Résolution sur la situation des droits de l'homme en république du soudan du sud - CADHP/Rés.542 (LXXIII) 2022

partager

La Commission africaine des droits de l’homme et des peuples (la Commission), réunie à l’occasion de sa 73ème  Session ordinaire à Banjul, Gambie, du 20 octobre au 9 novembre 2022 ;

Rappelant son mandat de promotion et de protection des droits de l’homme et des peuples en Afrique en vertu de la Charte africaine des droits de l’homme et des peuples (la Charte africaine) ;

Gardant à l’esprit  l'article 23 de la Charte africaine, qui prévoit le droit de tous les peuples à la paix et à la sécurité ; les articles 10 et 11 du Protocole à la Charte africaine sur les droits de la femme en Afrique, qui prévoient le droit à la paix et la protection des femmes dans les situations de conflits armés ; ainsi que la Politique de justice transitionnelle de l'Union africaine (UA) et l'Étude de la Commission africaine sur la justice transitionnelle et les droits de l'homme et des peuples (Étude JT), qui contiennent les points de vue faisant autorité de l'UA et de la Commission africaine sur les processus de justice transitionnelle ;

Rappelant ses résolutions précédentes sur la République du Soudan du Sud, notamment la Résolution CADHP/Res.428 (LXV) 2019 ; son Communiqué de presse daté du 12 juillet 2018 sur les violations des droits de l'homme dans le conflit au Soudan du Sud ; ses communiqués de presse sur la situation des droits de l'homme et les développements connexes au Soudan du Sud du 05 novembre 2019, du 21 février 2020 et du 24 juin 2020 ; ainsi que toutes les décisions et tous les communiqués pertinents de l'UA et de l'Autorité intergouvernementale pour le développement (IGAD) ;

Rappelant en outre que le gouvernement du Soudan du Sud porte la responsabilité première de la promotion et de la protection des droits de l'homme et a l’obligation de protéger sa population contre le génocide, les crimes de guerre, le nettoyage ethnique et les crimes contre l'humanité, ainsi que contre les violations des droits de l'homme et les violations du droit international humanitaire, y compris celles commises par ses forces ;

Soulignant que si les mécanismes de justice transitionnelle prévus par le chapitre V de l'Accord revitalisé sur la résolution du conflit en République du Soudan du Sud ( R-ARCSS ou Accord revitalisé), à savoir la Commission pour la vérité, la réconciliation et la guérison (CTRH), l'Autorité de compensation et de réparation (CRA) et la Cour hybride pour le Soudan du Sud (HCSS), n'ont pas encore été mis en place, il est nécessaire de continuer à surveiller et à rendre compte des violations des droits de l'homme ; 

Notant que le chapitre V de Accord revitalisé prévoit que le Gouvernement provisoire d'union nationale revitalisé (R-TGoNU) doit coopérer avec la Commission pour mettre en place des institutions de justice transitionnelle, notamment la CTRH ;

Soulignant le rôle important que continuent de jouer la Commission conjointe de suivi et d'évaluation reconstituée (R-JMEC) et le Mécanisme de suivi et de vérification du cessez-le-feu et des arrangements transitoires de sécurité (CTSAMVM) dans le soutien à la mise en œuvre de l’Accord revitalisé ;
    
Notant avec satisfaction la coopération permanente du gouvernement du Soudan du Sud avec l'UA, l'IGAD, le Haut-Commissariat des Nations Unies aux droits de l'homme (HCDH), la Commission sur les droits de l'homme au Soudan du Sud (CHRSS) établie par le Conseil des droits de l'homme des Nations Unies, et la Mission des Nations Unies au Soudan du Sud (MINUS), y compris sa division des droits de l'homme ;

Se félicitant des progrès accomplis dans la mise en œuvre de l’Accord revitalisé, notamment la formation, malgré des retards, du Gouvernement d'union nationale de transition (TGoNU), la nomination de gouverneurs et de gouverneurs adjoints dans tous les États, la reconstitution de l'Assemblée législative nationale de transition, et les mesures prises en vue de la formation de forces armées unifiées en vertu du chapitre II de l’Accord revitalisé, y compris l’achèvement récent de la formation d’un premier groupe de 20 000 membres de l'armée, de la police et des autres forces de sécurité nationales unifiées ;

Prenant note de l'entente des parties à l’Accord revitalisé, annoncée le 4 août 2022, sur une feuille de route qui prolonge la période de transition de 24 mois, tout en soulignant la nécessité d'utiliser cette prolongation de 24 mois pour ouvrir l'espace politique, adopter une loi électorale, établir un système électoral inclusif et faire avancer le processus d'élaboration d’une constitution permanente ;

Soulignant la nécessité pour le ministère de la Justice de veiller à ce que les consultations nationales sur la création de la CTRH soient pleinement inclusives, en particulier pour les réfugiés et les personnes déplacées, avant de rédiger la législation relative à la CTRH et à la CRA ;

Encourageant les efforts visant à lutter contre la violence sexuelle et sexiste, y compris la violence sexuelle liée au conflit, et l'impunité généralisée à cet égard ;

Déplorant les violations continues des droits de l'homme et les abus subis par le peuple du Soudan du Sud, notamment le ciblage délibéré et les attaques de représailles contre les civils, en particulier les femmes et les enfants, y compris les violences sexuelles et celles liées au conflit, les viols collectifs, les actes de torture et autres traitements cruels, inhumains ou dégradants, la famine provoquée, le recrutement et l'utilisation d'enfants soldats, les enlèvements, les disparitions forcées et les exécutions extrajudiciaires ;

Déplorant en outre les violations des droits économiques, sociaux et culturels, notamment les droits à l'alimentation, à l'éducation et à la santé ;

Vivement préoccupée par les entraves à l'aide humanitaire, notamment les retards, droits et taxes injustifiés, ainsi que par les actes d'intimidation, le harcèlement et les attaques contre les travailleurs humanitaires, y compris les meurtres et les exécutions extrajudiciaires de prisonniers;

Profondément préoccupée par le rétrécissement de l'espace civique et politique, comme en attestent les cas signalés d’arrestation et de détention arbitraires de manifestants;

La Commission :  
1.Condamne toutes les violations des droits de l'homme et du droit humanitaire international au Soudan du Sud, en particulier le ciblage délibéré et les attaques de représailles contre les civils, notamment les femmes et les enfants, y compris les violences sexuelles et celles liées au conflit ;  
2.Appelle à la mise en place de mesures, y compris par l'habilitation et la garantie du fonctionnement efficace de la Commission des droits de l'homme au Soudan du Sud, pour assurer la surveillance, l’établissement de rapports, l’ouverture d’enquêtes sur les faits allégués, l’engagement de poursuites à l’encontre de leurs ainsi, ainsi que la mise en œuvre des réformes nécessaires afin de remédier à ces actes de violations affectant la population civile, en particulier les femmes et les groupes vulnérables ;  
3. Demande instamment au gouvernement de prendre des mesures urgentes pour que les services de sécurité mettent fin au harcèlement et à l'intimidation des défenseurs des droits de l'homme, des membres des organisations de la société civile, des journalistes et des travailleurs humanitaires, ainsi qu'aux attaques dont ils font l'objet, aux violations commises à l'encontre des civils, y compris les violences sexuelles et celles liées au conflit, et aux restrictions indues des libertés d'opinion et d'expression en ligne et hors ligne, de réunion pacifique et d'association ;
4.Exhorte le gouvernement provisoire d'unité nationale redynamisé et les autres parties prenantes concernées à accélérer la mise en œuvre de l'Accord revitalisé sur le règlement du conflit en République du Soudan du Sud, notamment en rendant opérationnelles les institutions de justice transitionnelle envisagées au chapitre V de l'Accord revitalisé ;
5.Exhorte à cet égard le gouvernement provisoire d'unité nationale redynamisé à travailler avec la Commission dans le cadre de la résolution 428 de la CADHP afin d'identifier des modalités réalisables pour l'opérationnalisation de tous les éléments du chapitre V de l'accord de paix ;
6.Demande au Rapporteur pays pour le Soudan du Sud de collaborer avec le gouvernement du Soudan du Sud et la Commission sur les droits de l'homme au Soudan du Sud (CHRSS) pour la surveillance des droits de l'homme et le suivi de la résolution 428 dans le cadre du paragraphe 5 ci-dessus ;  
7.Exhorte le gouvernement du Soudan du Sud à permettre et à faciliter l’accès complet, sûr et sans entrave du personnel humanitaire et de secours aux millions de personnes, y compris les personnes déplacées, qui ont besoin d’assistance humanitaire ;
8.Demande instamment à tous les acteurs extérieurs de continuer à fournir tout le soutien nécessaire au Soudan du Sud pour mettre en œuvre les processus de justice transitionnelle, de redevabilité, de réconciliation et de guérison, y compris par la coopération avec la CUA et la Commission.

Fait à Banjul, en Gambie, le 9 novembre 2022.