Résolution sur les flux migratoires mixtes, les défis de protection des migrants et l’interdiction de la traite des personnes et de toutes formes de violence en Afrique du Nord et subsaharienne - CADHP/Rés. 398 (LXII) 2018

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La Commission africaine des droits de l’homme et des peuples, réunie en sa 62ème Session ordinaire tenue à Nouakchott, République Islamique de Mauritanie du 25 avril au 9 mai 2018 ;

Ayant à l’esprit, son mandat de promotion et de protection des droits de l’homme et des peuples en Afrique en application de l’article 45 de la Charte africaine des droits de l’homme et des peuples (la Charte africaine);

Rappelant, les dispositions de l’article 12 de la Charte africaine,  qui garantit à tout individu, le droit de circuler librement, de choisir sa résidence et interdit entre autre l’expulsion collective d’étrangers ;

Rappelant, les dispositions de la Convention de l'OUA régissant les aspects propres aux problèmes des réfugiés en Afrique, les dispositions de la Convention de l’Union africaine sur la protection et l’assistance aux personnes déplacées en Afrique (convention de Kampala) et les autres instruments internationaux sur la protection des migrants ;

Rappelant en outre, ses résolutions CADHP/Res.114 (XXXXII) 07, CADHP/Rés. 131(XXXXIII) 08 et CADHP/RES. 333 (EXT.OS/XIX) 16 sur la situation des migrants, ainsi que sa Déclaration sur la détérioration de la situation des migrants en mer méditerranée faite lors de sa 56ème session ordinaire à Banjul en Gambie et son communiqué de presse  relatif au trafic d’êtres humains et l’esclavage en Libye du 22 novembre 2017 ;

Rappelant, l’article 3(h) de l’Acte Constitutif de l’Union Africaine qui consacre la promotion et la protection des droits de l’homme et des peuples conformément à la Charte africaine des droits de l’homme et des peuples (charte africaine) et aux autres instruments pertinents relatifs aux droits de l’homme; et l’article 5 de la Charte africaine qui condamne toutes formes d'exploitation et d'avilissement de l'homme notamment l'esclavage, la traite des personnes, la torture physique ou morale, et les peines ou les traitements cruels inhumains ou dégradants sont interdites ;

Rappelant également, que dans la Position Africaine Commune sur la migration et le développement d’avril 2006, l’Union africaine avait considérer que la migration peut être un outil efficace de lutte contre la pauvreté à travers le renforcement de la distribution des revenus, la promotion du développement et du travail productif pour la croissance de l’Afrique ;

Considérant l’accroissement continu des flux migratoire mixtes, et malgré les différentes mesures qui sont  prises par les Etats pour séparer les demandeurs d’asile des personnes n’étant pas couverte par une protection internationale;

Préoccupée par la récente crise des migrants et refugiés survenu en Libye et dénonçant le sort des migrants livrés au trafic humain et à la vente ;

Consternée,  par la multiplication des cas de maltraitance et autres violations abusives et persistantes telles que la violence policière lors d’opérations d’expulsions à l’endroit des migrants, notamment les enfants non accompagnés et les femmes dans des nombreuses régions en Afrique du Nord et subsaharienne ; notamment en Algérie ;

Déplorons,  le transfert et l’enfermement du nombre important de migrants, dans les centres de rétentions ou/et des prisons aux conditions indignes et inhumaines ; arguant du fait qu’ils représenteraient une menace grave pour l’ordre public, la sécurité intérieure ou des risques liés au crime organisé et aux menaces terroristes.

Soulignant, la nécessité de prendre des mesures concrètes et concertées pour trouver des solutions idoines et pérennes à la question de la migration et à la protection des migrants et de leurs droits  en dehors de toute approche coercitive;

Saluant, l’adoption par l’Union Africaine du Protocole au Traité instituant la Communauté Economique Africaine relatif à la libre circulation des personnes, au droit de séjour et au droit d’établissement,  ainsi que l’élaboration du cadre de Politique migratoire pour l’Afrique et son Plan d’action.

La Commission :

1.     Condamne le trafic humain et la vente des migrants, ainsi que les violences policières lors des opérations d’expulsion des migrants,

2.     Appelle les Etats parties à considérer les migrants comme un potentiel économique et non comme un facteur d’insécurité  et de s’inscrire dans le cadre d’une gouvernance efficace des migrations ;

3.     Appelle les Etats parties et l’Union Africaine à  prendre les mesures adéquates pour garantir la protection des migrants; en mutualisant les efforts de coordination afin de prévenir la traite humaine, le travail forcé et l’exploitation sexuelle ;

4.     Encourage les Etats parties, en particulier les Etats d’Afrique du Nord à trouver des solutions avec les pays d’origine  , mettre en place et appliquer des mesures alternatives à la détention des migrants, en particulier les groupes vulnérables ;

5.     Demande aux Etats de se prononcer sur le caractère impératif de l’interdiction du crime d’esclavage ;

6.     Demande aux Etats parties de mettre en œuvre le Protocole au Traité instituant la Communauté Economique Africaine relatif à la libre circulation des personnes, au droit de séjour et au droit d’établissement  et le cadre de Politique migratoire pour l’Afrique et son Plan d’action ;

7.     Encourage les Etats parties à la Charte africaine à travailler avec les partenaires HCR, OIM et les sociétés nationales de la Croix Rouge et du Croissant Rouge , pour mettre en place des cadres spécifiques concernant, la gestion des flux migratoires mixtes, notamment lors des opérations de rapatriement des migrants ;

8.     Demande aux Etats parties de favoriser le renforcement de la coopération conventionnelle entre eux dans la prévention de l’immigration irrégulière et du retour des migrants irréguliers ;

9.     A l’Etat Libyen à autoriser et faciliter le déroulement de la mission d’établissements des faits, instruite par le Président de la Commission de l’Union africaine, sur la situation des migrants en Libye.

 

Adoptée lors de la 62ème Session ordinaire de la Commission Africaine des Droits de l’Homme et des Peuples tenue à Nouakchott, République Islamique de Mauritanie, du 25 avril au 9 mai 2018