La Commission Africaine des Droits de l'Homme et des Peuples (la Commission), réunie en sa 81ème Session Ordinaire tenue à Banjul du 17 octobre 2024 au 6 novembre 2024,
Rappelant le mandat de la Commission africaine des droits de l'homme et des peuples en vertu de l'article 45 de la Charte africaine des droits de l'homme et des peuples (la Charte africaine) pour promouvoir et protéger les droits de l'homme et des peuples en Afrique ;
Rappelant l'article 2 de la Charte africaine, qui interdit toute forme de discrimination fondée sur la race, le groupe ethnique, l'origine sociale ou toute autre situation, et reconnaissant que la discrimination fondée sur le travail et l'ascendance constitue une forme de discrimination fondée sur l'origine sociale en vertu de la Charte ;
Reconnaissant que l'article 5 de la Charte africaine protège la dignité inhérente à la personne humaine et interdit toutes les formes d'exploitation et d'avilissement de l'homme notamment l'esclavage, la traite des personnes, la torture physique ou morale, et les peines ou les traitements cruels, inhumains ou dégradants auxquels sont souvent confrontées les communautés victimes de discrimination fondée sur le travail et l'ascendance ;
Réaffirmant l'aspiration d'une Afrique future libre de toute forme de discrimination, y compris celle fondée sur le travail et l'ascendance ;
Profondément préoccupé par la persistance de pratiques discriminatoires fondées sur le travail et l'ascendance, y compris la discrimination fondée sur la caste, les formes traditionnelles et modernes d'esclavage, le statut héréditaire et l'intouchabilité, malgré l'adoption et la ratification de traités relatifs aux droits de l'homme et la promulgation de constitutions et de lois nationales ;
Reconnaissant que la discrimination fondée sur le travail et l'ascendance est répandue dans certaines parties du continent africain, ;
Déplorant les actes de violence, l'intouchabilité, la ségrégation, ainsi que la violence sexuelle et basée sur le genre, affectant principalement les femmes et les filles des communautés victimes de discrimination fondée sur le travail et l'ascendance ;
Reconnaissant que les communautés discriminées sur la base du travail et de l'ascendance partagent des caractéristiques avec les minorités telles que reconnues par la Charte africaine, en particulier en tant que groupes marginalisés en raison de leur origine sociale distincte, et notant que leur exclusion et leur discrimination systémique relèvent du mandat du Groupe de travail sur les populations/communautés autochtones et minorités en Afrique ;
Notant en outre l'absence de normes globales en matière de droits de l'homme traitant spécifiquement de la discrimination fondée sur le travail et l'ascendance, et soulignant que le mandat du Groupe de travail sur les Populations/communautés autochtones et minorités est bien placé pour traiter cette question car elle relève de sa mission de promotion et de protection des droits des communautés marginalisées ;
Préoccupé par la persistance de la discrimination fondée sur le travail et l'ascendance près de 40 ans après la mise en œuvre de la Charte africaine ;
LA COMMISSION
i. S'engage à mener une étude continentale sur la situation des communautés victimes de discrimination fondée sur le travail et l'ascendance, y compris les causes sous-jacentes, les manifestations et les impacts des pratiques discriminatoires), avec la participation active de représentants de ces communautés, afin d'examiner en profondeur les pratiques discriminatoires en Afrique et de partager les conclusions avec les États parties et les organes et agences compétents de l'Union africaine ;
ii. Appelle les États parties à la Charte africaine à reconnaître officiellement l'existence d'une discrimination fondée sur le travail et l'ascendance en tant que forme distincte de discrimination affectant les personnes sur le continent et nécessitant une attention immédiate de la part des États parties à la Charte africaine ;
iii. Prie instamment les États parties de prendre toutes les mesures nécessaires, y compris des mesures législatives, institutionnelles et politiques, pour éliminer la discrimination fondée sur le travail et l'ascendance dans leurs États respectifs et pour promouvoir et protéger les droits des personnes confrontées à cette discrimination, y compris par une collecte de données ventilées rigoureuse conformément aux principes de protection des données et de la vie privée ;
iv. Encourage les États parties, en collaboration avec les institutions nationales des droits de l'homme, les organisations de la société civile et les défenseurs des droits de l'homme des communautés touchées, à lutter contre les croyances et les pratiques préjudiciables sous toutes leurs formes ;
v. Prie instamment les chefs traditionnels et religieux de plaider en faveur de l'éradication des pratiques traditionnelles et culturelles néfastes en général et en particulier de la discrimination des communautés fondée sur le travail et l'ascendance.
vi. Appelle toutes les parties prenantes à coopérer avec le Groupe de travail sur les populations/communautés autochtones et minorités en Afrique ainsi qu'avec les chefs traditionnels et culturels pour soutenir cette étude.
Fait à Banjul, République de Gambie 06 Novembre 2024