Le 18 décembre de chaque année, est célébrée la journée internationale des migrants, en mémoire de l’adoption de la Convention Internationale sur la protection des droits des travailleurs migrants et des membres de leur famille en 1990.
La Commission africaine des droits de l’homme et des peuples se joint à la communauté internationale pour commémorer cet évènement et rappeler d’une part, que toutes les personnes migrantes doivent jouir de l’ensemble de leurs droits humains, -tels que garantis par la Charte africaine des droits de l’homme et des peuples-, sur la seule base de leur humanité et de leur dignité, quel que soit leur statut migratoire, et d’autre part, sur le rôle central des migrants dans la contribution au développement dans leur pays d’origine et dans celui d’accueil, en tant qu’agents actifs du changement.
S’il est indéniable pour la Commission que la migration est un phénomène mondial, au cours des dernières années, l’Afrique est devenue le témoin de l’évolution de modes de migrations de plus en plus complexes. Malgré l’accent international mis sur les flux migratoires vers l’Europe, il est nécessaire de rappeler que plus de 80% des migrations africaines ont lieu en Afrique (intra-régionaux et inter-régionaux). Cela est dû à une multitude de facteurs, tels les conflits et instabilité politique, le terrorisme, les changements climatiques (rareté de l’eau, sécheresse, inondations), la pauvreté, la mauvaise gouvernance, les conditions socio-économiques précaires et défavorables, les violations des droits humains…, entrainant une augmentation des migrations sur le continent africain, et représentant même parfois une stratégie de survie pour beaucoup de personnes.
Les migrants, au sens large[Migrant: définition large, inclusive «toute personne qui se trouve en dehors d’un Etat dont elle est citoyenne/ressortissante, ou dans le cas d’un apatride, qui se trouve en dehors de son Etat de naissance ou de résidence », elle englobe ainsi les réfugiés, demandeurs d’asile, apatrides et même les victimes/survivants de la traite des êtres humains, les migrants économiques réguliers et irréguliers, les migrants climatiques.], se déplacent, de façon volontaire ou forcée, de façon régulière ou irrégulière, à la recherche de meilleures conditions de vie, créant une véritable dynamique migratoire dans le continent, avec une multitude de défis, humanitaires, économiques et politiques.
Les migrants, souvent en situation de vulnérabilité, sont stigmatisés, victimes de violations de leurs droits fondamentaux, cibles de trafic, de traite des êtres humains ou de xénophobie.
La Commission africaine des droits de l’homme et des peuples est profondément préoccupée par la multiplication des cas de détention pour motifs migratoires, avec les répercussions sur la santé et bien-être physique et mental des migrants. Elle rappelle dans ce contexte que la détention pour motif migratoire doit être une pratique exceptionnelle, de dernier recours, légale et nécessaire, et être remplacée, à chaque fois que c’est possible, par des alternatives à la détention, plus humaines et plus respectueuses de la dignité des migrants.
La Commission africaine des droits de l’homme et des peuples est également alarmée par le fait que l’année 2023 a connu un nombre record de migrants morts ou disparus dans diverses circonstances, dont un pourcentage important d’enfants, avec tout ce que cela peut avoir comme conséquences sur les membres de leurs familles. Cette année a été en outre marquée par de multiples campagnes d’expulsions collectives de migrants dans différents Etats africains. La Commission saisit l’occasion de cette commémoration pour rappeler une fois de plus aux Etats l’interdiction des expulsions collectives des étrangers telle qu’elle figure dans les différents instruments auxquels ils sont parties.
En cette journée internationale des migrants, la Commission africaine des droits de l’homme et des peuples, tout en s’inscrivant dans le Cadre de Politique Migratoire pour l’Afrique révisé et Plan d’Action (2018-2030), souhaite rappeler aux Etats africains leurs divers engagements envers les personnes migrantes, découlant bien des textes universels et régionaux, plus particulièrement, les dispositions de l’article 12 de la Charte africaine qui garantit à tout individu le droit de circuler librement, de choisir sa résidence, ainsi que de ses différentes résolutions pertinentes telles CADHP/Res.114 (XXXXII) 07[ Sur la migration et les droits de l’homme.],CADHP/Rés.131(XXXXIII) 08[ Sur la situation des migrants en Afrique du Sud.], CADHP/RES. 333 (EXT.OS/XIX) 16[ Sur la situation des migrants en Afrique.], CADHP/RES. 486 (EXT.OS/ XXXI1I) 2021[ Sur les migrants et réfugiés disparus en Afrique et les conséquences sur leurs familles,], et CADHP/RES.565 (LXXVI) 2023[ Sur l’inclusion des réfugiés, des demandeurs d’asile, des déplacés internes et des apatrides dans les systèmes socio-économiques nationaux, les services et les opportunités économiques et Afrique.].
Enfin, cette journée est pour la Commission africaine des droits de l’homme et des peuples une occasion particulière pour réitérer aux Etats africains, à l’Union africaine, aux Communautés économiques régionales, et aux autres parties prenantes, son invitation pour mettre en œuvre, dans l’esprit de la solidarité africaine, les « Principes directeurs africains relatifs aux droits de l’homme de tous les migrants, les réfugiés et les demandeurs d’asile », adoptés en mai 2023, et lancés officiellement lors de sa 77 session ordinaire à Arusha en octobre 2023.
Commissaire Selma Sassi-Safer
Rapporteure Spéciale sur les réfugiés, les demandeurs d’asile, les déplacés internes et les migrants en Afrique