La Commission africaine des Droits de l’Homme et des Peuples (la Commission africaine), réunie du 24 octobre au 05 novembre 2011, à Banjul, en Gambie, à l’occasion de sa 50èmeSession ordinaire,
Rappelant son mandat relatif à la promotion des droits de l’homme et des peuples et à leur protection en Afrique en vertu des dispositions de la Charte africaine des Droits de l’Homme et des Peuples (la Charte africaine) ;
Considérant l’article 22 de la Charte africaine qui reconnaît que tous les peuples ont droit à leur développement économique, social et culturel et que les Etats ont le devoir, séparément ou en coopération, d’assurer l’exercice du droit au développement ;
Rappelant sa Décision sur la Communication 276 / 2003 - Centre for Minority Rights Development (Kenya) and Minority Rights Group International on behalf of Endorois Welfare Council c/ Kenya (Décision relative aux Endorois), adoptée par la 46ème Session ordinaire, dont les travaux s’étaient tenus du 11 au 25 novembre 2009, à Banjul, en Gambie ;
Notant que cette décision affirme le droit de propriété des Endorois sur les terres ancestrales autour du Lac Bogoria et que ces droits sont protégés par l’article 14 de la Charte africaine ;
Notant l’article 1 de la Constitution de l’Organisation des Nations Unies pour l’Education, la Science et la Culture (UNESCO) relatif aux buts et fonctions de l’Organisation, en vertu desquels l’Unesco doit « assurer le respect universel de la justice, de la loi, des droits de l’homme et des libertés fondamentales pour tous, sans distinction de race, de sexe, de langue ou de religion, que la Charte des Nations Unies reconnaît à tous les peuples » ;
Rappelant la Déclaration des Nations Unies sur les Droits des Peuples autochtones, un instrument universel des droits humains qui a fait l’objet d’un consensus des Etats membres, et réaffirmant l’engagement de la Commission africaine à promouvoir les valeurs et à mettre en œuvre les principes garantis par cette Déclaration ;
Gardant à l'esprit l’Avis N° 2 (2011) du Mécanisme d’Experts des Nations Unies sur les Droits des Peuples autochtones, qui appelle l’UNESCO et le Comité du Patrimoine mondial à mettre en place des procédures et mécanismes efficaces afin de veiller à ce que les peuples autochtones soient suffisamment consultés et impliqués dans la gestion et la protection des sites du Patrimoine mondial et que leur consentement libre, préalable et éclairé soit obtenu lorsque leurs territoires sont désignés et inscrits sur la liste du Patrimoine mondial ;
Notant avec préoccupation qu’il existe en Afrique plusieurs sites inscrits au patrimoine mondial sans l’accord libre, préalable et éclairé des peuples autochtones sur le territoire desquels ils sont implanté et dont les cadres de gestion ne sont pas conformes aux principes de la Déclaration des Nations Unies sur les Peuples autochtones ;
Profondément préoccupée par le fait que le Comité du Patrimoine mondial, réuni à l’occasion de sa 35ème Session, a, sur recommandation de l’Union Internationale pour la Conservation de la Nature (UICN), inscrit la Réserve nationale du Lac Bogoria sur la liste des sites du Patrimoine mondial, sans le consentement libre, préalable et éclairé des Endorois par le biais de leurs institutions représentatives et malgré le fait que le Endorois Welfare Council avait exhorté le Comité à surseoir à cette inscription en raison de l’absence d’implication significative et de consultation des Endorois ;
1. SOULIGNE que l’inscription du Lac Bogoria sur la Liste du Patrimoine mondial sans implication des Endorois dans le processus de prise de décision et sans avoir obtenu leur consentement libre, préalable et éclairé contrevient à la Décision de la Commission africaine relative aux Endorois et constitue une violation du droit des Endorois au développement garanti par de l’article 22 de la Charte africaine ;
2. EXHORTE le Comité du Patrimoine mondial et l’UNESCO à examiner et réviser les procédures et lignes directrices opérationnelles actuelles, en consultation et en coopération avec le Forum permanent des Nations Unies sur les Questions autochtones et les Peuples autochtones, afin de faire de telle sorte que la mise en œuvre de la Convention mondiale du Patrimoine se fasse en conformité avec la Déclaration des Nations Unies sur les Droits des Peuples autochtones et que les droits des peuples autochtones, et les droits de l’homme en général, soient respectés, protégés et réalisés dans les sites du Patrimoine mondial ;
3. APPELLE le Comité du Patrimoine mondial à envisager la mise en place d’un mécanisme approprié par l’intermédiaire duquel les peuples autochtones pourront fournir des avis au Comité du Patrimoine mondial et participer effectivement à son processus de prise de décision ;
4. EXHORTE l’UICN à examiner et réviser ses procédures d’évaluation des candidatures à l’inscription au Patrimoine mondial ainsi que l’état de conservation des sites du Patrimoine mondial, afin de veiller à ce que les populations autochtones soient pleinement impliquées dans ces processus et que leurs droits soient respectés, protégés et réalisés dans le cadre de ces processus et de la gestion des sites du Patrimoine mondial ;
5. EXHORTE le Gouvernement du Kenya, le Comité du Patrimoine mondial et l’UNESCO à garantir la participation pleine et entière des Endorois à la prise des décisions relatives au « Système du Lac Kenya », un site du Patrimoine mondial, par le biais de leurs propres institutions représentatives ;
Fait à Banjul, Gambie, 5 novembre 2011