Le groupe de travail de la Commission Africaine des Droits de l’Homme et des Peuples sur les droits économiques sociaux et culturels en Afrique réuni a Dakar au Sénégal du 14 au 16 décembre 2014 déclare ce qui suit:
Préoccupé par la vitesse de propagation du virus Ebola, qui a causé plus de 6’000 morts et a affecté plus de 20’000 personnes, en moins de 8 mois en Guinée, au Liberia et en Sierra Leone et, qui continue à se propager, entre autre au Mali;
Préoccupé par le fait que l’incapacité des pays à contenir et à endiguer l’épidémie du virus Ebola est révélateur de profondes insuffisances des systèmes de santé nationaux;
Conscient que l’endiguement de cette épidémie a des implications sur la libre circulation des personnes et des biens et doit prendre en compte les pratiques socioculturelles des pays concernés;
Notant avec préoccupation le climat de peur et de rejet qui s’est instauré, entrainant une discrimination à l’encontre des communautés contaminées par le virus Ebola, et le départ précipité de partenaires économiques et humanitaires ;
S’indignant de la décision prise, par ailleurs, par certains Etats de fermer leurs frontières, ce qui constitue non seulement une atteinte grave à la liberté de circulation garantie par la Charte africaine des droits de l’homme et des peuples, mais également une mesure contre-productive à l’endiguement de l’épidémie causant un préjudice certain au développement économique de la région;
Considérant que les conséquences économiques de cette épidémie, qui concernent la productivité, les moyens de subsistance et l’emploi, sont estimées à 1.5% du PIB des trois pays les plus touchés, et pourraient s’élever à 32,6 milliards de dollars d’ici à la fin de l’année 2015 si l’épidémie devait s’étendre aux pays voisins;
Faisant écho aux propos du Président de la Banque Mondiale, M. Jim Yong Kim, qui, le 8 octobre 2014 déclarait que « la communauté internationale doit tirer dès maintenant les leçons des conséquences de la faiblesse des systèmes, institutions et équipements de santé publique dans de nombreux pays africains » et que « des investissements continus dans les systèmes de santé auraient permis de réduire les coûts énormes de cette crise pour les pays concernés et le reste du monde» ;
Salue la Résolution 2177 du Conseil de Sécurité de l’ONU du 28 septembre 2014 qui juge que « l’ampleur extraordinaire de l’épidémie d’Ebola en Afrique constitue une menace pour la paix et la sécurité internationales » ;
Salue les efforts de la communauté internationale et la mise en place de la mission des Nations Unies pour la lutte contre Ebola (UNMEER) ayant son siège à Accra ;
Salue le Communiqué du Conseil de Paix et de Sécurité de l’Union Africaine sur l’épidémie d’Ebola en Afrique de l’Ouest du 4 novembre 2014 notant que « l’ampleur de l’épidémie sans précédent » nécessite une « approche unie, coordonnée et soutenue afin de circonscrire et d’éradiquer avec succès l’épidémie » ;
Salue également la mise en place de la Mission de soutien de l'Union Africaine à la lutte contre l’épidémie d'Ébola qui sévit en Afrique de l'Ouest (ASEOWA) ; la prise de position de l’Union Africaine condamnant les restrictions aux voyages vers les pays touchés par le virus et la prompte réponse de la CEDEAO à travers la formation du personnel de santé ;
Souhaite rendre un vibrant hommage au courage des personnels soignants, dont certains membres ont malheureusement succombé au virus en portant secours aux personnes infectées;
Rappelle que la lutte contre l’épidémie est de la responsabilité collective des Etats requérant une action à l’échelle nationale, régionale et internationale;
Lance un appel pressant à la communauté internationale à :
- renforcer les systèmes sanitaires nationaux de manière à prévenir et à contenir l’épidémie d’Ebola et les épidémies futures ;
- développer une réponse concertée entre les différent acteurs, centralisée au niveau de l’Etat et adaptée à chaque contexte socio-culturel ;
- prévenir un climat de peur par une communication, et un accès à l’information, fiables et pertinentes à destination de la population et de la communauté internationale ;
- poursuivre les efforts et notamment la contribution au Fonds Mondial de Santé pour endiguer l’épidémie.
Lance un appel pressant à tous les Etats africains à:
- compter d’abord sur leurs propres forces et ressources pour contribuer au Fonds de l’Union africaine de lutte contre le virus Ebola;
- éviter toute décision de nature à entraver une riposte efficace contre le virus, en ouvrant, de manière contrôlée, les frontières afin de faciliter l’accès aux soins de santé efficaces et aux services sociaux adéquats aux personnes infectées par le virus Ebola ; et
- suivre l’exemple du Nigéria, du Sénégal et du Mali qui ont démontré qu’il est possible de contenir l’épidémie grâce à une forte mobilisation des pouvoirs publics qui se sont appuyés sur leur système de prise en charge sanitaire.
Fait à Dakar, le 16 décembre 2014