Résolution sur la peine de mort et l’interdiction de la torture et des peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants - CADHP/Rés.544 (LXXIII) 2022

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La Commission africaine des droits de l'Homme et des peuples (la Commission), réunie à l'occasion de sa 73ème session ordinaire publique, tenue du 20 octobre au 09 novembre :

Rappelant son mandat de promotion et de protection des droits de l'Homme et des peuples en Afrique, en application de l’Article 45 de la Charte africaine des droits de l'Homme et des peuples (la Charte africaine) ;

Rappelant également l’Article 4 de la Charte africaine déclarant que « La personne humaine est inviolable. Tout être humain a droit au respect de sa vie et à l’intégrité physique et morale de sa personne. Nul ne peut être privé arbitrairement de ce droit. » et l’article 5 déclarant que « Tout individu a droit au respect de la dignité inhérente à la personne humaine et à la reconnaissance de sa personnalité juridique. Toutes formes d’exploitation et d’avilissement de l’homme notamment […] la torture physique ou morale, les peines ou les traitements cruels inhumains ou dégradants sont interdites» ;

Considérant l'Article 4(2)(j) du Protocole relatif aux droits de la femme en Afrique (Protocole de Maputo) de la Charte africaine appelant les Etats à s’engager à « s’assurer que, dans les pays où elle existe encore, la peine de mort n’est pas exécutée à la femme enceinte ou allaitante » ;

Considérant également la Résolution CADHP/Rés. 483 (XXXI1I) 2021 sur la nécessité d’une meilleure protection des femmes condamnées à mort en Afrique qui observe que la plupart des crimes pour lesquels les femmes sont condamnées traduisent des inégalités de genre et exhorte les Etats parties à la Charte africaine à fournir des services de santé sexospécifiques aux femmes dans le couloir de la mort ;

Considérant en outre les Résolutions CADHP/Rés.42(XXVI)99, CADHP/Rés.136 (XXXXIV)08, CADHP/Rés. 375 (LX) 2017 et CADHP/Rés. 483 (XXXI1I) 2021 exhortant, entre autres, les États parties à la Charte africaine à envisager un moratoire sur la peine de mort et à ratifier le Deuxième Protocole facultatif se rapportant au Pacte international relatif aux droits civils et politiques des Nations unies visant à abolir la peine de mort ;

Considérant par ailleurs la Résolution CADHP/Rés. 416 (LXIV) 2019 sur le droit à la vie exhortant les États parties à la Charte africaine qui ont établi un moratoire sur les exécutions à entreprendre d'autres mesures concrètes en vue de l'abolition complète de la peine de mort en droit ;

Ayant à l’esprit l'Observation générale N° 3 sur la Charte africaine concernant le droit à la vie (article 4) et l'observation générale N° 36 (2018) sur l'article 6 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques concernant le droit à la vie ;

Ayant également à l’esprit que la peine de mort n'est tolérée par le droit et les standards internationaux que dans la mesure où elle ne peut être imposée que pour les crimes les plus graves[ Pacte international relative aux droits civils et politiques, article 6, 16 décembre 1966.] et appliquée de manière à causer le moins de souffrance possible[ Conseil économique et social des Nations unies, Garanties pour la protection des droits des personnes passibles de la peine de mort, résolution 1984/50, 25 mai 1984.] ;

Rappelant la tenue de deux conférences régionales sur la question de la peine de mort en Afrique, en septembre 2009 et avril 2010 qui ont recommandé la rédaction d'un protocole sur l'abolition de la peine de mort en Afrique, ainsi que l'organisation de la première conférence continentale sur la peine de mort, en 2014 au Bénin, qui à son tour a recommandé, entre autres, la nécessité pour les États membres de l'Union africaine (UA) d'appuyer l'adoption d'un protocole régional sur l'abolition de la peine de mort ;

Se félicitant de la tenue du Congrès régional africain contre la peine de mort à Abidjan en avril 2018, qui réaffirme son soutien à l'abolition de la peine de mort en Afrique et l’adoption du projet de Protocole additionnel à la Charte africaine portant sur l’abolition de la peine de mort ;et notant le fait que 25 États parties à la Charte africaine ont aboli la peine de mort en droit[ Afrique du Sud, Angola, Bénin, Burkina Faso, Burundi, Cabo Verde, Congo, Côte d’Ivoire, Djibouti, Gabon, Guinée, Guinée Bissau, Guinée Equatoriale, Madagascar, Maurice, Mozambique, Namibie, République Centrafricaine, Rwanda, Sao Tomé et Principe, Sénégal, Seychelles, Sierra Leone, Tchad et Togo.];

Déplorant le fait qu'au moins 18 États africains[ Botswana, Cameroun, Egypte, Gambie, Ghana, Kenya, Malawi, Mali, Mauritanie, Nigeria, Ouganda, République démocratique du Congo, Somalie, Soudan, Soudan du Sud, Tunisie, Zambie et Zimbabwe.] ont prononcé des condamnations à mort en 2021 et que 4[ Botswana, Égypte, Somalie et Soudan du Sud. ] d’entre eux ont procédé à des exécutions ;

Réaffirmant son engagement à promouvoir le droit à la vie et à la dignité humaine en tant que droits fondamentaux, et à encourager les États parties à abolir la peine de mort ;

La Commission :
1.Exhorte les États parties à la Charte africaine qui maintiennent encore la peine de mort à : 
- Mettre pleinement en œuvre le droit à la vie, le droit à la dignité humaine et l’interdiction de la torture, conformément aux exigences du droit régional et international;
- Commuer les peines de mort de toutes les personnes actuellement dans le couloir de la mort;
- Prendre des mesures visant l’abolition la peine de mort, y compris la ratification du Deuxième Protocole facultatif se rapportant au Pacte international relatif aux droits civils et politiques visant à abolir la peine de mort ;

2.Exhorte les États parties qui ont instauré un moratoire sur les exécutions d'entreprendre d'autres mesures concrètes en vue de l'abolition complète de la peine de mort en droit. 

3.Appelle les États parties à :
- Inclure dans leurs rapports périodiques des informations sur les mesures qu'ils prennent en vue d'abolir la peine de mort dans leur pays; et
- Appuyer l'adoption par l'Union africaine du projet de Protocole additionnel à la Charte africaine portant sur l'abolition de la peine de mort en Afrique, adopté par la Commission en 2015.

 
Fait à Banjul, Gambie, le 9 novembre 2022