La Commission africaine des droits de l’homme et des peuples (la Commission), réunie à l’occasion de sa 17ème Session extraordinaire, tenue du 19 au 28 février 2015 à Banjul, Gambie ;
Rappelant son mandat de promotion et de protection des droits de l’homme en vertu de la Charte africaine des droits de l’homme et des peuples (la Charte africaine) ;
Considérant l’Article 21 de la Charte africaine qui reconnaît que tous les peuples ont la libre disposition de leurs richesses et de leurs ressources naturelles, un droit qui s’exerce dans l’intérêt exclusif des populations, et qu’en aucun cas, un peuple ne peut en être privé ;
Considérant en outre l’Article 22 de la Charte africaine qui garantit que tous les peuples ont droit à leur développement économique, social et culturel et que les États ont le devoir d’assurer l’exercice du droit au développement ;
Rappelant sa Résolution CADHP/Res. 65(XXXIV)/03 sur l’adoption du « Rapport du Groupe de travail sur les Populations/Communautés autochtones lors de sa 34ème Session ordinaire, tenue du 6 au 20 novembre 2003 à Banjul, Gambie »;
Reconnaissant les progrès réalisés ces dernières années dans la promotion et la protection des populations autochtones dans plusieurs pays en Afrique, tant au plan normatif qu’en ce qui concerne le développement de plans, politiques et programmes pertinents;
Rappelant la Déclaration des Nations Unies sur les droits des peuples autochtones adoptée en 2007 et réaffirmant l’engagement de la Commission africaine à promouvoir les principes inscrits dans cette Déclaration par les Etats africains ;
Accueillant avec satisfaction l’approbation par les États africains du Document final de la Conférence mondiale sur les peuples autochtones, adopté par l’Assemblée générale des Nations Unies le 23 septembre 2014 à New York;
Prenant note des propositions de Politique de sauvegarde environnementale et sociale (ESP) et de Normes environnementales et sociales (NES) connexes de la Banque mondiale, soumises à la consultation du public à partir du 30 juillet 2014 et, en particulier, de la norme environnementale et sociale 7 (NES7) sur les peuples autochtones ;
Prenant en outre note de l’objectif de la NES7 selon lequel la Banque mondiale reconnaît que les dispositions de cette Politique ont pour objet de « veiller à ce que le processus de développement favorise le plein respect des droits de l’homme, de la dignité, des aspirations, de l’identité, de la culture et des moyens d’existence fondés sur les ressources naturelles des peuples autochtones » ;
Préoccupée toutefois par le fait que la NES7, en son paragraphe 9, offre aux gouvernements la possibilité de demander à ne pas appliquer la NES7 dans son intégralité lorsqu'un projet est considéré comme étant susceptible de « créer un risque sérieux, d'exacerber les tensions ethniques ou les troubles civils, ou lorsque l'identification des groupes culturellement distincts, tel qu'il est envisagé dans cette NES est incompatible avec les dispositions de la constitution nationale » ;
Préoccupée en outre par le fait que l’option de non-applicabilité de la NES7, si elle était maintenue en l’état, aurait pour effet, pour les pays qui en font le choix, de supprimer toutes les obligations de sauvegarde destinées à protéger les droits fondamentaux des peuples autochtones y contenues;
Alarmée par le fait que l’option de non-applicabilité pourrait amener les États à ne pas s’acquitter de leurs obligations au titre des engagements internationaux et régionaux et à décourager les pratiques en cours, en faveur d’une meilleure protection des populations autochtones sur le continent africain;
Alarmée en outre par le constat que l’option de non-applicabilité viole la vision de l’Agenda 2063 de l’Union Africaine adoptée par les Chefs d’État et de Gouvernement qui appelle à une Afrique prospère basée sur une croissance inclusive et un développement durable;
Encouragée par les échanges constructifs que le Groupe de travail sur les populations/communautés autochtones a eus le 6 février 2015 avec l’Équipe d'examen des politiques de sauvegarde de la Banque mondiale, au siège de l’Institution, au cours desquels le Groupe de travail a fait part de ses préoccupations quant aux conséquences négatives potentielles, de l’option de non-applicabilité, sur la reconnaissance juridique des populations autochtones en Afrique, ainsi que la promotion et la protection de leurs droits;
La Commission :
Demande à la Banque Mondiale d’aligner sa Politique de sauvegarde environnementale et sociale (ESP) et de normes environnementales et sociales (NES) connexes, sur les cadres juridiques internationaux et régionaux de protection des peuples autochtones ;
Exhorte la Banque Mondiale à procéder à la révision de ladite politique par la suppression de l’option de non-applicabilité incluse dans la norme environnementale et sociale 7 (NES7) et à consulter toutes les parties prenantes, y compris les communautés autochtones et la Commission africaine des droits de l’homme et des peuples dans tout processus de révision ;
Exhorte en outre la Banque mondiale à veiller à ce que la Politique de sauvegarde révisée contribue à soutenir l’élaboration d’un cadre juridique pertinent pour les populations autochtones en Afrique ;
Appelle les Etats parties à apporter leur soutien à la révision du projet de la norme environnementale et sociale 7(NES7) afin qu’elle favorise pleinement la réalisation des droits garantis par la Charte africaine et les autres instruments juridiques régionaux et internationaux pertinents;
Encourage les Etats parties à adopter des mesures législatives protectrices des droits des populations autochtones ainsi qu’à développer et à renforcer des mesures d’action positives en leur faveur ;
Exhorte les organisations internationales à promouvoir davantage les droits de l’homme sur le continent et à s’abstenir de prendre des initiatives qui pourraient avoir un impact négatif sur les politiques de promotion et de protection des droits des populations autochtones en particulier.
Fait à Banjul, en Gambie, le 28 février 2015.