Résolution sur la situation des droits de l'homme en République au Royaume d’Eswatini - CADHP/Res.554 (LXXV) 2023

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La Commission des droits de l’homme et des peuples (la Commission), réunie en sa 75ème Session ordinaire tenue du 3 au 23 mai 2023 à Banjul, Gambie ;

RAPPELANT son mandat de promotion et de protection des  droits de l’homme et des peuples en Afrique en vertu de L’article 45 de la Charte africaine des droits de l’homme et des peuples (la Charte africaine) ;

SOULIGNANT les dispositions de la Charte africaine et des autres instruments régionaux et internationaux relatifs aux droits de l'homme auxquels l'Eswatini est un État partie, notamment le  Pacte international relatif aux droits civils et politiques (PIDCP), la Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants ;

NOTANT AVEC PRÉOCCUPATION le fait que le Royaume d'Eswatini n'a pas mis en œuvre la décision de la Commission africaine dans la Communication 251/2002- Lawyers for Human Rights c. Swaziland, ainsi que les recommandations contenues dans le rapport adopté par la Commission africaine à la suite des missions de promotion effectuées dans le pays en août 2006 et en mars 2016, ainsi que les observations finales et les recommandations de la Commission pour les 1er à 9e rapports périodiques combinés du Royaume d'Eswatini de 2001 à 2020, adoptées en 2022 ;

RAPPELANT EN OUTRE la résolution CADHP/Res.216(LI)2012  sur la situation des droits de l'homme au Royaume du Swaziland, adoptée lors de la 51ème  Session ordinaire, tenue du 18 avril au 2 mai 2012 à Banjul, Gambie, qui appelle le gouvernement du Royaume d'Eswatini à respecter les droits à la liberté d'expression, à la liberté d'association et à la liberté de réunion, tout en l’exhortant à prendre toutes les mesures nécessaires pour assurer la tenue d'élections libres, équitables et crédibles dans le pays ;

RÉITÉRANT la Résolution CADHP/Res.286 (EXT.OS/XVI) 2014 sur la liberté d'expression au Royaume du Swaziland, qui demande au gouvernement de respecter, de protéger et de réaliser les droits à la liberté d'expression, à la liberté d'association et à la liberté de réunion garantis par la Charte africaine, la Déclaration Universelle des Droits de l’Homme, le PIDCP et d'autres instruments internationaux et régionaux relatifs aux droits de l'homme, mais aussi de prendre les mesures nécessaires pour mettre fin à tous les actes de harcèlement et d'intimidation à l'encontre des défenseurs des droits de l'homme et des professionnels des médias travaillant dans le Royaume d'Eswatini ou encore de respecter et garantir leur droit à la liberté d'opinion et d'expression.

SOULIGNANT EN OUTRE l'importance fondamentale de la liberté d'expression et d'information en tant que droit de l'homme individuel, en tant que pierre angulaire de la démocratie et en tant que moyen d'assurer le respect de tous les droits de l'homme et de toutes les libertés ;

PROFONDÉMENT PRÉOCCUPÉS par le meurtre violent de Thulani Maseko et, semble-t-il, de nombreux autres défenseurs des droits de l'homme en Eswatini, ainsi que par les allégations constantes de violations du droit à la vie, du droit à la dignité, du droit à la liberté de circulation, de la liberté de réunion et de la liberté d'expression en général, consacrés par la Charte africaine ;

PRENANT EN CONSIDÉRATION les troubles civils qui ont éclaté en juin 2021 et l'usage disproportionné de la force employé par le l’Etat pour réprimer les manifestations, y compris les allégations d'exécutions extrajudiciaires et d'exécutions sommaires de manifestants, de militants pro-démocratie, de dirigeants de la société civile et de défenseurs des droits de l'homme, ainsi que la détention de prisonniers politiques, notamment les députés Mduduzi Bacede MABUZA et Mthandeni DUBE, et la fuite en exil d'autres personnes, y compris, mais pas uniquement, le député Mduduzi SIMELANE

DÉCIDE ce qui suit :
1. Condamner fermement le meurtre brutal de M. Thulani Rudolf Maseko, éminent avocat des droits de l'homme et militant politique de Swati, dans sa propriété de Luhleko, Bhunya, Eswatini, le 21 janvier 2023, par des assassins non identifiés, en présence de sa famille, ainsi que les menaces et les violences à l'encontre des défenseurs des droits de l'homme et des militants dans le Royaume d'Eswatini.
2. Appeler le gouvernement du Royaume d'Eswatini à respecter et à protéger les droits de l'homme et les libertés fondamentales du peuple d'Eswatini, y compris la liberté de réunion, la liberté d'association, la liberté d'expression et l'accès à l'information, y compris l’accès à  l'internet et aux médias sociaux, et à se conformer à ses obligations en matière de droits de l'homme en vertu de la Charte africaine des droits de l'homme et des peuples et d'autres instruments régionaux et internationaux pertinents en matière de droits de l'homme ;
3. Exhorte le gouvernement du Royaume d'Eswatini à rechercher les voies d'un discours civil et d'un engagement constructif, incluant toutes les parties prenantes, afin de créer un climat politique propice au dialogue en vue de remédier aux troubles civils et politiques dans le pays ;
4. Appeler le gouvernement du Royaume d'Eswatini à s'abstenir de toute forme de victimisation, de harcèlement, d'intimidation et de ciblage à l’encontre des défenseurs des droits de l'homme, des partis politiques, des manifestants pacifiques, des dirigeants et des militants pro-démocratie par le recours  arbitraire à la police et aux forces de sécurité.
5. Recommander au gouvernement de mettre en place un comité d'enquête indépendant chargé de mener une enquête approfondie, transparente et rapide sur les violences commises à l'encontre des défenseurs des droits de l'homme, en particulier l'assassinat de Thulani Maseko, afin d'identifier les auteurs de ces actes et de les faire répondre de leurs actes ;
6. Exhorte le gouvernement à retirer toutes les accusations motivées par des considérations politiques et à libérer tous les prisonniers politiques, y compris, mais sans s'y limiter, les deux membres du Parlement, Mduduzi Bacede MABUZA et Mthandeni DUBE, et à permettre à tous les exilés de rentrer sans condition dans le pays, y compris, mais sans s'y limiter, le membre du Parlement Mduduzi SIMELANE.

Fait à Banjul, Gambie, le 23 mai 2023