La Commission Africaine exprime sa préoccupation face aux incidents récurrents de violence et appelle à une action concertée pour assurer la sûreté et la sécurité des populations au Nigeria.

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14 avril 2023, Banjul, République de Gambie

La Commission africaine des droits de l'homme et des peuples (la Commission Africaine), par l'intermédiaire de son rapporteur pour la République fédérale du Nigeria, l'honorable Commissaire Solomon Ayele Dersso, et du rapporteur spécial sur la peine de mort, les Exécutions Extrajudiciaires, Sommaires ou Arbitraires et les Disparitions forcées en Afrique, l'honorable Commissaire Idrissa Sow, est profondément préoccupée par la multiplication des actes de violence entraînant la mort de nombreuses personnes dans le contexte et à la suite des élections de février et mars 2023 au Nigeria, ainsi que des affrontements entre agriculteurs et éleveurs signalés récemment dans la région de la Middle Belt du pays.       

Des rapports de diverses sources parvenant à la Commission Africaine révèlent de multiples cas d'attaques violentes contre les électeurs, les candidats et le personnel électoral dans le contexte des élections présidentielles et gubernatoriales, entraînant la mort de 109 personnes entre janvier et le 10 mars 2023, selon un rapport d'une organisation nigériane crédible, avec divers incidents de violences électorales meurtrière signalés tout au long du mois de mars. 

La Commission Africaine note que ces incidents portant atteinte au droit à la vie, à la sécurité personnelle et à l'intégrité corporelle, au droit de ne pas être soumis à la torture ou à des traitements inhumains ou dégradants, à la liberté personnelle, à la liberté d'association, au droit à la propriété, au droit de travailler, le droit de participer au gouvernement de son pays et le droit à la paix et à la sécurité.  Ils se caractérisent, selon des sources bien informées, par des attaques armées contre des convois de campagne, l'enlèvement de dirigeants politiques, des discours de haine et des incitations à la violence visant des groupes ethniques spécifiques, la destruction de locaux commerciaux, des violences dans les bureaux de vote et des violences fondées sur le sexe et des menaces de viol à l'encontre de femmes et de jeunes filles. 

La Commission Africaine est également préoccupée par les derniers rapports de violences meurtrières caractérisés par des conflits intercommunautaires entre fermiers et éleveurs. Selon ces rapports, des attaques épouvantables dans plusieurs villages des zones gouvernementales locales d'Apa et d'Agatu à Benue ont coûté la vie à plus de 300 personnes au cours des trois à quatre dernières semaines ; et plus récemment, les attaques brutales dans le village d'Umogidi les 4 et 5 avril 2023 ont entraîné la mort d'au moins 51 personnes, laissant plusieurs autres portées disparues. La Commission est préoccupée par la persistance et la récurrence de ces incidents violents, aggravés par des actes criminels d'enlèvement contre rançon et des attaques terroristes.

La Commission Africaine note que tous ces actes de violences et de conflits constituent des atteintes graves, comme souligné précédemment, à un large éventail de droits civils et politiques, économiques, sociaux et culturels et de droits des peuples garantis par la Charte Africaine des Droits de l'Homme et des Peuples et la Charte Africaine de la Démocratie, des Elections et de la Gouvernance, auxquelles le Nigéria est partie. Ces traités relatifs aux droits de l'homme établissent l'engagement des États à prendre toutes les mesures institutionnelles, politiques et socio-économiques nécessaires pour garantir l'accès et la sécurité de toutes les personnes face à des situations qui menacent leur vie, leur intégrité physique et leur sécurité sociale.

La Commission Africaine appelle donc le gouvernement de la République Fédérale du Nigeria à s'assurer que
1.Une enquête indépendante et transparente est menée sur les différents incidents rapportés afin d’en déterminer les causes et les conséquences ; 
2.Les responsables soient poursuivis et punis conformément à la loi ;
3.Les familles et les communautés affectées bénéficient de recours efficaces et d'une aide à la réadaptation ;
4. un processus de dialogue réunissant les différentes parties prenantes afin de faire progresser la coexistence pacifique est engagé  ;
5.Le soutien et la promotion des instruments de paix intercommunale, y compris ceux qui facilitent l'accès partagé et pacifique aux ressources, ainsi que les mécanismes de résolution pacifique des conflits est mobilisé pour faire face à la situation  ;
6. La garantie d’une  mise en place des cadres juridiques et institutionnels existants qui interdisent les discours de haine et l'incitation à la violence à l'encontre de groupes ethniques particuliers et créer les conditions permettant à diverses institutions sociales et publiques, y compris les médias, les institutions religieuses et les organisations de la société civile, de travailler à la promotion de la confiance, de la cohésion sociale et de l'harmonie entre les membres des différents groupes ethniques et religieux au Nigeria est assurée ; 
7.La mise en place d’une réforme appropriée des institutions chargées de l'application de la loi et de la sécurité afin qu'elles s'acquittent de manière efficace et responsable de leurs obligations constitutionnelles en matière de maintien de l'ordre public et de protection de la sécurité des personnes soit effective.   

La Commission Africaine exprime sa solidarité avec les familles et les victimes des divers incidents de violences électorales, et les massacres de Benue, et exprime son soutien aux efforts du gouvernement et du peuple du Nigéria pour garantir une paix durable, la sécurité et un bon leadership.

Honorable Commissaire Solomon Ayele Dersso,
Rapporteur sur la situation des droits de l'homme dans la République fédérale du Nigeria

Honorable Commissaire Idrissa Sow
Rapporteur Spécial sur la Peine de Mort, les Exécutions Extrajudiciaires, Sommaires ou Arbitraires et les Disparitions forcées en Afrique