Résolution sur la nécessité de prendre des mesures pour réduire les déplacements internes forcés en Afrique - CADHP.Res.582 (LXXVIII)2024

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La Commission africaine des droits de l'homme et des peuples (la Commission africaine), réunie lors de sa 78ème Session ordinaire, tenue virtuellement du 23 février au 8 mars 2024;  

Rappelant son mandat de promotion et de protection des droits de l’homme et des peuples en Afrique en vertu de l’article 45 de la Charte africaine des droits de l’homme et des peuples (la Charte africaine);

Considérant ses Résolutions CADHP/Res.114(XXXXII) 07 sur la Migration et les Droits de l’Homme ; CADHP/RES.333(EXT.OS/XIX) 2016 sur la situation des migrants en Afrique ; CADHP/Rés.369(LX) 2017, sur la situation des personnes déplacées internes en Afrique; CADHP/Res.470 (LXVII) 2020 sur la protection des réfugiés, demandeurs d’asile, personnes déplacées internes et migrants dans la lutte contre la pandémie de la COVID-19 en Afrique, CADHP/Res. 484 (EXT.OS/XXXIII) 2021 sur le respect du principe de non-refoulement des demandeurs d'asile et des réfugiés ; CADHP/Res. 491 (LXIX)2021 sur le changement climatique et les déplacements forcés en Afrique; CADHP/Res.563 (LXXVI) 2023 sur la grave détérioration de la situation des droits de l’homme en République du Soudan suite à la poursuite de la guerre qui a éclaté le 15 avril 2023; et CADHP/Res.565 (LXXVI) 2023 sur l'inclusion des réfugiés, des demandeurs d'asile, des déplacés internes et des apatrides dans les systèmes socio-économiques nationaux, les services et les opportunités économiques en Afrique ; 

Considérant en outre son Communiqué de presse sur la situation des personnes déplacées internes dans l’Est de la République Démocratique du Congo, particulièrement dans les Villes de Sake et Goma du 16 février 2024; ainsi que son Communiqué du 8 mars, sur la situation des personnes déplacées de force en République du Soudan et dans certains pays voisins ;

Rappelant les engagements de mise en œuvre issus de la 1ère Session de la Conférence des Etats parties à la Convention de Kampala tenue à Harare, Zimbabwe, en avril 2017 et l’engagement des Etats parties contenu dans le préambule de la Convention de Kampala d’apporter des solutions durables aux situations des personnes déplacées internes, par la mise en place d’un cadre juridique approprié,  en vue de leur apporter protection et assistance, et l’adoption de mesures afin de prévenir et de mettre fin aux déplacements internes, en éradiquant les causes premières; 

Rappelant en outre les dispositions des Principes directeurs des Nations Unies relatifs au déplacement de personnes à l’intérieur de leur propre pays ;

Réaffirmant la Position Africaine Commune (PAC) sur l'efficacité humanitaire, qui prévoit de prendre des mesures spécifiques pour intégrer les besoins humanitaires et les questions de déplacement dans les plans de développement nationaux et locaux ;

Profondément préoccupée par le nombre croissant de personnes déplacées internes sur le continent (près de 16 millions), en ce début d’année 2024, et par l’aggravation de la situation humanitaire dans certaines régions, ainsi que la difficulté d’accès aux aides humanitaires;

Consternée par les nombreuses violations des droits humains dont sont victimes les personnes déplacées internes, notamment les enlèvements, les exécutions arbitraires, les extorsions, les violences sexistes, etc., ainsi que les conditions de vie précaires dans les sites formels et informels où elles sont accueillies; 

Inquiète  Constatant  l’augmentation des épidémies dans les camps de déplacés internes notamment la recrudescence du choléra, les risques de transmissions de maladies - due aux mauvaises conditions sanitaires et au manque d’eau potable-, et du nombre élevé de personnes susceptibles de souffrir de famine et de malnutrition aigüe nécessitant des traitements salvateurs;

Alarmée par la difficulté, voire l’impossibilité pour les déplacés de jouir ce certains de leurs droits sociaux économiques, notamment le droit à l’éducation et le droit à la santé, particulièrement pour les enfants; 

Profondément préoccupée par le fait que des personnes déjà déplacées sont souvent forcées de se déplacer plusieurs fois, à cause de la poursuite des combats ou des catastrophes naturelles; 

Inquiète par les violences qui éclatent souvent entre les communautés d'accueil et les personnes déplacées à cause de leurs disputes sur les ressources naturelles, l'accès aux services essentiels et les opportunités économiques; 

Consciente des effets directs du changement climatique sur les déplacements forcés, ainsi que de la nécessité de répondre aux besoins de ceux qui vivent dans des zones climatiques sensibles, où ils ne disposent généralement pas des ressources nécessaires pour s’adapter à un environnement de plus en plus inhospitalier;

Rappelant l’urgence d’apporter des solutions pérennes aux causes des déplacements forcés en vue de les réduire ou d’y mettre un terme;

Gardant à l'esprit le rôle de la Commission, au titre de l’alinéa 1 (a) de l'article 45 de la Charte africaine des droits de l'homme et des peuples, qui l’autorise à « (…) donner des avis ou faire des recommandations aux gouvernements » ; 

La Commission:
1.Invite les Etats Parties à:
a.Prendre les mesures nécessaires effectives pour prévenir les déplacements internes forcés en s’attaquant à leurs causes, notamment les conflits armés, les violences politiques, et les changements climatiques; 
b.Prendre les dispositions adéquates afin de respecter les droits humains de toutes les personnes déplacées internes et de veiller à ce qu’elles reçoivent toute l’assistance et la protection nécessaires, notamment par l’élaboration de plans de réponse humanitaire;
c.Ratifier la Convention de Kampala pour ceux qui ne l’ont pas encore fait, et adopter les mesures nationales pour assurer sa mise en œuvre;
d.Mettre les changements climatiques et leurs conséquences sur les populations dans leur agenda à court et moyen terme ;

2.Encourage les Etats en situation de conflits à répondre positivement à toutes les actions visant à les résoudre, en vue de restaurer la paix et la stabilité et mettre un terme aux déplacements internes;

3. Invite l’Union africaine à :
a. S’engager proactivement dans la résolution des conflits en cours sur le Continent en vue de mettre un terme à l’une des causes principales des déplacements forcées;
b. Apporter des solutions durables adéquates en vue d’assister les Etats qui font face à des déplacements forcés de populations;
c. Développer un plan d’action pour répondre aux déplacements forcés du fait du changement climatique, notamment en s’assurant que les facteurs favorisant ce phénomène   soient strictement contrôlés, particulièrement la déforestation, l’exploitation excessive des ressources naturelles sans aucune considération des conséquences sur l’environnement et le changement climatique;
d. Mettre en place un fonds d’aide pour répondre à l’urgence humanitaire dans laquelle vivent de nombreuses personnes déplacées sur le Continent.

Adoptée le 8 mars 2024