Resolution sur la sterilisation involontaire et la protection des droits de l’homme dans l’acces aux services lies au VIH - CADHP/Res.260(LIV)2013

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La Commission africaine des droits de l’homme et des peuples (la Commission), réunie en sa 54ème Session ordinaire tenue du 22 octobre au 05 novembre 2013 à Banjul, Gambie,

Réaffirmant son mandat de promotion et de protection des droits de l’homme et des peuples prévu par la Charte africaine des droits de l’homme et des peuples (la Charte africaine) ;

Rappelant ses Résolutions et Observations Générales antérieures qui reconnaissent entre autres les droits des femmes et des filles, des personnes vivant avec le VIH, ainsi que la nécessité de promouvoir et de protéger les droits à la santé sexuelle et de la reproduction des femmes et de réaliser l’accès aux services de santé pour tous les individus ;

Réaffirmant en particulier que le droit à la santé des femmes et les principes d’autonomie et de non-discrimination sont reconnus par la Charte africaine et le Protocole à la Charte Africaine des droits de l'homme et des Peuples relatif aux droits de la Femme (le Protocole de Maputo), et que l’Article 14 du Protocole de Maputo prévoit explicitement les droits à la santé sexuelle et de la reproduction, et protège spécifiquement les droits des femmes « d’exercer un contrôle sur leur fécondité, de décider de leur maternité, du nombre d’enfants et de l’espacement des naissances [et] le libre choix des méthodes de contraception » ;

Notant que la stérilisation volontaire est l’une des méthodes contraceptives les plus utilisées dans le monde et qu’elle fait partie d’une gamme complète de services de contraception qui devrait être accessibles et abordables pour toute personne qui les choisirait, y compris les femmes vivant avec le VIH ;

Précisant que la stérilisation involontaire se réfère à une procédure qui est effectuée en l’absence d’un véritable consentement éclairé ou contre la volonté exprimée de la personne ;

Notant en outre que la stérilisation forcée est une forme de stérilisation involontaire caractérisée par l’utilisation d’incitations financières ou autres, de fausses informations ou de tactiques d’intimidation pour contraindre une personne à subir la procédure ;

Consciente du fait que la jouissance par les femmes vivant avec le VIH de leurs droits sexuels et de la reproduction est généralement très limitée ou leur est déniée, y compris du fait de la discrimination liée au VIH, de la stigmatisation, des préjugés et des pratiques traditionnelles néfastes ;

Profondément préoccupée par les nombreuses informations faisant état de stérilisation involontaire de femmes vivant avec le VIH dans certains Etats parties à la Charte africaine ;

Condamne toute forme de discrimination et de violation des droits de l’homme dans l’accès à des services de santé adéquats ;

Réaffirme que conformément aux normes médicales et d’éthiques universellement acceptées, toutes les procédures médicales, y compris la stérilisation, doivent être fournies avec le consentement libre et éclairé de la personne concernée ;

Déclare formellement que toutes les formes de stérilisation involontaire violent notamment, les droits à l’égalité et à la non-discrimination, à la dignité, à la liberté et à la sécurité de la personne, le droit d’être à l’abri de la torture et des traitements cruels, inhumains ou dégradants, et le droit de jouir du meilleur état de santé physique et mentale, garantis par les instruments régionaux et internationaux relatifs aux droits de l’homme, y compris la Charte africaine et le Protocole de Maputo ;

Appelle les Etats parties à la Charte Africaine à :

  1. Affecter des ressources adéquates aux services de santé de la reproduction et de lutte contre le VIH ;

  2. Veiller à ce que les principes médicaux et d’éthique actuels en matière de consentement libre et éclairé reconnus au niveau international pour toutes les procédures médicales, y compris la stérilisation, se reflètent dans les lois nationales et soient appliqués dans la fourniture de services de soins de santé aux femmes vivant avec le VIH ;

     

  3. Mettre en place des mécanismes visant à veiller à ce qu’aucune femme vivant avec le VIH ne fasse l’objet de contrainte, de pression ou d’incitation excessive de la part des professionnels de la santé ou des établissements de santé aux fins d’obtenir un consentement pour la stérilisation ou pour toute autre procédure médicale ;

  4. Veiller à ce que les femmes vivant avec le VIH disposent de toutes les informations sur les services de santé de la reproduction et liés au VIH disponibles, dans une langue accessible ;

  5. Assurer une formation régulière du personnel médical sur la protection des droits humains dans le contexte des soins de santé, y compris les principes du consentement éclairé et de la non-discrimination ;

  6. Garantir la participation significative des femmes vivant avec le VIH dans l’élaboration de lois, politiques et lignes directrices relatives à la santé et aux droits sexuels et de la reproduction ;

  7. Enquêter sur les allégations de stérilisation involontaire sur les femmes vivant avec le VIH et toute pratique impliquant les professionnels de la santé, les institutions et autres personnes impliqués dans des cas de stérilisations involontaires sur des femmes vivant avec le VIH ; et

  8. Mettre en place des mécanismes de plaintes, d’assistance juridique et de réparation au profit des femmes vivant avec le VIH victimes de stérilisation involontaire.

Fait à Banjul, Gambie, le 05 novembre 2013