La Commission africaine des droits de l'homme et des peuples (la Commission), réunie en sa 67èmeSession ordinaire, tenue virtuellement du 13 novembre au 03 décembre 2020 :
Rappelantson mandat de promotion et de protection des droits de l’homme en Afrique en vertu de l’article 45 de la Charte africaine des droits de l’homme et des peuples (la Charte africaine) ;
Réaffirmantl'importance de respecter les objectifs et principes de la Charte africaine, en particulier l'article 6, sur la nécessité de promouvoir et de protéger les droits des personnes privées de liberté :
Rappelant la Déclaration de Kampala sur les conditions de détention en Afrique de 1996, les Lignes directrices et mesures relatives à l’interdiction et à la prévention de la torture et des peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants en Afrique, de 2002 (Lignes directrices de Robben Island, la Déclaration et le Plan d'action de Ouagadougou pour accélérer la réforme pénale et pénitentiaire en Afrique de 2003, les Lignes directrices sur les conditions d'arrestation, de garde à vue et de détention provisoire en Afrique de 2014, et l'Ensemble de règles minima pour le traitement des détenus des Nations Unies (Règles Nelson Mandela) de 2015 ;
Rappelant en outrela Résolution CADHP/Res.19 (XVII) 95 sur les prisons en Afrique ; la Résolution CADHP/Res.64 (XXXIV)03 relative à l’adoption de la Déclaration et Plan d'action de Ouagadougou pour l’accélération des réformes pénales et pénitentiaires en Afrique ; la Résolution CADHP/Res. 449 (LXVI) 2020 sur les droits de l'homme et des peuples comme pilier central d'une réponse efficace à la COVID-19 et du relèvement de ses impacts sociopolitiques ; le Communiqué de presse du 28 février 2020 sur la crise du coronavirus ; le Communiqué de presse du 24 mars 2020 sur une réponse efficace fondée sur les droits de l'homme face au nouveau virus COVID-19 en Afrique ; le Communiqué de presse du Rapporteur spécial sur les prisons, les conditions de détention et l’action policière en Afrique sur la remise en liberté des prisonniers pendant la pandémie COVID-19 du 17 avril 2020 ; et divers instruments internationaux relatifs à la promotion des droits des personnes privées de liberté et à la réforme pénale en particulier ;
Préoccupéepar le fait que les conditions des prisons et autres lieux de détention dans de nombreux pays africains se caractérisent par de graves insuffisances, notamment des taux élevés de surpopulation, de mauvaises conditions de santé physique et d’hygiène, le manque de programmes de loisirs, de formation professionnelle et de réadaptation, un pourcentage élevé de personnes en détention préventive, entre autres ;
Préoccupée en outrepar le fait qu'en raison de la pandémie de COVID 19, les personnes privées de liberté courent un plus grand risque de contracter le coronavirus, avec une possibilité limitée de contenir sa propagation, principalement en raison du surpeuplement des prisons et autres lieux de détention dans de nombreux États africains, ce qui rend la distanciation sociale et l'auto-isolement quasi impossibles dans ces conditions, en plus de l'insuffisance des services d'hygiène et de santé, entre autres ;
Prenant notedes mesures d'urgence immédiates adoptées par certains États africains, notamment la remise en liberté de prisonniers pendant la pandémie COVID-19 afin de réduire la propagation du coronavirus, en décongestionnant les prisons ; la suspension de toutes les audiences publiques des tribunaux, la suspension de toutes les visites de prisons, la prise de mesures sanitaires et de sécurité pour prévenir ou contenir la propagation du coronavirus parmi les prisonniers, y compris les opérations de stérilisation et de désinfection des prisons ;
Notant avec satisfactionque ces mesures sont une indication de l'attachement desdits États parties aux idéaux des droits de l'homme énoncés dans la Charte africaine et d'autres instruments régionaux et internationaux, tout en respectant et appliquant les mesures de précaution édictées par l'Organisation mondiale de la santé pour tenter de lutter contre la pandémie de COVID 19 ;
Considérantque les femmes détenues, les prisonnières enceintes et/ou mères de jeunes enfants, en cette période de pandémie, sont deux plus touchées, car il a été observé que dans la plupart des pays, les mesures de riposte et de confinement prises dans les établissements ont aggravé davantage leur condition en ne tenant pas compte de leurs besoins spécifiques ;
Gardant à l’espritl'obligation des États parties à la Charte africaine d'améliorer les conditions de détention dans les prisons, mais aussi de protéger les droits des personnes privées de liberté en Afrique ;
La Commission engage les Etats parties à la Charte africaine à :
1. S'inspirer des autres États en adoptant à leur tour des mesures d'urgence propres à réduire la surpopulation dans les prisons et autres lieux de détention ;
2. Remettre en liberté les prisonniers condamnés et ceux en détention préventive pour des infractions mineures ; ceux ayant suivi un programme de réinsertion et présentant un risque limité pour la société ; les personnes âgées, les femmes enceintes et celles ayant des enfants ; les personnes souffrant de problèmes de santé sous-jacents, les prisonniers d'opinion, les défenseurs des droits de l'homme et les sans-papiers détenus, afin de réduire la surpopulation carcérale et d'endiguer la propagation du coronavirus ;
3. Prendre toute autre mesure jugée nécessaire au niveau des prisons et autres lieux de détention pour :
i. garantir le respect des droits humains des personnes privées de liberté,
ii. assurer une alimentation, des services médicaux et de réhabilitation adéquats, mettre en oeuvre des mesures d'hygiène et de quarantaine afin de garantir des conditions de vie et de santé décentes à tous les détenus ;
iii. veiller à ce que toute restriction imposée aux détenus soit non discriminatoire, mais plutôt nécessaire, proportionnée, limitée dans le temps et transparente ;
iv. veiller à ce que les femmes détenues, quelle que soit leur situation, reçoivent les soins indiqués et bénéficient de conditions permettant de répondre à leurs besoins spécifiques ;
v. mettre en oeuvre des mesures propres à prévenir les émeutes et à rétablir l'ordre et la sécurité dans les prisons et autres centres de détention ; et
4. Respecter les droits des personnes privées de liberté conformément à l'article 6 de la Charte africaine des droits de l'homme et des peuples, tout en adhérant et tout en se conformant à l'Ensemble de règles minima pour le traitement des détenus des Nations unies (les Règles de Nelson Mandela), aux Lignes directrices sur les conditions d'arrestation, de garde à vue et de détention provisoire en Afrique (Lignes directrices de Luanda), aux directives de l'Organisation mondiale de la santé intitulées « Préparation, prévention et contrôle de la COVID-19 dans les prisons et autres lieux de détention - Orientations provisoires », ainsi qu'aux autres instruments régionaux et internationaux relatifs àla protection des droits de l'homme des prisonniers.
Fait virtuellement le 03 décembre 2020