La Commission Africaine des Droits de l’Homme et des Peuples (la Commission), réunie en sa 59ème Session ordinaire à Banjul, Gambie, du 21 octobre au 04 novembre 2016 :
Rappelant son mandat de promotion et de protection des droits de l’homme et des peuples en vertu de la Charte africaine des droits de l’homme et des peuples (la Charte africaine) ;
Gardant à l’esprit sa Déclaration du 03 mai 2015, prise lors de sa 56ème Session tenue du 21 avril au 07 mai 2015, à Banjul, en Gambie et sa résolution CADHP/Res. 309 ((EXT.OS/ XVIII), sur la situation des droits de l’homme au Burundi ;
Rappelant la décision du Conseil de Paix et de sécurité de l’Union africaine du 17 décembre 2015 soulignant que « seul un dialogue sincère et véritablement inclusif, fondé sur le respect de l’Accord d’Arusha et de la Constitution du Burundi, pourra permettre aux parties prenantes burundaises de surmonter les graves difficultés que connaît leur pays ainsi que de renforcer la cohésion sociale, la démocratie et l’État de droit » ;
Considérant les conclusions et les recommandations contenues dans le rapport de la Commission au terme de la mission d’établissement des faits effectuée au Burundi en décembre 2015 à la demande du Conseil de paix et de sécurité et le rapport de l’enquête indépendante des Nations unies au Burundi (EINUB);
Extrêmement Préoccupée par la situation sécuritaire et des droits de l’homme au Burundi qui se caractérisent, notamment par la poursuite des arrestations et les détentions arbitraires, les assassinats ciblés, les exécutions extrajudiciaires, les actes de torture et autres traitements cruels, inhumains ou dégradants, les enlèvements et les disparitions forcées, les harcèlements et les intimidations de journalistes et de professionnels des médias, les violences sexuelles, et autres violations graves des droits de l’homme ;
Préoccupée par l'impasse politique persistante au Burundi ainsi que l’absence de dialogue constructif entre toutes les parties prenantes afin de trouver une solution pacifique à la crise ;
Préoccupée en outre par les décisions prises par les autorités burundaises les 19 et 24 octobre 2016 de radier cinq organisations de la société civile, notamment le Forum pour le renforcement de la société civile (FORSC), le Forum pour la conscience et le développement (FOCODE), l’ Association pour la protection des droits humains et des personnes détenues (APRODH), l’Action chrétienne pour l’abolition de la torture au Burundi (ACAT-Burundi) et le Réseau des citoyens probes (RCP) et d’en suspendre cinq autres notamment la Coalition de la société civile pour le monitoring électoral (COSOME), la Coalition burundaise pour la Cour Pénale Internationale (CB-CPI), l’Union burundaise des journalistes (UBJ), la Ligue burundaise des droits de l’homme « Iteka » et SOS torture Burundi ; accusées de mener des activités qui sont de nature à perturber l’ordre et la sûreté de l’État;
Préoccupée par la décision prise par les autorités burundaises de suspendre toute coopération avec le Bureau du Haut-Commissariat des Nations unies aux droits de l’homme au Burundi (HCDH) et de déclarer persona non grata les experts de l’EINUB suite à la présentation de leur rapport final, lors de la 33eme session du Conseil des droits de l’homme des Nations Unies, le 27 septembre 2016 ;
La Commission :
- Condamne les différentes violations des droits de l’homme perpétrées dans le pays depuis avril 2015 ;
- Condamne la répression continue exercée à l’encontre des défenseurs des droits humains ayant mené à la radiation et la suspension des principales organisations de défense des droits humains ainsi que la suspension des médias indépendants ;
- Regrette la décision prise par les autorités burundaises relative à la suspension de la coopération avec le Bureau du HCDH au Burundi et la déclaration persona non gratades experts de l’EINUB;
- Exhorte le Gouvernement de la République du Burundi à :
i. mettre immédiatement un terme à toutes les violations des droits de l’homme ;
ii. libérer toutes les personnes arbitrairement détenues y compris celles qui sont détenues au secret et garantir leur intégrité physique;
iii. mettre fin aux attaques, menaces, actes d’intimidation et de harcèlement, y compris judiciaire, à l’encontre des défenseurs des droits humains et des journalistes ;
iv. autoriser la reprise sans condition des activités de toutes les organisations de la société civile radiées ou suspendues;
v. prendre toutes les mesures idoines en vue de mener, dans les plus brefs délais, des enquêtes indépendantes, impartiales et efficaces afin de traduire en justice les auteurs de ces crimes ;
vi. veiller à ce que les victimes des violations susvisées et leurs familles obtiennent une réparation adéquate et effective, notamment par la restitution, le dédommagement, la réhabilitation, la satisfaction et les garanties de non-répétition;
vii. reprendre la pleine coopération avec tous les organes régionaux et internationaux ayant un mandat des droits de l’homme y compris le Bureau du Haut-Commissariat des Nations unies aux droits de l’homme et l’Union africaine relativement au déploiement intégral de l’ensemble d’observateurs des droits de l’homme et des experts militaires, conformément à la décision des chefs d’État et de gouvernement de l'Union Africaine prise à l'occasion de son 26ème sommet tenue du 21 au 31 janvier 2016 ;
viii. autoriser la Commission à entreprendre une mission de suivi des recommandations formulées dans le rapport de la mission d’établissement des faits.
- Appelle l’Union africaine et la Communauté internationale à poursuivre leurs efforts en vue de la résolution de la crise burundaise.
Fait à Banjul, République islamique de Gambie, le 4 novembre 2016