La Commission africaine des droits de l’homme et des peuples (la Commission africaine) suit de près l’évolution récente de la situation qui prévaut en République islamique de Gambie depuis les élections présidentielles du 1er décembre 2016.
La Commission africaine se félicite du bon déroulement pacifique des élections. Elle salue également l’annonce des résultats de l’élection, conformément aux procédures prévues par les lois constitutionnelles et électorales du pays et l’acceptation publique, le 2 décembre 2016, par le Président sortant Yahya A.J.J. Jammeh, des résultats tels que proclamés par la Commission électorale indépendante de la Gambie. La Commission africaine se félicite également de la libération sous caution du leader de l’opposition, M. Darboe et d’autres personnes qui étaient impliquées dans une manifestation pacifique, au mois d’avril.
La Commission africaine est toutefois profondément préoccupée par le changement de position du président sortant sur la légitimité des résultats de l’élection. Ce revirement a créé des tensions et un climat d’incertitude qui menacent le processus démocratique, la paix et la stabilité du pays. La Commission africaine des droits de l’homme et des peuples soutient que des élections libres et démocratiques, qui sont un droit fondamental des citoyens garanti par l’article 13 de la Charte africaine des droits de l’homme et des peuples (la Charte africaine) et un moyen essentiel d’exercer le droit des peuples à l’autodétermination en vertu de l’article 20 de la Charte africaine, obligent légalement tous les acteurs politiques, notamment le gouvernement en place, à se conformer aux résultats électoraux légalement promulgués et qui expriment la volonté libre et souveraine du peuple gambien.
Le rejet unilatéral des résultats de l’élection, sans suivre la procédure prévue par la loi est par conséquent contraire aux dispositions de la Charte africaine et de la Constitution de la Gambie. Nonobstant la déclaration publique du Président sortant, le 9 décembre 2016, contestant la validité des résultats de l’élection, la Commission affirme que les résultats déclarés le 2 décembre 2016, restent valables et devraient être respectés, à moins que et jusqu’à ce que l’organe judiciaire indépendant dûment constitué et constitutionnellement mandaté, les revoit conformément aux normes internationalement reconnues et auxquelles la Gambie est liée, et conformément aux procédures juridiques prévues par la Constitution et la loi électorale de la République islamique de Gambie.
Le transfert pacifique du pouvoir après des élections libres et démocratiques est essentiel à la consolidation de la culture démocratique, de la paix et de la sécurité du peuple gambien. La Commission exhorte le président sortant à respecter la volonté du peuple gambien et à ne contester les résultats de l’élection que dans le cadre des procédures légales dûment prévues par la Constitution du pays, tout en s’abstenant de tout rejet unilatéral de la validité de l’élection, en attendant la finalisation de tels processus juridiques.
La Commission africaine exhorte également le gouvernement gambien, y compris ses forces de sécurité, à éviter toute déclaration ou tout acte susceptible de mettre en danger la vie et la liberté de tout membre du public, notamment les membres de l’opposition, leurs partisans, les OSC et les médias, ou à s’abstenir d’inférer dans le travail de l’organe électoral de la Gambie. La Commission est particulièrement préoccupée par des informations selon lesquelles les forces de sécurité ont pris le contrôle de la commission électorale et empêché les membres du personnel de l’organe électoral d’accéder à leurs bureaux, menaçant ainsi l’intégrité de l’organe électoral et des bulletins de vote qui y sont conservés.
La Commission lance un appel à tous les acteurs politiques et aux autres catégories du public afin qu’ils évitent les déclarations ou les actes de violence susceptibles d’exacerber la tension et d’entraver le transfert pacifique du pouvoir.
La Commission africaine appelle le Gouvernement gambien à coopérer dans le cadre des efforts déployés par l’Union africaine, la Communauté économique des Etats de l’Afrique de l’Ouest et les Nations Unies en vue de garantir un transfert pacifique du pouvoir et d’éviter ainsi une crise constitutionnelle et une instabilité politique.
La Commission africaine voudrait rappeler au Gouvernement gambien qu’en vertu de la Charte africaine, il lui incombe de veiller à ce que les droits humains et libertés fondamentales garantis par la Charte africaine des droits de l’homme et des peuples à laquelle la République islamique de Gambie est partie, soient respectés et protégés pendant cette période de transition.