* Les Rapporteurs spéciaux des Nations Unies sur le droit de toute personne à jouir du meilleur état de santé physique et mentale possible, sur la situation des défenseurs des droits de l’homme, sur la violence contre les femmes, ses causes et ses conséquences, et le Groupe de travail sur la question de la discrimination à l’égard des femmes dans la loi et la pratique
« L'Agenda pour le développement durable 2030 et sa mise en œuvre représentent une occasion unique d'assurer le plein respect de la santé et des droits sexuels et reproductifs, qui doit être saisie »
GENÈVE, BANJUL, WASHINGTON DC (24 Septembre 2015) - A l'occasion du sommet de haut niveau pour le lancement officiel de l'Agenda pour le développement durable 2030, un groupe d'experts internationaux et régionaux des droits de l’homme* appelle les États, lors de la mise en œuvre de l’Agenda, à saisir l'opportunité de se réengager pour assurer le respect, la protection et l'épanouissement complet du droit à la santé et des droits sexuels et reproductifs.
Le droit à la santé et les droits sexuels et reproductifs sont basés sur des normes des droits de l’homme reconnues, telles que codifiées dans les traités internationaux et régionaux, ainsi que dans des documents qui font l’objet d’un consensus politique international tels que le Programme d'action de la Conférence internationale sur la population et le développement, et le Programme d'action de la quatrième Conférence mondiale sur les femmes.
Pourtant, en dépit des obligations claires des États à respecter, protéger et réaliser les droits liés à la santé sexuelle et reproductive des femmes, les violations demeurent fréquentes et répandues dans toutes les régions du monde. Celles-ci prennent de nombreuses formes, y compris le refus d'accès aux biens et services dont seules les femmes ont besoin, en soumettant l'accès aux services des femmes et des adolescentes à l’autorisation d’un tiers, du fait de services de santé reproductive de mauvaise qualité, de la tolérance de pratiques néfastes, ainsi que de la réalisation de procédures sans le consentement éclairé de la femme.
Nous accueillons avec satisfaction l'adoption de l'Agenda 2030 qui ouvre la voie à une approche universelle et centrée sur les êtres humains du développement durable, entièrement ancrée dans le droit international relatif aux droits de l’homme. La lutte contre les inégalités et la discrimination, y compris l'élimination des lois, des politiques et des pratiques discriminatoires, est au cœur de l’Agenda et, très souvent, des violations de la santé et des droits sexuels et reproductifs des femmes. Nous notons avec appréciation les engagements pris pour assurer l'accès universel aux services de santé sexuelle et reproductive, y compris le planning familial, l'information et l'éducation. Cependant, nous regrettons profondément la décision prise par les États de ne pas proposer une reconnaissance plus large et explicite de la santé et des droits sexuels et reproductifs, malgré leur engagement à exécuter l’Agenda d'une manière compatible avec leurs obligations en matière de droits de l’homme.
Une leçon fondamentale des Objectifs du Millénaire pour le développement concerne la mortalité maternelle. Aujourd'hui, nous observons une meilleure compréhension, y compris par le biais des travaux entrepris au Conseil des Droits de l’Homme, du fait que la lutte contre la crise des décès maternels exige des mesures pour respecter, protéger et réaliser le spectre complet des droits des femmes, dès l’enfance et non pas seulement quand elles tombent enceintes. Selon l'Organisation mondiale de la santé, tous les jours environ 800 femmes meurent de causes évitables liées à la grossesse et à l'accouchement, ce qui viole leurs droits à la vie et à l'intégrité personnelle.
Nous recommandons que les États utilisent les lignes directrices du Conseil des Droits de l’Homme afin de mieux protéger les droits de l'homme, et aussi accomplir leurs engagements selon l'Agenda 2030. Le phénomène de la mortalité maternelle n’est pas inévitable: c’est le résultat de lois et pratiques discriminatoires, ainsi que d’arrangements institutionnels qui aggravent la pauvreté, qui ont fondamentalement trait aux droits et à la justice. En outre, le coût de la mortalité maternelle dépasse le coût nécessaire pour assurer les soins prénataux et postnataux appropriés.
L'avortement non médicalisé est l'une des principales causes de mortalité et de morbidité maternelles. Sa criminalisation ou tout autre manquement à assurer des services dont seules les femmes ont besoin, comme l'avortement et la contraception d'urgence, constituent des discriminations fondées sur le sexe, et cela est inadmissible. Nous sommes profondément préoccupés par les cas de femmes qui ont été emprisonnées pour avoir eu recours aux services de santé d’urgence, notamment en raison de fausses couches, qui sont victimes de violence institutionnelle et de discrimination par les prestataires de services de santé en raison de politiques publiques et de lois ou pour des raisons de statut social et économique, ou qui sont signalées ou dénoncées par leurs médecins aux autorités. Nous demandons aux États de prendre assidûment en considération les effets discriminatoires et sur la santé publique des lois qui criminalisent l'avortement en toutes circonstances ; d’éliminer les mesures punitives à l’encontre des femmes qui avortent , et au minimum, de légaliser l’avortement dans les cas d'agression sexuelle, de viol, d'inceste, de grossesse précoce et lorsque la grossesse met en danger la santé mentale et physique de la femme ou la vie de la femme ou du fœtus. En outre, les femmes doivent toujours avoir accès à des soins post-avortement sûrs et de qualité.
La violence contre les femmes, les stéréotypes de genre préjudiciables et les formes multiples et intersectionnelles de discrimination fondée sur le sexe et le genre ont conduit à la violation des droits à la santé sexuelle et reproductive des femmes. À cet égard, nous sommes heureux de constater des engagements dans l’Agenda visant à éliminer toutes les formes de violence contre les femmes et les filles dans les sphères publiques et privées, y compris toutes les pratiques néfastes, comme le mariage d’enfant et forcé et les mutilations génitales féminines. Nous exhortons les États à prendre toutes les mesures législatives et pratiques pour prévenir, interdire et sanctionner de tels actes et garantir des réparations. Les États devraient également répondre des actes de violence obstétricale et institutionnelle subis par les femmes dans les établissements de santé, y compris concernant les procédures de stérilisation forcée ou contrainte, le refus d’administrer des médicaments pour soulager la douleur, le manque de respect et la maltraitance des femmes qui s’adressent aux services de santé, et les cas de femmes ayant été frappées pendant l’accouchement. Nous sommes profondément choqués par les cas de femmes ayant été enchaînées à leur lit d'hôpital en donnant naissance en prison ou lorsqu’elles sont soupçonnées d'avoir eu recours à un avortement.
Nous apprécions l'accent mis dans l’Agenda sur l'émancipation des femmes et des filles et soulignons que cela est essentiel à l'accomplissement de leur santé et leurs droits sexuels et reproductifs. Respecter l'autonomie, l'intégrité et la capacité des femmes à prendre des décisions éclairées au sujet de leur santé implique l'égalité des droits des femmes à décider librement et de façon responsable du nombre et de l'espacement de leurs enfants et d'avoir accès à l'information, l'éducation et aux moyens pour leur permettre d'exercer ces droits. Les femmes doivent être en mesure d'exercer ces droits à l'égard de leur vie privée et de la confidentialité. Les États ont l'obligation de prendre des mesures concrètes pour éliminer les obstacles rencontrés par les adolescentes en particulier, tels que les stéréotypes de genre néfastes, les attitudes discriminatoires et la censure, en accédant à des informations complètes et factuelles sur la sexualité et la reproduction. Cela devrait inclure des informations et une éducation transmises en temps voulu pour un comportement sexuel responsable, sur la prévention des grossesses précoces et non désirées et sur les infections sexuellement transmissibles, dont le VIH/sida. Les adolescents ont besoin de services qui répondent à leurs besoins spécifiques de santé sexuelle et reproductive, à ce qu'ils puissent poursuivre et terminer leurs études, et qui préviennent la stigmatisation et les risques afférents sur la santé, du mariage précoce auquel ils peuvent être soumis.
En outre, les femmes défenseurs des droits de l'homme devraient bénéficier d'une protection contre les menaces et les violences sexo-spécifiques qu'elles pourraient subir en raison de leur travail relatif à la santé et aux droits sexuels et reproductifs et de leur remise en cause des structures patriarcales et des normes de genre qui sont profondément ancrées dans la société. Elles devraient aussi être habilitées, à travers des environnements sûrs, favorables et encourageants, à tenir les États responsables face à leurs obligations et engagements en matière de droits de l’homme selon l’Agenda. Cela doit inclure une participation significative aux discussions sur le cadre de responsabilisation, et la mise en œuvre et le suivi de l'Agenda.
Nous appelons tous les États de toutes les régions, lors de la mise en œuvre de cet agenda historique, à saisir cette occasion unique de renouveler leurs engagements et d’assurer le respect, la protection et l'épanouissement complet de la santé et les droits sexuels et reproductifs des femmes.
FIN
(*) Les experts de l'ONU: M. Dainius Puras, Rapporteur spécial sur le droit de toute personne à jouir du meilleur état de santé physique et mentale, M. Michel Forst, Rapporteur spécial sur la situation des défenseurs des droits de l'homme, Mme Dubravka Šimonović, Rapporteuse spéciale sur la violence contre les femmes, ses causes et conséquences, Mme Eleonora Zielinska, Présidente du Groupe de travail sur la question de la discrimination contre les femmes dans la loi et la pratique ; Les experts de la CADHP: Mme Reine Alapini-Gansou, Rapporteuse spéciale sur les défenseurs des droits de l'homme en Afrique, Mme Soyata Maiga, Rapporteuse spéciale sur les droits des femmes ; L’expert de la Commission interaméricaine des droits de l'homme: Mme Tracy Robinson, Rapporteuse sur les droits des femmes
Les Rapporteurs spéciaux font partie de ce qui est désigné sous le nom des procédures spéciales du Conseil des droits de l’homme. Les procédures spéciales, l’organe le plus important d’experts indépendants du Système des droits de l’homme de l’ONU, est le terme général appliqué aux mécanismes d’enquête et de suivi indépendants du Conseil qui s’adressent aux situations spécifiques des pays ou aux questions thématiques partout dans le monde. En savoir plus: http://www.ohchr.org/EN/HRBodies/SP/Pages/Welcomepage.aspx
Un organe principal et autonome de l'Organisation des États américains (OEA), la CIDH tire son mandat de la Charte de l'OEA et de la Convention américaine relative aux droits de l'homme. La Commission interaméricaine a le mandat de promouvoir le respect des droits de l'homme dans la région et agit comme un organe consultatif de l'OEA dans ce domaine. La Commission est composée de sept membres indépendants qui sont élus à titre individuel par l'Assemblée générale de l'OEA, et qui ne représentent pas leur pays d'origine ou de résidence. En savoir plus: www.iachr.org
La Commission Africaine des Droits de l’Homme et des peuples a été établie par la Charte africaine des droits de l'Homme et des Peuples. La Commission se compose de 11 membres élus par l'Assemblée de l'UA d'experts désignés par les Etats parties à la Charte. La Commission a créé des mécanismes subsidiaires tels que les rapporteurs, les comités et groupes de travail spéciaux pour atteindre ses objectifs de promotion et de protection des droits de l’homme sur le continent. En savoir plus: http://www.achpr.org/