la question de la peine de mort sur le continent laisse entrevoir une forte dynamique en faveur de l’abolition. L’évolution de la situation de la peine de mort montre que la majorité des Etats membres ont matérialisé, à travers leur législations internes ou dans la pratique, une option sans équivoque en faveur d’une plus grande préservation du droit à la vie, garanti par l’article 4 de la charte africaine des droits de l’Homme et des peuples.   

Cette perception positive ne doit toutefois pas conduire à occulter l’évolution croissante des peines de mort prononcées et des exécutions recensées. Selon un rapport rendu public par Amnesty international, des peines de mort ont été prononcées dans 14 pays en 2023, contre 16 en 2022. Il a également été indiqué que 38 exécutions ont été enregistrées dans un seul pays à savoir la Somalie.

En attendant d’avoir des statistiques consolidées pour l’année 2024 nous signalons d’ores et déjà qu’au cours de la période couverte par le présent rapport, au moins 170 condamnations à mort ont été prononcées en République Démocratique du Congo dont 37 par le tribunal militaire de Kinshasa-Gombé [4] pour association de malfaiteurs, terrorisme et attentat dans l’affaire de la tentative manquée de coup d’Etat du 19 mai 2024.

Nous signalons que ces condamnations interviennent dans un contexte marqué par la levée du moratoire sur les exécutions en RDC actée par note circulaire de la ministre de la justice du 13 mars 2024 donnant instruction aux autorités compétentes de procéder à l’exécution de la peine de mort lorsqu’elle est consécutive à une condamnation judiciaire irrévocable intervenue en temps de guerre, sous l’état de siège ou d’urgence,  à l’occasion d’une opération de police  tendant au maintien ou au rétablissement de l’ordre public ou encore pendant toute autre circonstance exceptionnelle.

Le Groupe de travail, par ma voix, réitère l’expression de sa profonde préoccupation face à cette décision qui consacre la déconsolidation du moratoire en vigueur dans ce pays depuis 2003.

A l’égard des Etats qui ont fait le choix de garder encore la peine capitale dans leur législation, nous rappelons qu’à travers son observation générale n°3 sur le droit à la vie (article 4 de la Charte), la Commission a clairement indiqué que la peine de mort ne devrait être prononcée que contre les crimes les plus graves. 

Dans sa mission particulière de protection et de promotion du droit à la vie, le Groupe de travail reste résolument engagé envers tous les Etats parties et demeure attaché à sa démarche consistant à demander aux Etats qui pratiquent encore la peine de mort d’envisager l’établissement ou la consolidation de moratoires stricts sur les exécutions et de consentir des mesures de commutation des peines capitales prononcées.

C’est le lieu d’indiquer sur ce point que nous suivons avec attention la prise en charge de la question au niveau de l’Assemblée générale des Nations Unies qui depuis 2007 a adopté neuf résolutions appelant à l’observation d’un moratoire universel sur les exécutions. 

En 2022, 29 Etats africains ont voté en faveur du moratoire. Le Groupe de travail apprécie favorablement cette dynamique positive et encourage les Etats parties à apporter un soutien accru au projet de résolution qui sera présenté lors de la 79e session de l’Assemblée générale prévue en décembre 2024.

Etude sur la question de la peine de mort

La Commission a adopté depuis novembre 2011 une étude sur la situation de la peine de mort en Afrique. Ce document de référence est apparu à certains égards obsolète et a besoin de mises à jour pour tenir compte des évolutions et rencontrer des problématiques nouvelles apparues postérieurement à son adoption. C’est ainsi que la Commission a pris la décision, depuis quelques années maintenant, de procéder à sa révision. Le travail initié à cet égard, en collaboration avec le Centre pour les droits de l'homme de l'Université de Pretoria, est en train d’être finalisé et une réunion de validation par les experts est convoquée au mois de novembre prochain. 

Projet de protocole à la Charte africaine sur l’abolition de la peine de mort

Il nous plait de faire observer que le processus d’adoption du projet de protocole à la Charte initié par la Commission depuis 2015 a connu ces deux dernières années des avancées notables après qu’il ait été bloquée par une longue période de mise en attente.  

En effet les démarches entreprises pour aboutir à une convergence consensuelle autour du projet de protocole continuent à rencontrer des échos favorables auprès de plusieurs Etats.  

A cela s’ajoute le soutien considérable apporté par le Parlement panafricain (PAP) qui par une résolution du 5 juillet 2024 a manifesté son engagement à collaborer avec la Commission et toutes les autres parties prenantes pour faciliter l’adoption du projet de protocole par les organes délibérants de l’Union africaine. 

L’expression de ce soutien politique important est consécutive à la présentation que nous avons faite le 25 juin 2024 devant les honorables membres de la Commission des affaires juridiques et des droits de l’homme du Parlement panafricain. 

Le projet de texte a été effectivement réintroduit dans les circuits de validation et devrait en principe être examiné prochainement par le Comité spécialisé sur la justice et les affaires juridiques durant sa 10ème Session ordinaire prévue en novembre/décembre 2024.

Disparitions forcées
La problématique des disparitions forcées constitue une préoccupation centrale dans le cadre de la mise en œuvre du mandat général de promotion et de protection confié à la commission africaine des droits de l’Homme et des peuples.

S’il est admis que la pratique des disparitions forcées est une réalité sur le continent africain, force est de reconnaitre que les données disponibles ne permettent pas de rendre compte de l’ampleur du phénomène dans ses proportions les plus exactes. Le Groupe de travail des Nations Unies sur les disparitions forcées a d’ailleurs noté dans son rapport édité au titre de l’année 2021 que sur les 46 490 cas de disparitions forcées, 4765 cas soit environ 10% concernaient des Etats africains.

L’Afrique ne s’est pas dotée d’un instrument juridique spécifique pour la prise en charge du crime de disparition forcée.  Il semble qu’à ce niveau l’option prise est de s’arrimer au cadre universel à travers la Convention mondiale pour la protection de toutes les personnes contre les disparitions forcées déjà ratifiée par un nombre important d’Etats parties à la charte.

Pour juguler ce crime perfide et avilissant que constitue la disparition forcée, la Commission africaine, à travers le Groupe de travail, s’est engagée dans un schéma de collaboration avec les organes de traités et en général avec tous les acteurs étatiques comme non étatiques œuvrant pour la mise en place d’une stratégie de riposte global contre ce phénomène. 

Ce faisant, notre option s’inscrit clairement dans une démarche inclusive et complémentaire par l’arrimage de nos actions à la stratégie élaborée au niveau universel, en appelant notamment les Etats africains à ratifier les instruments internationaux conclus en la matière, notamment la Convention internationale pour la protection de toutes les personnes contre les disparitions forcées et à s’acquitter de toutes les obligations positives et mesures de préventions définies par lesdits textes.

Dans ce cadre, j’ai participé du 22 au 26 septembre 2024 à Genève au panel de restitution organisé par le Groupe de travail des Nations Unies sur les disparitions forcées en marge des travaux du Conseil des droits de l’Homme. A l’occasion de cette visite, j’ai eu une séance de travail avec le Comité des Nations Unies sur les disparitions forcées. L’occasion m’a été donnée d’échanger avec les membres du Comité sur les axes de collaboration entre nos deux organes et sur la dynamique africaine en matière de prévention et de protection de toutes les personnes contre les disparitions forcées.

Pour mieux guider ces Etats et les aider à aligner leurs législations internes sur les standards les plus élevés dans la prévention et la répression du crime de disparition forcée, le Groupe de travail a publié en 2021 des lignes directrices qu’il continue à vulgariser auprès de toutes les parties prenantes.

Ainsi, les occasions offertes par les séances de présentation de rapports périodiques et les visites de promotion sont mises à profit pour encourager les Etats parties à adopter des textes spécifiques pour la prévention et la répression du crime de disparition forcée.

Nous notons que durant la période considérée l’Afrique du Sud et la Cote d’Ivoire ont ratifié la Convention internationale pour la protection de toutes les personnes contre les disparitions forcées, ce qui fait qu’à ce jour sur les 55 Etats membres seuls 21[5] ont ratifié ladite convention. 

Nous notons avec une profonde préoccupation que de nombreuses remontées d’informations nous sont parvenues concernant des cas de disparitions forcées au Burkina Faso. Les signalements parvenus au Groupe de travail font état de la disparition de Atiana Serge Oulon, Kalifara Séré, Adama Bayala et Alain Traoré, professionnels des médias portés disparus depuis le mois de juin 2024.

En République de Guinée, Mamadou Billo Bah et Foniké Menguè ne sont plus apparus depuis trois mois maintenant après leur enlèvement par des individus armés.

Le Groupe de travail reste saisi de ces cas de disparitions inquiétantes et réitère sa demande aux gouvernements des Etats parties concernés d’ouvrir des enquêtes impartiales pour en établir les causes et engager les actions de recherches idoines pour retrouver les victimes.

Le Groupe de travail reste également préoccupé par des rapports faisant état de 120 cas de disparitions forcées au Burundi depuis l’année 2020 et demeure saisi de cette situation.

Exécutions extrajudiciaires, sommaires ou arbitraires

Le Groupe de travail note avec préoccupation que des allégations d’exécutions extrajudiciaires perpétrées, le plus souvent dans le cadre d’opérations de sécurisation ou de maintien de l’ordre, ont été rapportées, durant la période sous revue au Burkina Faso, au Kenya, en Union des Comores et en RDC.

A ce stade, le Groupe de travail n’exprime aucune conclusion sur la matérialité des faits allégués mais reste saisi des cas portés à son attention jusqu’à ce que son niveau d’information lui permette d’arrêter une position définitive. Plusieurs initiatives ont été prises dans le cadre des interactions avec les Etats concernés pour faire la lumière sur ces allégations. 

Le Groupe de travail, en collaboration de l’Institut des droits de l’homme et de la paix de l’Université Cheikh Anta Diop de Dakar, a lancé une étude pour évaluer l’ampleur et les conséquences des exécutions extrajudiciaires, sommaires ou arbitraires sur le continent. Conformément à la résolution CADHP.Res.583 (LXXVIII) de mars 2024, des dispositions ont été prises pour finaliser le projet d’étude au premier trimestre de 2025. Une réunion de consultation sur l’étude est prévue au mois de novembre 2024.

Chapitre II : Activités menées en qualité de Commissaire et de Président du Groupe de travail

Participations aux 79ème et 80ème Sessions ordinaires de la Commission et à d’autres activités 

J’ai participé à la 79ème Session ordinaire qui s’est tenue à Banjul du 14 mai au 3 juin 2024 et à la 80ème Session ordinaire de la Commission, qui s’est tenue virtuellement du 24 juillet au 2 août 2024, au cours desquelles la Commission a adopté plusieurs documents, examiné des rapports et rendu des décisions sur différentes Communications.

Au cours de la 79ème Session ordinaire, nous avons organisé un panel intitulé « l’abolition de la peine de mort face aux enjeux sécuritaires ». L’objectif de ce panel était de sensibiliser les différentes parties prenantes au bien-fondé de l’abolition de la peine de mort et à son inefficacité pour assurer la sécurité humaine sur le continent africain. Le Panel a examiné le lien entre la peine de mort et la sécurité ; les enjeux de l’abolition de la peine de mort face au contexte sécuritaire en République démocratique du Congo, en Angola et en Afrique du Sud et la nécessité d’adopter le projet de Protocole additionnel à la Charte africaine des droits de l’homme et des peuples sur l’abolition de la peine de mort.

Au cours de cette session, j’ai représenté l’Honorable Commissaire Marie-Louise Abomo dans un panel organisé sur le droit à l’éducation retenue cette année comme thématique centrale par l’Union africaine. J’ai décliné dans mon exposé les perspectives et défis de la mise en place de systèmes éducatifs adaptés à la situation des personnes handicapées.

Du 13 au 16 juin 2024, j’ai représenté le Président de la Commission à la Conférence internationale organisée par la Cour de justice de la CEDEAO, à Freetown, en Sierra Leone. 

Du 10 au 16 juillet 2024 j’ai participé au dialogue inter mécanismes entre la Commission africaine des droits de l’Homme et des peuples et la Commission interaméricaine des droits de l’Homme qui s’est tenu à Washington DC (USA). Cette rencontre a donné lieu à des échanges d’expériences et de meilleures pratiques dans le cadre de l’exercice de nos mandats respectifs.

Du 27 août au 04 septembre 2024, j’ai pris part, conjointement avec l’Organisation mondiale contre la Torture, à la mission menée au Tchad à l’invitation de la Commission nationale des droits de l’Homme.  La mission avait pour objectif d’échanger avec les nouveaux commissaires de la CNDH autour de thématiques en lien avec la prévention et la promotion des droits de l’Homme.

Du 16 au 20 décembre 2024, j’ai participé, en ma qualité de commissaire rapporteur pays à la mission de promotion des droits de l’homme, à Moroni, en Union des Comores. Le communiqué y relatif a été rendu public et publié sur le site de la commission.

Du 29 septembre au 04 octobre 2024, j’ai effectué une visite de travail en République de Guinée à l’initiative de la FIDH. Au cours de cette mission, j’ai eu l’opportunité de m’entretenir avec des autorités nationales et des organisations de la société civile. Il est ressorti de ces concertations la perspective de recevoir prochainement le rapport consolidé de la République de Guinée au titre des obligations découlant de l’article 62 de la Charte.

Lettres d’appel urgent 

Le 29 mai 2024, j’ai co-signé avec la Rapporteuse spéciale sur la liberté d’expression et l’accès à l’information en Afrique, une lettre d’appel urgent à S.E. Général Mamady Doumbouya, Président de la Transition de la République de Guinée, avoir après avoir reçu des informations sur des allégations relatives à l’arrêté A/2024/686/MIC/CAB/SGG portant retrait des agréments d’installation et d’exploitation des stations de radio et de télévision privées. Nous avons demandé au Gouvernement de Guinée de surseoir à la décision de retrait d’agréments et d’exploitation des médias concernés et de prendre des mesures pour s’assurer que les médias privés dont les licences d'exploitation sont retirées aient accès aux systèmes publics de plaintes, en plus de la possibilité de contester les décisions en cause devant les tribunaux.

Le 22 juillet 2024, nous avons adressé une lettre d’appel urgent à S.E. Capitaine Ibrahim Traoré, Président de la Transition du Burkina Faso, après avoir reçu des informations sur des allégations relatives aux disparitions forcées des journalistes Serge Oulon, Adama Bayala et Kalifara Séré et à la suspension de deux organes de presse en l’occurrence L’Évènement et 7Infos. Nous avons demandé au Gouvernement du Faso de mener des recherches en vue de la localisation et la libération des trois journalistes disparus, d’ouvrir des enquêtes judiciaires rapides, impartiales et indépendantes afin d’identifier les auteurs des disparitions forcées et de communiquer à la Commission les résultats de ces recherches et enquêtes ; 

Le 22 juillet 2024, nous avons adressé une lettre d’appel urgent à S.E. Général Mamady Doumbouya, Président de la Transition de la République de Guinée, avoir après avoir reçu des informations sur des allégations relatives à la disparition forcée des activistes Oumar Sylla dit Foninké Mengué et Mamadou Billo Bah. Nous avons demandé au Gouvernement de Guinée de mener des recherches en vue de la localisation et la libération des activistes disparus, d’ouvrir des enquêtes judiciaires rapides, impartiales et indépendantes afin d’identifier les auteurs des disparitions forcées et de les traduire devant les juridictions compétentes.

Le 12 août 2024, j’ai co-signé avec le rapporteur spécial du pays, une lettre d’appel urgent à S.E William Ruto, Président de la République du Kenya, après avoir reçu des informations sur des allégations d’exécutions arbitraires et de disparitions forcées de nombreuses personnes ayant participé à des manifestations ou soupçonnées d’en planifier. Nous avons demandé au Gouvernement du Kenya de mener des recherches en vue de la localisation et la libération des activistes disparus ; et de mener des enquêtes judiciaires rapides, impartiales et indépendantes afin d’identifier les auteurs des disparitions forcées.

Le 21 août 2024, j’ai co-signé, avec le Rapporteur Spécial sur les défenseurs des droits de l’homme, Point focal sur les représailles et l’indépendance judiciaire en Afrique, une lettre d’appel urgent à S.E. Capitaine Ibrahim Traoré, Président de la Transition de la République du Burkina Faso, après avoir reçu des informations sur des allégations relatives à l’enrôlement forcé de magistrats dans des opérations de sécurisation au Burkina Faso. Nous avons demandé au Gouvernement du Burkina Faso de fournir des éclaircissements sur les critères de réquisition et de fournir des informations sur le sort des magistrats conscrits. Nous avons à cette occasion lancé un appel au respect de la séparation des pouvoirs et de l’indépendance des magistrats dans l’accomplissement de leurs fonctions. Nous avons rappelé la nécessité de respecter les décisions des juridictions nationales censurant lesdites réquisitions.

Le 2 septembre 2024, j’ai co-signé avec le Rapporteur spécial du pays, et le Rapporteur Spécial sur les défenseurs des droits de l’homme, Point focal sur les représailles en Afrique, une lettre d’appel urgent à S.E William Ruto, Président de la République du Kenya, après avoir reçu des informations sur des allégations de disparitions forcées de trois défenseurs des droits humains. Nous avons demandé au Gouvernement du Kenya de mener des recherches en vue de la localisation et la libération des activistes disparus et de mener des enquêtes judiciaires rapides, impartiales et indépendantes sur les faits rapportés.

Le 11 septembre 2024, j’ai signé une lettre d’appel urgent à S.E. Capitaine Ibrahim Traoré, Président de la Transition de la République du Burkina Faso suite au massacre des centaines de civils à Barsalogho le 24 août 2024. J’ai appelé le Gouvernement du Burkina Faso à diligenter des enquêtes indépendantes et impartiales sur cette attaque afin d’identifier et de traduire les présumés auteurs et leurs complices en justice. J’ai également encouragé les autorités à persévérer dans la prise de mesures nécessaires à la protection des civils contre les risques prévisibles au regard de la situation sécuritaire et à garantir la sécurité sur tout le territoire burkinabè.

Le 23 septembre 2024, j’ai co-signé avec la Rapporteuse spéciale sur la liberté d’expression et l’accès à l’information en Afrique une Lettre d'appel conjointe concernant les allégations de disparition forcée de quatre journalistes et chroniqueurs au Burkina Faso, à savoir Kalifara Séré, Serge Oulon, Adama Bayala et Alain Traoré. Nous avons demandé de nouveau au gouvernement de mener des recherches en vue de la localisation et la libération immédiate des journalistes disparus ; de prendre les mesures nécessaires pour prévenir pour prévenir les disparitions forcées, d’assurer la protection des professionnels des médias et créer un environnement propice à la libre expression, sans ingérence indue ni crainte de représailles.

Le 03 Octobre 2024, j’ai co-signé avec la Rapporteuse spéciale du pays une Lettre d'appel urgent concernant la condamnation à mort d’un mineur de 17 ans au Somaliland. Nous avons appelé le Président de la Somalie à prendre des mesures appropriées pour empêcher son exécution et d’envisager l’observation d’un moratoire sur l'application de la peine de mort ; 

Nous déplorons qu’à ce jour, nos interpellations n’ont suscité aucune réaction officielle de la part des autorités concernées.

Communiqués de presse

Le 8 juin 2024, j’ai publié un Communiqué de presse sur les allégations d’exécutions sommaires de présumés putschistes par des éléments supposés appartenir aux forces de défense et de sécurité de la RDC. J’ai rappelé que la Charte africaine des droits de l’homme et des peuples garantit strictement le droit à la vie, le droit à la dignité et le droit à un procès équitable et qu’il en découle, en toutes circonstances, la prohibition absolue des exécutions extrajudiciaires, sommaires ou arbitraires contre les individus. J’ai appelé le gouvernement de la RDC à diligenter une enquête prompte et impartiale sur ces allégations afin que les auteurs soient identifiés et traduits en justice dans le cadre des lois en vigueur.

Le 26 juillet 2024, j’ai publié un Communiqué de presse sur la disparition des journalistes Kalifara Séré, Serge Oulon et Adama Bayala à Ouagadougou, au Burkina Faso, entre le 18 et le 28 juin 2024. J’ai exprimé ma vive préoccupation face à cette situation constitutive d’une menace grave contre l’intégrité physique et morale des journalistes et de nature à les soustraire à la protection de la loi et à porter atteinte à leur liberté d’expression et d’opinion. J’ai invité les autorités burkinabè à mener des recherches en vue de leur localisation et leur libération.

Le 30 août 2024, à l’occasion de la journée mondiale contre les disparitions forcées, j’ai cosigné une déclaration conjointe avec le Groupe de travail des Nations Unies sur les disparitions forcées une déclaration appelant tous les acteurs concernés à unir leurs forces pour soutenir et garantir que les droits et obligations établis dans par les traités et autres instruments juridiques pertinents en vue d’une meilleure protection de toutes les personnes contre les disparitions forcées.

Le 17 septembre 2024, j’ai copublié, avec le Président de la Commission, un communiqué de presse sur la tentative d’assassinat du président de l’Union des Comores alors qu’il participait à des funérailles. Nous avons condamné fermement cette atteinte à l’intégrité physique et rappelé l’impérieuse obligation pour les Etats d’assurer la protection de toutes les personnes contre les atteintes à l’intégrité physique et au droit à la vie conformément aux articles 1 et 4 de la Charte africaine des droits de l’homme et des peuples. Nous avons émis le vœu de voir l’enquête judiciaire ouverte par les autorités nationales faire toute la lumière sur les motivations de cet acte et les circonstances du décès de l’auteur présumé après son arrestation.

Le 10 octobre 2024, j’ai publié une déclaration à l’occasion de la journée mondiale pour l’abolition de la peine de mort. J’ai saisi l’opportunité offerte par cette journée de célébration pour inviter les Etats à prendre les mesures qu’exige une meilleure protection du droit à la vie par l’engagement de réformes législatives en vue de l’abolition de la peine de mort. J’ai également réitéré mon appel en faveur d’une consolidation des moratoires sur les exécutions dans les pays où la peine capitale est encore pratiquée.   

Chapitre III Activités menées en qualité de Rapporteur Pays

Cette partie du rapport porte sur la situation des droits de l’Homme dans les Etats relevant de mon porte folio en mes qualités de commissaire rapporteur pays.

Conformément à la résolution ACHPR/Res. 495 (LXIX) de 2021 modifiée lors de la 77 e session ordinaire, j’ai été désigné commissaire rapporteur pour le Burkina Faso, la République de Guinée, la République centrafricaine, le Tchad et l’Union des Comores.   

Burkina Faso

Le Burkina Faso continue de faire face à des défis sécuritaires. Malgré les efforts consentis par les autorités burkinabés pour protéger les populations civiles, les attaques terroristes continuent de perturber la vie au quotidien dans les zones affectées et à occasionner de nombreuses pertes en vies humaines et d’importants dégâts matériels.

Nous félicitons le gouvernement du Faso qui dans ce contexte de lutte contre le terrorisme a tenu à se conformer à son obligation de présentation du rapport sur la mise en œuvre des droits garantis par la Charte africaine des droits de l’Homme et ses protocoles additionnels. 

Durant la période couverte par notre rapport, des attaques terroristes ont été perpétrées dans de nombreuses localités du pays. Une attaque terroriste du 24 août 2024 a causé la mort de centaines de civils dans la ville de Barsalogho. Selon les informations reçues, les personnes tuées auraient été surprises par les assaillants au moment où ils étaient en train de creuser des tranchées, à la demande des forces de défense et de sécurité, pour gêner la progression des terroristes et les empêcher d’entrer dans la ville.

Nous appelons à l’ouverture d’une enquête impartiale sur ces attaques et sur toutes autres violations des droits de l’homme contre des civils afin d’identifier et de traduire les présumés auteurs et leurs complices en justice.

Nous avons également été interpellés sur des cas de disparitions forcées notamment contre des défenseurs des droits et des professionnels des médias. Il s’agit notamment des nommés Atiana Serge Oulon, Kalifara Séré, Adama Bayala et Alain Traoré, portés disparus depuis le mois de juin 2024.

Nous sommes également saisis d’un cas d’enlèvement supposé des deux avocats Gontran Some et Christian Kaboré, dans la nuit du 10 au 11 octobre 2024 pendant qu’ils voyageaient entre Ouagadougou et Bobo-Dioulasso. 

Nous appelons le gouvernement à mener des recherches en vue de la localisation et la libération des personnes disparues, et à mener des enquêtes judiciaires rapides, impartiales et indépendantes afin d’identifier et punir les auteurs des disparitions forcées.

Nous déplorons que nos tentatives de recueillir les versions du gouvernement sur ces allégations soient restées vaines, les lettres d’appel urgent envoyées, concernant les premiers cas cités n’ayant suscité aucune réaction de la part du gouvernement du Faso. 

Par ailleurs, de nombreuses organisations de la société civile s’activant dans la défense des droits humains ont pointé des dérives dans l’application du décret n° 2023-0475 du 19 avril 2023 portant mobilisation générale et mise en garde adopté en vue notamment de la défense de l’intégrité du territoire et de la protection des populations et de leurs biens contre la menace et les actions terroristes.

Il convient de préciser que les récriminations soulevées ne portent pas sur la légalité ou l’opportunité du décret mais plutôt sur les conditions de son application qui pourraient donner lieu, dans certaines situations, à des dérives constitutives d’atteintes aux droits et libertés reconnus aux citoyens.

C’est ainsi que les décisions d’enrôlement forcé de magistrats, activistes, journalistes et opposants politiques prises en vertu dudit texte ont été perçues comme des actes de représailles contre les personnes concernées.  Il a été rapporté que les magistrats enrôlés auraient été ainsi sanctionnés en raison de décisions prises dans l’exercice de leurs fonctions.  

Nous appelons les autorités burkinabè à respecter et protéger la séparation des pouvoirs et l’indépendance des magistrats dans l’accomplissement des missions dont ils ont la charge. Nous appelons à cet égard au respect strict des décisions judiciaires censurant les enrôlements forcés.

Guinée
La République de Guinée a connu un changement inconstitutionnel de gouvernement le 5 septembre 2021. Le Gouvernement de transition a annoncé qu’un référendum constitutionnel et le transfert du pouvoir aux civils seront organisés avant la fin de l’année 2024. 

Au cours de la période considérée, les restrictions à la liberté d’expression et de manifestations se sont poursuivies, cinq organes de presse continuant à faire l’objet de mesures de suspension. 

Nous rappelons que la liberté d’expression en ligne et hors ligne est essentielle à l’exercice des autres droits de l’homme et représente un critère de la démocratie plurielle, permettant le développement et la diversité. 

Nous rappelons également qu’au regard de l’article 13 de la Charte africaine des droits de l’Homme et des peuples, le droit à des élections régulières, libres, justes et crédibles est la norme démocratique la plus sacrée qui sert de moyen principal pour l'exercice du droit des citoyens de participer à la conduite des affaires publiques.

Le 31 juillet 2024, le procès des onze personnes accusées d’avoir pris part au massacre du 28 septembre 2009 a abouti à la condamnation en première instance de l’ancien président Capitaine Dadis Camara et de sept de ses coaccusés. Nous saluons les efforts du gouvernement à rendre justice aux victimes et l’encourageons à poursuivre les auteurs d’autres crimes de masse restés impunis depuis plusieurs années. Nous encourageons le gouvernement à garantir la réparation des dommages subis par les victimes en garantissant leur indemnisation.

Nous réitérons notre préoccupation exprimée dans la lettre d’appel urgent adressée aux autorités de la transition au mois de juillet 2024 suite à la disparition inquiétante de Mamadou Billo Bah et Foninké Mengué. Nous sommes également saisis du cas de disparition forcée supposée de Monsieur Sadou Nimaga, ancien secrétaire général du Ministère des Mines sous la présidence d’Alpha Condé depuis le 19 octobre 2024.

Nous appelons le gouvernement de la République de Guinée à engager des actions de recherches et des enquêtes en vue de retrouver les deux défenseurs qui auraient été enlevés par des individus armés.

République Centrafricaine

Le conflit armé se poursuit dans certaines localités du pays, occasionnant des violations des droits de l'homme. Au cours du mois de juillet 2024, la Mission multidimensionnelle intégrée des Nations Unies pour la stabilisation en République centrafricaine (MINUSCA) a documenté une dizaine d’attaques contre des civils, des refus d’aide humanitaire, des attaques contre des personnes protégées et l’occupation illégale d’une école, commises par des hommes armés non identifiés.

Au cours du même mois, la MINUSCA a recensé 15 exécutions ou meurtres sommaires ou extrajudiciaires, quatre tentatives d’exécutions ou de meurtres extrajudiciaires, deux menaces de mort et un décès en détention. La plupart de ces violations ont été commises par des groupes armés. La MINUSCA a également fait état de l’enlèvements de 25 personnes.

La sécurité est également perturbée par les conflits entre éleveurs et agriculteurs. Ainsi, 16 civils ont été tués dans le village de Limé, dans la préfecture de l'Ouham-Pendé, à la suite d'un conflit foncier impliquant des agriculteurs locaux et des propriétaires de bétail.

Nous appelons les autorités compétentes à prendre des mesures pour garantir la sécurité des populations et de leurs biens. 

Par ailleurs, le gouvernement centrafricain a annoncé le 22 août 2024, le report au 6 avril 2025 des élections locales et municipales initialement prévues en octobre 2024. Le motif du report serait lié à des contraintes dans la mobilisation de moyens financier nécessaires à l’organisation du scrutin. Tenant compte de l’importance de ces consultations électorales dans le processus de stabilisation institutionnelle en cours, nous appelons les parties prenantes à soutenir le fonds commun dédié au financement de ces élections. 

Tchad

Le Tchad a connu un retour à l’ordre constitutionnel le 6 mai 2024 après l’élection du Président de la République à l’issue d’un scrutin qui s’est déroulé dans le calme. La période précédant l’élection avait toutefois été marquée par des tensions dans certaines localités.

Le pays mène des initiatives législatives de nature à améliorer les droits de l’homme. On peut relever notamment l’Arrêté n° 7124 du 11 juillet 2023 du Premier Ministre de Transition créant une Commission de relecture du projet de Code des Personnes et de la Famille dont le travail suit son cours ; un projet de loi portant Code de l’Enfant et un avant-projet de loi sur la protection des défenseurs des droits de l’homme en cours d’examen ; et l’engagement pris lors de l’Examen Périodique Universelle (EPU) en janvier 2024, de modifier incessamment la loi portant régime de la presse afin de garantir le plein exercice des libertés dans ce domaine. 

Nous saluons ces initiatives et appelons à leur aboutissement rapide par l’adoption des lois conformes aux normes internationales. 

Nous notons toutefois que l’enquête internationale annoncée sur les événements tragiques du 20 octobre 2022 ayant causé la mort de plus de 200 personnes lors d’une manifestation publique n’a pas encore été ouverte. La note verbale par laquelle nous avons exprimé le souhait de la Commission d’être associée à l’enquête internationale annoncée n’a connu aucune suite. Nous réitérons notre appel au gouvernement de mener une enquête judiciaire indépendante et à traduire les auteurs en justice.

Nous appelons également le gouvernement du Tchad à ouvrir une enquête impartiale pour faire toute la lumière sur les circonstances de la mort de Mr Yaya Dillo, leader politique tué le 28 février 2024 dans l’assaut mené contre le siège de son parti. 

Nous sommes par ailleurs préoccupés par les allégations d’atteinte à la liberté de la presse, notamment l’enlèvement durant 48 heures de Badour Oumar Ali, journaliste et rédacteur en chef de Tchadinfos.com, le 7 août 2024 et la suspension de Tchad Infos durant la période du 26 au 30 juillet 2024.

Nous avons également été saisis des allégations de détention secrète concernant le nommé Ismael Ngakoutou, Directeur général adjoint de la Commercial bank Tchad, après son arrestation le 10 juillet 2024 par l’Agence Nationale de Sécurité de l’État à l’aéroport international Hassan Djamous de N’Djamena. Nous appelons le gouvernement tchadien à mettre fin à sa détention secrète et lui assurer le contact avec sa famille.

À la fin du mois d'août 2024, le rapport mensuel du Haut-Commissariat pour les Réfugiés indique que le Tchad comptait 1 727 313 personnes en situation de déplacement forcé. Cette population se compose principalement de réfugiés soudanais et de demandeurs d’asile qui représentent 70,38% du total. Les personnes déplacées à l’intérieur du pays constituent 12,68% de cette population, tandis que les migrants représentent les 15,5% restants. Les déplacements internes sont causés par les attaques de Boko Haram et d’autres groupes armés notamment dans la région du lac Tchad, et dans une moindre mesure par des conflits intercommunautaires.

Pour répondre à cette crise, le Tchad affecte une grande partie du budget national et de l’aide à la sécurité et à la lutte contre les acteurs armés. Le Tchad met en œuvre un Projet d’Appui aux Réfugiés et Communauté d’Accueil (PARCA) dans les Provinces du Logone Oriental, du Lac, du Ouaddaï, du Moyen Chari et du Mandoul.

Le pays a également mis en place un régime exceptionnel réduisant les garanties juridiques fondamentales des présumés terroristes. Le Groupe de travail sur l’utilisation de mercenaires a constaté avec préoccupation qu’un grand nombre de combattants de Boko Haram qui s’étaient rendus avaient été détenus sans bénéficier des garanties d’une procédure régulière ou placés en détention provisoire pendant des périodes excessivement longues dans des prisons comme celle de Koro Toro. 

Nous recommandons aux autorités de s’assurer que la lutte contre le terrorisme ne soit pas menée au détriment des droits humains.

Union des Comores
Une première mission de promotion a été effectuée dans le pays du 16 au 20 septembre 2024. Au cours de la visite notre délégation a engagé des échanges avec les acteurs impliqués dans la promotion et la protection des droits humains dans le pays. Elle a également visité la prison de Moroni et le Service d’écoute des femmes et enfants victimes de violence. Les autorités nationales compétentes se sont engagées à soumettre le rapport initial de l’Union des Comores, au titre des obligations découlant de l’article 62 de la Charte africaine.

Dans le cadre des progrès réalisés, la délégation a noté, entre autres, l’engagement personnel du Président de la République sur la question des droits des femmes, la constitutionnalisation des droits de l’homme depuis 2018, le moratoire de fait sur l’exécution de la peine de mort depuis 1997, la construction d’un bloc séparé pour les femmes et les mineurs à la maison d’arrêt de Moroni, les efforts de formation des magistrats pour répondre au manque d’effectifs suffisants dans le secteur de la justice, l’octroi des subventions aux associations travaillant sur les questions relatives aux  droits des femmes et  des enfants, le pourcentage du budget alloué à la santé (14% du budget), la décentralisation judiciaire, la création des tribunaux pour mineurs, la mise en place du service d’écoute aux victimes de violence, la prise des mesures en vue de la lutte contre les mariages précoces, le renforcement des sanctions contre les auteurs de violences faites aux femmes et aux enfants, la libération des prisonniers politiques, les progrès réalisés ces dernières années pour améliorer la représentation des femmes dans l’exécutif et l’assemblée de l’Union, et des programmes élaborés par les différents ministères qui intègrent une approche fondée sur les droits humains.

La délégation a cependant relevé la persistance de quelques défis qui entravent la protection effective des droits de l’homme. Il s’agit entre autres de la vétusté des prisons, l’insuffisance des repas offerts aux détenus, la surpopulation carcérale, les détentions préventives prolongées, le maintien en détention des personnes ayant purgé leurs peines, l’absence d’un système d’aide juridictionnelle, l’insuffisance du personnel judiciaire, le taux de déscolarisation préoccupant des jeunes.

A l’issue de la mission la délégation a formulé des recommandations provisoires destinées à l’amélioration de la jouissance des droits consacrés par la Charte africaine des droits de l’Homme et des peuples.

Chapitre IV : Conclusions et recommandations 

La Commission poursuit son engagement auprès des Etats membres, des organes de l’Union africaine et des partenaires, notamment de la société civile et du monde universitaire. En collaboration avec ces partenaires, elle continuera à promouvoir l’adoption du Projet de Protocole à la Charte relatif à l’abolition de la peine de mort, à contribuer à la formation d’une base de connaissances à travers les études et à engager le plaidoyer et le dialogue politique sur la question de la peine de mort, les exécutions extrajudiciaires, sommaires ou arbitraires et les disparitions forcées en Afrique. 

La Commission s’est déjà dotée de Lignes directrices sur les disparitions forcées en Afrique qu’elle voudrait continuer à vulgariser. Dans le même ordre d’idées, une étude révisée sur la peine de mort et une étude sur les exécutions extrajudiciaires, sommaires ou arbitraires sont en cours afin de pouvoir doter les acteurs et les décideurs d’un outil de plaidoyer et de prise de décision dans ces domaines. 

Pour la poursuite de cette dynamique, le Groupe de travail formule les recommandations suivantes :

Aux États parties :

Dans les Etats où la peine de mort existe encore :
D’observer un moratoire sur l’application de la peine de mort, conformément à la résolution CADHP/Rés.42(XXVI)99 ; 
De suspendre l’exécution des prisonniers condamnés à mort et de commuer leur peine en peines moins lourdes.

Soutenir et participer aux efforts visant l’adoption du projet de Protocole à la Charte africaine sur l’abolition de la peine de mort ;

Prendre des mesures visant à assurer la vulgarisation et la mise en œuvre effective des Lignes directrices pour la protection de toutes les personnes contre les disparitions forcées en Afrique et des autres instruments applicables visant à garantir la pleine protection du droit à la vie ;

A l’Union africaine :

Promouvoir les consultations avec les États Membres, les organisations et mécanismes régionaux pour l'abolition de la peine de mort ;
De suivre et soutenir le processus d’adoption du projet de protocole à la Charte sur la peine de mort.

Aux Institutions nationales des droits de l'homme et organisations de la société civile :

Intensifier le plaidoyer mené au niveau national pour l’abolition de la peine de mort, ainsi que la prévention et la réponse contre les exécutions extrajudiciaires, sommaires ou arbitraires et les disparitions forcées en Afrique ;

Aux autres Partenaires au développement :

Fournir un appui au Groupe de travail pour lui permettre de s’acquitter de son mandat de manière efficace ;

Fournir un soutien technique et financier aux États parties, aux INDH et aux OSC dans leurs activités, programmes, projets et politiques visant à lutter contre les exécutions extrajudiciaires, sommaires ou arbitraires et les disparitions forcées, ainsi que les processus de réformes pénales visant l’abolition de la peine de mort.

[1] Afrique du Sud, Angola, Bénin, Burundi, Cap-Vert, Congo, Côte d'Ivoire, Djibouti, Gabon, Guinée, Guinée-Bissau, Madagascar, Maurice, Mozambique, Namibie, République centrafricaine, Rwanda, Sao Tomé-et-Principe, Sénégal, Seychelles, Sierra Leone, Tchad, Togo, Zimbabwe.

[2] Burkina Faso, Ghana, Guinée équatoriale, Zambie.

[3] Algérie, Cameroun, Erythrée, Eswatini, Gambie, Kenya, Liberia, Malawi, Mali, Maroc, Mauritanie, Niger, République arabe sahraouie démocratique, Tanzanie, Tunisie.

[4] En juillet 25 personnes ont été condamnées à mort pout « vol », « violation des ordres » et « fuite » devant des rebelles du M23.  Le 8 août, la Cour militaire de Gombe a condamné 26 personnes à mort dont 21 par défaut pour crimes de guerre, participation à un mouvement insurrectionnel et trahison. Le 13 septembre,  37 personnes ont été condamnées à mort pour tentative de coup d’état. 

[5] Afrique du Sud, Benin, Burkina Faso, Cape Vert, Centrafrique, Cote d’Ivoire, Gabon, Gambie, Lesotho, Malawi, Mali, Mauritanie, Maroc, Niger, Nigeria, Sénégal, Seychelles, Soudan, Togo, Tunisie et Zambie.