La Commission africaine des droits de l’homme et des peuples (la Commission), réunie à l’occasion de sa 74ème Session Ordinaire tenue virtuellement du 21 Février au 7 Mars 2023 :
Rappelant son mandat de promotion et de protection des droits de l’homme et des peuples en Afrique en vertu de l'article 45 de la Charte africaine des droits de l’homme et des peuples (la Charte africaine);
Rappelant également que l’article 2 de la Charte africaine interdit toute forme de discrimination à l’égard d’une personne, fondée notamment sur la race, l’appartenance ethnique, la couleur, le sexe, la langue, la religion, l’opinion politique ou autre, l’origine nationale ou sociale, la fortune, la naissance ou toute autre situation;
Notant que l’article 3 de la Charte africaine accorde à tous une égale protection de la loi, et que l’article 5 garantit à tous la reconnaissance de la personnalité juridique et l’interdiction de la torture et des traitements cruels, inhumains et dégradants ;
Notant également que l’article 16 de la Charte africaine garantit à toute personne le droit de jouir du meilleur état de santé physique et mentale possible, et que l’article 9 de la Charte africaine garantit à tous le droit d’accès à l’information, y compris à son dossier et antécédents médicaux ;
Considérant que l’article 5 du Protocole à la Charte africaine des droits de l’homme et des peuples relatif aux droits des femmes en Afrique et l’article 21 de la Charte africaine des droits et du bien-être de l’enfant interdisent les pratiques sociales et culturelles néfastes ;
Reconnaissant que les personnes intersexuées qui sont nées naturellement avec une anomalie chromosomique et anatomie reproductive ou sexuelle qui ne semble pas correspondre aux définitions typiques de la femme ou de l'homme, existent dans toutes les sociétés africaines ;
Reconnaissant que l’intersexualité est un handicap inhérent à la naissance et qu’il n’y a pas lieu de le considérer comme un tabou en toutes sociétés africaines ;
Reconnaissant également que les actes chirurgicaux et autres traitements de normalisation génitale non consensuels et inutiles, pratiqués sur des personnes intersexuées, dans un cadre médical ou autre, peuvent causer chez celles-ci notamment des traumatismes physiques et psychologiques à vie, la stérilité permanente, l’incontinence et la perte du plaisir sexuel,;
Reconnaissant en outre que les actes chirurgicaux et autres traitements de normalisation génitale, non consentis et inutiles susmentionnés, ont des conséquences irréversibles similaires aux mutilations génitales et peuvent être considérés comme telles ;
Préoccupée par les violations des droits humains à l’encontre des personnes intersexuées qui comprennent, notamment, le rejet dans la société; l’infanticide et l’abandon des enfants; l’absence de reconnaissance légale appropriée et des processus administratifs qui empêchent les personnes intersexuées d'acquérir des documents d'identité ou de les modifier; la discrimination injuste dans les écoles, les établissements de santé, les sports de compétition, le travail; l’accès aux services publics; et la détention;
Préoccupée en outre par l’invisibilité et le manque de conscience et de sensibilisation au sort et à la situation critique des personnes intersexuées dans les communautés africaines ;
Rappelant que les États parties à la Charte africaine ont l’obligation de reconnaitre les droits, devoirs et libertés garantis par la Charte africaine en adoptant des mesures législatives ou autres pour leur donner effet ;
Notant que la plupart des États parties ne disposent pas de mesures législatives, politiques ou autres appropriées, visant à assurer la protection des droits des personnes intersexuées ;
La Commission appelle les États parties à :
1.Promouvoir et protéger les droits des personnes intersexuées sur le continent;
2.Mettre un terme aux pratiques de normalisation génitale non consenties sur les personnes intersexuées, telles que les interventions chirurgicales, hormonales et de stérilisation qui modifient les caractéristiques sexuelles des personnes intersexuées et garantir le respect de leurs droits à prendre leurs propres décisions en ce qui concerne leur intégrité corporelle, leur autonomie physique et leur autodétermination ;
3.Veiller à ce que toute action concernant un mineur intersexué soit menée avec l’autorisation des parents et après analyse médicale, en tenant strictement compte de l’intérêt supérieur de l’enfant ;
4.Mettre un terme aux violations des droits des personnes intersexuées, notamment l'infanticide et l'abandon des enfants intersexuées ;
5.Interdire la discrimination fondée sur les caractères et caractéristiques intersexués ou la situation d’intersexualité, y compris en matière d'éducation, de santé, d'emploi, de sports de compétition et d’'accès aux services publics et traiter cette discrimination par des initiatives anti-discriminatoires pertinentes ;
6.Veiller à ce que les défenseurs des droits humains des personnes intersexuées travaillent dans un environnement exempt de stigmatisation, de représailles ou de poursuites pénales en raison de leurs activités de protection des droits de l'homme;
7.Inclure l'éducation en matière d’intersexualité dans les services de conseils et de soutien prénataux, et fournir au personnel soignant une formation axée sur les besoins de santé et les droits humains des personnes intersexuées, ainsi que les conseils et soins appropriés à donner aux parents et aux enfants intersexuées, dans le respect de l'autonomie, de l'intégrité́ psychologique et des caractéristiques sexuelles de la personne intersexuée ;
8.Adopter des lois d’habilitation et institutionnaliser des processus administratifs permettant aux personnes intersexuées de modifier les mentions du sexe sur leurs certificats de naissance et autres documents officiels sur la base de décision prise par une intervention médicale;
9.Assurer aux personnes intersexuées le droit à une information complète, y compris l’accès à leurs propres dossiers et antécédents médicaux ;
10.Veiller à ce que les violations des droits humains à l’encontre des personnes intersexuées fassent l'objet d'enquête, que les auteurs présumés de tels actes soient poursuivis et que les victimes aient accès à des recours effectifs, y compris la réparation et l’indemnisation ;
11. Sensibiliser la société aux questions d'intersexualité ainsi qu'aux droits des personnes intersexuées; et
12.S’assurer que les membres de l’appareil judiciaire, les agents des services d'immigration, les agents chargés de l’application des lois, les responsables de la santé, de l'éducation et autres fonctionnaires et personnels, sont sensibilisés au respect et à l’égalité de traitement des personnes intersexuées.
Fait virtuellement, le 07 mars 2023