La Commission africaine des droits de l'homme et des peuples (la Commission), réunie en sa 64èmeSession ordinaire, tenue du 24 avril au 14 mai 2019 à Sharm el-Sheikh, en République Arabe d'Égypte ;
Rappelant son mandat de promotion et de protection des droits de l'homme et des peuples en vertu de la Charte africaine des droits de l'homme et des peuples (la Charte africaine);
Rappelant l'article 4 de la Charte africaine qui reconnaît et garantit le droit de tout individu à la vie ;
Considérant les Résolutions CADHP/Res.42(XXVI)99 et CADHP/Res.136 (XXXXIV)08 de la Commission exhortant, entre autres, les États parties à la Charte africaine à envisager un moratoire sur la peine de mort et à ratifier le deuxième Protocole facultatif se rapportant au Pacte international relatif aux droits civils et politiques, visant à abolir la peine de mort;
Gardant à l'esprit la Résolution CADHP/ Res. 375 (LX) 2017 sur le droit à la vie exhortant les États parties à la Charte africaine qui ont établi un moratoire sur les exécutions à entreprendre d'autres mesures concrètes en vue de l'abolition de la peine de mort;
Rappelant l'Observation générale n° 3 sur l’article 4 de la Charte africaine des droits de l'homme et des peuples concernant le droit à la vie et l'Observation générale n ° 36 (2018) sur l'article 6 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques
Rappelant également les résolutions de l'Assemblée générale des Nations Unies, adoptées en 2007, 2008, 2010, 2012, 2014, 2016 et 2018, invitant tous les États qui maintiennent encore la peine de mort à, notamment, observer un moratoire sur les exécutions en vue d'abolir la peine de mort;
Se félicitant de la tenue par la Commission de deux conférences régionales sur la question de la peine de mort en Afrique, en septembre 2009 et avril 2010 pour les pays d'Afrique centrale, de l’Est et australe et pour les pays d'Afrique de l'Ouest et du Nord, qui ont recommandé la rédaction d'un Protocole sur l'abolition de la peine de mort en Afrique, ainsi que l'organisation en 2014 de la première Conférence continentale sur la peine de mort au Bénin, qui a créé l'espace d'un débat ouvert sur la question de la peine de mort en Afrique ainsi que sur la nécessité pour les États membres de l'Union africaine (UA) d'appuyer l'adoption d'un protocole régional sur l'abolition de la peine de mort;
Se félicitant également de la tenue du Congrès régional africain contre la peine de mort à Abidjan en avril 2018, qui réaffirme son soutien à l'abolition de la peine de mort en Afrique et à l'adoption du projet de Protocole sur l'abolition de la peine de mort ;
Se félicitant en outre de la tendance continentale et mondiale en faveur de l'abolition de la peine de mort, mais aussi le fait que 21 États parties à la Charte africaine ont aboli la peine de mort en droit;
Notant que seuls 14 des 53 États parties à la Charte africaine ont ratifié le deuxième Protocole facultatif se rapportant au Pacte international relatif aux droits civils et politiques, visant à abolir la peine de mort;
Notant également que 27 pays africains ont voté en faveur de la Résolution 73/175 (2018) de l'Assemblée générale des Nations Unies appelant à un moratoire sur les exécutions.
Déplorant le fait que 9 États africains continuent d’appliquer la peine de mort obligatoire pour certaines infractions, qu'au moins 22 États africains ont prononcé des condamnations à mort en 2018, et que 5 d’entre eux ont procédé à des exécutions;
Considérant que la peine de mort n'a pas d'effet dissuasif avéré, son application est irréversible et constitue une atteinte grave au droit à la vie et au droit à la dignité humaine;
Constatant que la peine de mort est imposée de plus en plus à l'issue de procès inéquitables et appliquée de manière arbitraire et discriminatoire, en particulier à l'encontre de membres de groupes vulnérables;
Réaffirmant son engagement à promouvoir le droit à la vie et à la dignité humaine en tant que droits fondamentaux, et à encourager les Etats parties à abolir la peine de mort
La Commission:
1. Engage les États parties à la Charte africaine qui maintiennent encore la peine de mort de donner pleinement effet au droit à la vie et au droit à la dignité;
2. Exhorte les Etats parties qui maintiennent la peine de mort à instaurer un moratoire sur les exécutions en vue de l'abolir conformément aux résolutions CADHP/ Res.42 (XXVI) 99 et CADHP/ Res.136 (XXXXIV) 08 de la Commission , ainsi qu'aux sept résolutions de l’Assemblée générale des Nations Unies susmentionnées;
3. Exhorte également les États parties à ratifier le deuxième Protocole facultatif se rapportant au Pacte international relatif aux droits civils et politiques, visant à abolir la peine de mort ;
4. Exhorte en outre les États parties qui maintiennent la peine de mort obligatoire à l'abolir d'autant qu'elle viole le droit à la vie et le droit à la dignité;
5. Prie instamment les États parties qui ont instauré un moratoire sur les exécutions d'entreprendre d'autres mesures concrètes en vue de l'abolition complète de la peine de mort en droit;
6. Invite les Etats parties à la Charte africaine à inclure dans leurs rapports périodiques des informations sur les mesures qu'ils prennent en vue d'abolir la peine de mort dans leur pays; et
7. Invite également les États parties à appuyer l'adoption par l'Union africaine du projet de Protocole additionnel à la Charte africaine portant sur l'abolition de la peine de mort, adopté par la Commission en 2015.
Fait à Sharm el-Sheikh, en République Arabe d'Égypte, le 14 mai 2019